Débat sur l'âge des centrales nucléaires

Débat sur l'âge des centrales nucléaires

    Les centrales nucléaires françaises sont-elles fragilisées par leur vieillissement ou au contraire dans la pleine force de l'âge ? Alors que 15 des 58 réacteurs français sont aujourd'hui à l'arrêt, qu'un incident s'est produit au début du mois à la centrale du Tricastin (Drôme) lors du déchargement de barres d'uranium, et qu'EDF a déjà averti que des coupures de courant n'étaient pas à exclure cet hiver, l'association Sortir du nucléaire estime que les réacteurs, « vieillissants », sont dans un « état extrêmement dégradé ». Sûre de ses installations, dont la plus ancienne a 32 ans, EDF a l'ambition de les exploiter au-delà de 40 ans, d'autant qu'elles fournissent 80 % de notre électricité. L'entreprise inaugure d'ailleurs aujourd'hui un laboratoire à Fontainebleau (Seine-et-Marne), chargé d'effectuer des recherches sur le vieillissement du matériel utilisé dans ses centrales.

    Pas de limite d'âge officiel. En France, l'autorisation d'exploiter une centrale nucléaire ne précise pas de limite dans le temps. Aux Etats-Unis, quatre réacteurs entament leur 41 e année d'exploitation, et l'autorité de sûreté américaine a donné son feu vert à la poursuite d'exploitation d'une cinquantaine de réacteurs jusqu'à leurs 60 ans. Des chercheurs étudient même la possibilité de prolonger la vie des centrales jusqu'à 80 ans !

    Un contrôle complet tous les dix ans. Au milieu des années 1990, EDF a mis en place un plan de gestion du vieillissement qui concerne les réacteurs de 30 ans d'âge. « Tous les dix ans, nous examinons les bâtiments sous toutes les coutures, comme une opération de carénage d'un bateau en cale sèche, explique Jean-Marc Miraucourt, directeur adjoint de l'ingénierie nucléaire à EDF. Toutes les pièces sont contrôlables, et presque toutes sont remplaçables. » « Les centrales avançant en âge, nous avons demandé à EDF d'accroître la fréquence des différents contrôles, d'améliorer la gestion des pièces de rechange, et d'identifier les mesures visant à limiter les effets du vieillissement », souligne Frédéric Ménage, adjoint au directeur des centrales à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

    Sont-elles moins sûres au fil des ans ? « La loi nous impose la sûreté avant tout et comme nous renouvelons un tiers des assemblages au coeur du réacteur tous les ans, les centrales sont au final plus sûres au fil du temps », assure Jean-Marc Miraucourt. Une affirmation que conteste Stéphane Lhomme, porte-parole de Sortir du nucléaire : « Les réacteurs vieillissants sont plus dangereux que les autres, et l'événement survenu au début du mois au Tricastin le prouve. Cet incident, théoriquement très rare, s'est produit deux fois en un an sur le même réacteur. C'est le signe que le parc nucléaire se dégrade, et que les incidents vont se multiplier. »

    Le nombre d'incidents a pratiquement augmenté d'un tiers en 2008. Selon l'Autorité de sûreté nucléaire, le nombre d'incidents de niveau 1 (sur une échelle internationale qui va de 0 à 7) s'est élevé à 72 l'an dernier contre 56 en 2007. Les députés Yves Cochet et Noël Mamère ont demandé la création d'une commission d'enquête relative aux « dysfonctionnements du secteur nucléaire en France ». « Les problèmes intrinsèques à ce secteur sont sous-évalués, voire passés sous silence », estiment les deux élus verts.