Pegasus : une affaire marocaine, vraiment ?

REPORTAGE. Beaucoup, Marocains et non-Marocains, interrogent les preuves, les conditions et les conséquences de la cybersurveillance, au-delà d’un seul pays.

Par Anis Bounani, à Tanger

Temps de lecture : 15 min

Tout a commencé le 18 juillet dernier à la suite d’une importante enquête menée par un consortium regroupant une centaine de journalistes, une vingtaine de médias, dont Le Monde, Radio France, l’ONG Forbidden Stories, en collaboration avec Amnesty International. Le projet est digne d’un épisode de la série britannique Black Mirror. Ce consortium de médias indique avoir analysé des centaines de téléphones portables dans plusieurs pays. Objectif : repérer lesquels étaient contaminés par le logiciel d’espionnage Pegasus, un bijou de technologie de surveillance conçu par la société israélienne NSO Group.

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Pegasus pour quoi faire ?

À la base, il faut savoir que Pegasus est présumé être mis en vente à destination d’organisations étatiques et non d’entreprises privées, avec comme objectif théorique d’espionner des individus ou des groupes soupçonnés d’être impliqués dans des initiatives à visée terroriste ou criminelle. Dans la réalité, ce logiciel serait aussi utilisé par certains régimes avec des velléités autoritaires pour espionner des journalistes, des avocats, des hommes d’affaires, des militants des droits de l’homme et même des chefs d’État étrangers. La liste des pays accusés de faire usage de Pegasus est longue… Parmi eux, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Maroc, la Hongrie, le Togo, l’Inde ou encore le Mexique. Des pays donc avec des profils divers tant au niveau géographique que des régimes politiques.

Comment le Maroc a été accusé

Le Maroc, cité plus haut, s’est ainsi retrouvé accusé d’utiliser à grande échelle Pegasus pour espionner non seulement des hautes personnalités du royaume – notamment le roi lui-même ! –, mais aussi des dissidents et des hauts responsables politiques, militaires et sécuritaires de plusieurs États, notamment la France et l’Algérie.

À la suite de l'accusation selon laquelle le téléphone du président Macron avait été ciblé par le logiciel Pegasus, un Conseil de défense s'est réuni à Paris le 22 juillet 2021. 
 ©  LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
À la suite de l'accusation selon laquelle le téléphone du président Macron avait été ciblé par le logiciel Pegasus, un Conseil de défense s'est réuni à Paris le 22 juillet 2021.  © LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Plus grave : le royaume est accusé d’espionner rien moins que le téléphone portable d’Emmanuel Macron et de quelque 6 000 personnalités du complexe militaro-sécuritaire algérien.

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Comment le royaume s’est défendu

Des allégations évidemment repoussées et refusées avec force par les officiels du Maroc, des citoyens du royaume chérifien et aussi par certains membres de la communauté internationale. Concrètement, non seulement le Maroc a rejeté ces accusations et a décidé de poursuivre en diffamation à la fois le consortium de médias Forbidden Stories mais aussi tous les acteurs s’étant impliqués dans ces accusations.

Pour le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, les attaques contre le Maroc ne sont fondées que sur de pures supputations.
 ©  JALAL MORCHIDI / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP
Pour le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, les attaques contre le Maroc ne sont fondées que sur de pures supputations. © JALAL MORCHIDI / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

« Au-delà de cet écran de fumée – ce coup de bluff, si je puis me permettre – monté de toutes pièces et sans preuve aucune, il convient de jeter la lumière sur les faits, loin de la polémique et de la calomnie », a tenu à préciser le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita, dans un entretien accordé au magazine panafricain Jeune Afrique. Le chef de la diplomatie marocaine a poursuivi son propos en expliquant que ces attaques contre le Maroc ne sont fondées que sur de pures supputations. « Certains titres syndiqués au sein de ce consortium servent des agendas bien connus pour leur hostilité primaire envers le Maroc et sont ulcérés par ses succès », a martelé Nasser Bourita. Dans la même interview, ce dernier a mis au défi les colporteurs des accusations d’espionnage à l’endroit du Maroc de fournir des preuves tangibles et matérielles en appui à leur récit.

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Au-delà du registre diplomatique, le royaume chérifien s’est adjoint les services d’Olivier Baratelli, un avocat français. Celui-ci a qualifié les accusations contre le Maroc « d’ubuesques ». Et d’affirmer que NSO Group, la société israélienne conceptrice du fameux logiciel d’espionnage Pegasus, « n’a jamais eu de liens contractuels ou commerciaux » avec le Maroc. Et d’indiquer en plus dans ses déclarations qu’« Emmanuel Macron n’a pas et n’a jamais été une cible sélectionnée par des clients NSO ».

Le royaume chérifien s’est adjoint les services de l'avocat français Olivier Baratelli. Celui-ci a qualifié les accusations contre le Maroc « d’ubuesques ».
 ©  MARTIN BUREAU / AFP
Le royaume chérifien s’est adjoint les services de l'avocat français Olivier Baratelli. Celui-ci a qualifié les accusations contre le Maroc « d’ubuesques ». © MARTIN BUREAU / AFP

De son côté, le ministère public marocain a précisé qu’après avoir pris connaissance de l’affaire Pegasus, il a donné des instructions écrites au procureur général du roi près la cour d’appel de Rabat pour ouvrir une enquête judiciaire sur ces fausses allégations et accusations afin d’identifier les parties à l’origine de leur publication. Pour sa part, le Club des avocats du royaume a tenu à faire constater l’absence pour le moment de preuves d’espionnage de la part du Maroc.

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Que dit la rue marocaine ?

Loin des officiels et de quelques organisations professionnelles, comment les Marocains voient-ils cette affaire Pegasus ? « La diffusion de ce scandale d’espionnage qui coïncide avec la visite du ministre marocain des Affaires étrangères en France confirme sans aucun doute que la France est celle qui a orchestré toute cette mascarade en poussant l’Allemagne et l’Espagne à être de plus en plus virulentes contre le Maroc », dit Akram, buraliste à Rabat. « Il faut qu’elle cesse cette attitude dépassée. La France doit s’exprimer clairement et publiquement sur la marocanité du Sahara comme l’a fait l’Amérique. Dans le cas contraire, le Maroc devra rompre définitivement ses relations avec elle », poursuit Akram.

Pour certains Marocains, « il est préférable d'avoir une souveraineté complète sur ces technologies (de cybersurveillance) pour éviter l'intervention de toute partie étrangère ». 
 ©  FADEL SENNA / AFP
Pour certains Marocains, « il est préférable d'avoir une souveraineté complète sur ces technologies (de cybersurveillance) pour éviter l'intervention de toute partie étrangère ».  © FADEL SENNA / AFP

Pour sa part, Hajar, spécialiste des réseaux informatiques, estime que « si le Maroc utilise Pegasus, il le fait dans le respect strict du cadre de la mission pour laquelle il a été conçu ». « Pour sauver des vies », tel que l’a rappelé le CEO de NSO récemment, « il est important de se munir de technologies permettant d’assurer la sécurité de notre pays », indique-t-il. Ajoutant : « Toutefois, il est préférable d’avoir une souveraineté complète sur ces technologies pour éviter l’intervention de toute partie étrangère. D’autant plus que cela ouvre un potentiel énorme d’emploi de nos compétences locales pour le développement de telles technologies. »

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De son côté, Adil, comptable qui se définit comme un « croyant », estime que « l’espionnage est strictement interdit dans la religion musulmane ». « Dans le Coran, dit-il, Allah a dit dans la sourate d’Al Hujurat : « Ô vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas ; et ne médisez pas les uns sur les autres. […] Et craignez Dieu. Car Dieu est Très Miséricordieux… » Conclusion : le Maroc, étant un pays musulman, ne peut aller jusqu’à espionner.

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Au-delà, ce que la rue marocaine semble le plus condamner, ce sont les détails révélés autour de cette affaire qui sont perçus comme surréalistes par certains. « Les médias français sont-ils sérieux quand ils avancent certains détails ? » se demande avec ironie Lina, responsable d’une agence de communication et bonne connaisseuse de l’étiquette protocolaire marocaine. « On veut nous faire gober le fait que la sûreté nationale marocaine espionne son propre roi ? Que la famille royale est surveillée par Pegasus ? Ça dépasse l’entendement ! » dit-elle.

Une partie de l'opinion marocaine s'interroge : « On veut nous faire gober le fait que la sûreté nationale marocaine espionne son propre roi ? Que la famille royale est surveillée par Pegasus ? Ça dépasse l’entendement ! ».
 ©  FADEL SENNA / AFP
Une partie de l'opinion marocaine s'interroge : « On veut nous faire gober le fait que la sûreté nationale marocaine espionne son propre roi ? Que la famille royale est surveillée par Pegasus ? Ça dépasse l’entendement ! ». © FADEL SENNA / AFP

Cela dit, il n’y a pas unanimité dans la vision que le Marocain de la rue pose sur cette affaire. Pour Achraf par exemple, « le Maroc a bel et bien acquis Pegasus pour des raisons autres que sécuritaires ». « Comment pensez-vous que Nasser Zefzafi a été mis sur écoutes puis emprisonné lors des événements du hirak dans le Rif ? Comment le journaliste Bouachrine a pu tomber dans un scandale sexuel monté de toutes pièces ? Comment les Raissouni ont été eux aussi condamnés à la prison ferme ? Comment tout récemment Omar Radi et Imad Stitou ont-ils écopé de respectivement 6 ans et un an de prison, dont 6 mois avec sursis ? La réponse, c’est Pegasus. Sans Pegasus, le Maroc ne pourrait pas contrôler tous ses antisystèmes », soutient Achraf, père de famille et retraité de l’armée marocaine.

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« C’est primordial pour un pays en devenir comme le Maroc d’avoir des outils d’écoute, que ce soit en interne ou en externe », explique Houda, professeur de droit international dans une école privée à Tanger. « Sans espionnage, un État est constamment à la merci de ceux pour qui c’est un usage régulier », poursuit-elle. Et de conclure : « Il faut s’armer de la même matière technologique que nos amis qui peuvent devenir du jour au lendemain nos rivaux. »

« C’est primordial pour un pays en devenir comme le Maroc d’avoir des outils d’écoute que ce soit en interne ou en externe », explique Houda, professeur de droit international dans une école privée à Tanger. 
 ©  FADEL SENNA / AFP
« C’est primordial pour un pays en devenir comme le Maroc d’avoir des outils d’écoute que ce soit en interne ou en externe », explique Houda, professeur de droit international dans une école privée à Tanger.  © FADEL SENNA / AFP

Enfin, Sara, spécialiste de cinéma en noir et blanc, se remémore des scènes d’espionnage sur grand écran tirées de films avec 007 de Ian Flemming, Correspondant 17 d’Alfred Hitchcock ou La Chatte sort ses griffes d’Henri Decoin. « L’espion se révèle un personnage exemplaire sur le plan cinématographique. Le mensonge, l’imposture, la trahison ou le simulacre sont au cœur du film d’espionnage, mais ça, c’est de la fiction. Dans la vie réelle, et dans le cas du Maroc, l’acquisition de Pegasus chez l’israélien NSO est en soi problématique, car cela ne fait que confirmer le désengagement marocain de la cause palestinienne. » « Quant à l’usage de Pegasus, il ne peut en aucun cas être rassurant pour une société qui aspire à la démocratie », conclut-elle. De quoi introduire une dimension délicate liée à la surveillance par des technologies de pointe comme Pegasus.

Quid des réactions enregistrées en France ?

De l’autre côté de la Méditerranée, en France, les allégations sur l’utilisation par le Maroc de Pegasus au détriment de la France a eu un large écho dans la presse française. Du côté de Radio France Internationale, au-delà de s’inquiéter du sort des relations entre le Maroc et la France, le média a indiqué le souci de Paris de ne pas « pousser à une brouille diplomatique avec un pays ami comme le Maroc, avec lequel les relations bilatérales sont très fortes, notamment dans l’échange entre services de renseignements ». Et de rappeler les nombreuses informations apportées à la France par le Maroc dans sa lutte contre le terrorisme.

C’est aussi le point de vue d’individualités très au fait de la coopération franco-marocaine. Ainsi de Fabrice Epelboin, entrepreneur français et spécialiste des médias sociaux. « Parmi les journalistes français espionnés par le Maroc, nous avons des journalistes et des personnalités publiques qui n’ont jamais écrit sur le royaume… « Il s’agit clairement d’accords de coopération entre les services marocains et les services français », a ainsi affirmé l’enseignant à Science Po Paris dans une émission française télévisée. « La presse française est en situation de zugzwang, un terme très utilisé dans le jeu des échecs », explique un politologue marocain sous le couvert de l’anonymat. Quel que soit le coup que va jouer la presse de l’Hexagone, elle sera obligée de détériorer sa position, c’est-à-dire se faire mater, perdre du matériel ou se contenter de laisser le Maroc gagner du terrain. La France ne devait et ne devrait pas douter des intentions marocaines », poursuit le politologue.

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Voilà qui explique certainement que plusieurs personnalités françaises aient choisi de prendre le parti du Maroc, réfutant l’allégation que les téléphones d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe et de 14 ministres français aient été pris dans les filets du Maroc grâce à Pegasus.

C’est le cas de Pierre Vermeren, professeur d’Histoire du Maghreb contemporain à l’université de Paris I-Sorbonne. Pour ce spécialiste du Maroc, « qu’elles soient vraies ou fausses, ces allégations ne seront jamais formellement prouvées et, d’ailleurs, personne n’a intérêt à les prouver ».

Pour Pierre Vermeren, professeur d’Histoire du Maghreb contemporain à l’université de Paris I-Sorbonne, spécialiste du Maroc : « Qu’elles soient vraies ou fausses, ces allégations ne seront jamais formellement prouvées et, d’ailleurs, personne n’a intérêt à les prouver ».
 ©  Leemage via AFP
Pour Pierre Vermeren, professeur d’Histoire du Maghreb contemporain à l’université de Paris I-Sorbonne, spécialiste du Maroc : « Qu’elles soient vraies ou fausses, ces allégations ne seront jamais formellement prouvées et, d’ailleurs, personne n’a intérêt à les prouver ». © Leemage via AFP

Une approche qui rejoint celle de l’ancien patron du Renseignement intérieur français, Bernard Squarcini. Ce dernier ne croit pas du tout que le Maroc soit impliqué dans un tel scandale… Interrogé par la radio française Europe 1, ce connaisseur du monde de l’espionnage international a estimé qu’il est trop facile de faire ce genre de conclusion hâtive puisque « le Maroc est un partenaire pour la France et est adossé à d’autres grands pays, d’autres grandes puissances avec lesquelles il coopère également ».

Pour Bernanrd Squarcini,  ancien patron du Renseignement intérieur français, «  le Maroc est un partenaire pour la France et est adossé à d’autres grands pays, d’autres grandes puissances avec lesquelles il coopère également ».
 ©  MARTIN BUREAU / AFP
Pour Bernanrd Squarcini,  ancien patron du Renseignement intérieur français, «  le Maroc est un partenaire pour la France et est adossé à d’autres grands pays, d’autres grandes puissances avec lesquelles il coopère également ». © MARTIN BUREAU / AFP

Au-delà de cette analyse de Bernard Squarcini, il y a les doutes exprimés par le député Jean-Luc Mélenchon. Le fondateur du mouvement La France insoumise a indiqué sur Twitter que « les connaisseurs savent que c’est trop facile et bien commode d’accuser le Maroc alors même que son roi a lui-même été espionné ».

Pour Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, « les connaisseurs savent que c’est trop facile et bien commode d’accuser le Maroc alors même que son roi a lui-même été espionné ».
 ©  GUILLAUME SOUVANT / AFP
Pour Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, « les connaisseurs savent que c’est trop facile et bien commode d’accuser le Maroc alors même que son roi a lui-même été espionné ». © GUILLAUME SOUVANT / AFP

Parmi les personnalités françaises, il y en a qui sont tout simplement outrées par la campagne visant le Maroc. C’est le cas pour le sénateur Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc au Sénat. Il a fait remarquer que « le Maroc fait l’objet d’attentions particulières, de campagnes de presse et de dénigrement avec des accusations très graves ! » Et d’ajouter : « Quand on porte des accusations, il faut être capable de fournir des preuves, or force est de constater que de telles histoires sont régulièrement entretenues […] ». « On est dans l’absurde », poursuit-il. On voit bien que ces accusations sont des montages », indique Christian Cambon.

Pour Christian Cambon, sénateur et président du groupe d'amitié France-Maroc, « quand on porte des accusations, il faut être capable de fournir des preuves, or force est de constater que de telles histoires sont régulièrement entretenues (…) ».
 ©  XOSE BOUZAS / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Pour Christian Cambon, sénateur et président du groupe d'amitié France-Maroc, « quand on porte des accusations, il faut être capable de fournir des preuves, or force est de constater que de telles histoires sont régulièrement entretenues (…) ». © XOSE BOUZAS / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

À la tête de la commission des Affaires étrangères au Sénat, Christian Cambon a poussé l’analyse et affirmé que « la décision américaine de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara a fait beaucoup de jaloux sur la scène internationale et a conduit à un acharnement très ciblé de certains pays ». Quoi qu’il en soit, une chose est sûre. La question posée par le logiciel Pegasus dépasse le cadre d’un pays. Elle est d’ordre international et interroge surtout la sécurité, les implications et les conséquences de la cybersurveillance.

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Du danger de la cybersurveillance

Depuis 2016, quelque 50 000 téléphones portables seraient sur écoutes grâce à Pegasus… Ce dernier, très sophistiqué, peut avoir accès à n’importe quel téléphone portable et voir tout ce que celui-ci contient, écouter n’importe quelle conversation et lire tous les messages, écrits, audio, qu’ils soient cryptés ou pas.

Détourné de son objectif premier (la lutte contre le terrorisme), un logiciel comme Pegasus peut s'avérer dangereux contre les libertés et l'intégrité physique des personnes indûment ciblées.
 ©  MARIO GOLDMAN / AFP
Détourné de son objectif premier (la lutte contre le terrorisme), un logiciel comme Pegasus peut s'avérer dangereux contre les libertés et l'intégrité physique des personnes indûment ciblées. © MARIO GOLDMAN / AFP

« Ces gens [les utilisateurs de Pegasus, NDLR] prennent le contrôle complet et total de votre téléphone et le retournent contre la personne qui l’a acheté mais ne le possède plus vraiment », déclarait Edward Snowden, le lanceur d’alerte américain, au lendemain de la révélation du scandale autour de Pegasus. Des propos qui illustrent le vrai risque que n’importe qui peut être ciblé par ce logiciel d’espionnage. En 2017, RSF avait déjà évoqué Pegasus dans ses rapports, le qualifiant de « dangereux ». Explication de texte d’un spécialiste de la cybercriminalité. « Ce logiciel est dangereux car il est capable d’être impliqué dans des assassinats comme celui du journaliste saoudien Jamal Khashoggi découpé en morceaux au consulat saoudien à Istanbul. Il était espionné à longueur de journée par Pegasus. Même chose pour Ahmad Mansour, un blogueur émirati emprisonné depuis 2017, la princesse Latifa de Dubai, espionnée puis séquestrée par son père Mohammed ben Rachid Al Maktoum, un journaliste au Mexique finalement assassiné, etc. », précise Reda M. T., spécialiste des questions de cyberattaques. Et selon les analystes, Saad Hariri au Liban n’y a pas échappé. Il en est de même pour le Qatari Nasser al-Khelaïfi, patron du PSG et de beIN Sport.

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Il faut dire que si même des chefs d’État ne sont pas à l’abri, alors personne ne l’est vraiment, et tout cela ne semble être que la partie visible de l’iceberg. De quoi avoir froid dans le dos, surtout quand, selon Edward Snowden, ancien employé de la NSA, le groupe NSO n’est qu’une entreprise de surveillance massive parmi tant d’autres. Si ses fondateurs de NSO Group se vantent aujourd’hui d’avoir une quarantaine de pays clients, plusieurs observateurs estiment qu’il faudra tôt ou tard qu’Israël rende des comptes et que la cybersurveillance soit réglementée au niveau international. Un moratoire s’impose donc. Au moins deux questions se posent : à quel prix ? Et pour combien de temps avant qu’un scandale plus grand n’éclate de nouveau ?

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Commentaires (3)

  • jpleg

    Pegasus ? Bridge ?

  • Vieux taxi

    Sur le Baudet...

  • Rebelle44

    De France en Israel serait dans la direction NSO ?