Arnaud Fontanet : "Les mesures contraignantes sont une forme d’échec"

Arnaud Fontanet  ©AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT / POOL / AFP
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Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique Covid-19 et épidémiologiste, est l'invité du Grand entretien de France Inter. Il revient sur les dernières mesures plus contraignantes prises notamment à Paris et la levée de certaines de ces mesures comme à Marseille.

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  • Arnaud Fontanet Directeur de l'unité d'épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur de Paris

"Ce qui se passe actuellement est un scénario qu’on avait prévu", rappelle Arnaud Fontanet. "Si vous reprenez les avis du Conseil scientifique de juin et juillet, on décrivait que l’été se passerait raisonnablement bien, que la rentrée serait difficile, et ce qu’on voit aujourd’hui est une reprise de l’épidémie qui ne se fait pas avec la même intensité que ce qu’on a connu en mars dernier, parce qu’en l’absence de mesures de contrôle, chaque personne en affectait trois. Aujourd’hui, avec les mesures que les gens prennent pour se protéger, chaque personne en infecte 1,3. Donc la dynamique n’est pas du tout la même. En mars dernier, on doublait le nombre de cas tous les 3,5 jours, aujourd’hui on les double toutes les trois semaines. Il y a une situation qui nous appelle vraiment à la vigilance : on a plus de temps pour réagir, mais ça demande d’être très prudent."

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La différence avec ce retour de l’épidémie, c’est que cette fois, "ça se passe au niveau des métropoles. On avait d’ailleurs proposé un plan métropoles pour que les grandes villes puissent s’organiser pendant l’été pour faire face au retour du virus. On a désormais des moyens de surveillance locaux qui permettent de dire où sont les points chauds et où les mesures doivent être prises : ça permet d’appliquer les mêmes mesures sur l’ensemble du territoire, et de focaliser les mesures là où elles sont nécessaires."

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"35 % de Covid en réanimation, c’est le maximum qu’on peut accepter"

Pourquoi de nouvelles mesures plus contraignantes dans certaines villes ? "L’idée que le virus ne reviendrait pas, qu’il avait muté, ça on peut maintenant l’écarter", explique l’épidémiologiste. "On sait que le virus revient, on voit partout sur le territoire français une augmentation du nombre de cas, notamment d’hospitalisation et de réanimation, à des degrés différents. Aujourd’hui, les réanimations sont occupées entre 10 à 35 % par des patients infectés par la Covid, ce qui est beaucoup : il faut rappeler qu’on met l’état d’alerte maximale à 30 % parce qu’il y a d’autres patients dans ces réanimations, notamment des personnes qui avaient dû différer des interventions lourdes (neurochirurgie, chirurgie cardiaque, cancer…). Donc 35 % c’est vraiment le maximum qu’on peut accepter ! Sachant que les personnels soignants dans ces services de réanimation sont aussi fatigués et on ne peut pas leur en demander plus."

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Pour lui, la meilleure arme, c’est de convaincre les Français d’être plus prudents dans leurs comportements individuels, comme le font la plupart de nos voisins européens. "Je comprends que les Français, quand ils entendaient des sons discordants, continuaient à garder le même mode de vie. Aujourd’hui, là où l’on peut faire des progrès, qui demandent un sacrifice qui n’est pas insurmontable, c’est de ne pas se mettre dans des situations où l’on se met à risque. Donc les situations où on enlève le masque et où on ne respecte plus la distanciation physique : c’est les fêtes familiales avec trop de personnes, les mariages, les dîners d’amis à 25, ça ce sont vraiment des situations à risque. Il faut savoir que dans des pays voisins, on y arrive très bien sans mesures contraignantes : les mesures comme celles prises à Paris, c’est ce qui reste quand ça a échoué en amont !"

"Les mesures contraignantes sont une forme d’échec : c’est quand on n’a pas réussi à contenir qu’on est obligés d’en arriver à ces obligations et aux fermetures."

"Les Français ont entendu beaucoup d’évaluations incorrectes de la situation"

"En grande partie, la confusion est née du fait qu’on a entendu tout et son contraire sur cette épidémie, alors que le scénario qu’on est en train de vivre était très prévisible", regrette Arnaud Fontanet. "Tant que la moitié de la population n’aura pas été infectée, le virus continuera à circuler : on le sait, d’autres pays où des villes ont vu plus de 60 % de leur population infectée… Quand vous laissez le virus courir, il ne s’arrête que quand on atteint cette fameuse immunité collective. Nous, on est entre 5 et 10 %, très loin des 50 % qui feraient que ça s’arrête. Il faut donc qu’on soit capable d’adopter ces mesures, et si les Français ne l’ont pas fait jusqu’à aujourd’hui, c’est qu’ils ont entendu beaucoup d’évaluations incorrectes de la situation."

Des positions qui ont pris une place médiatique totalement disproportionnée par rapport à leur crédibilité scientifique. "Ces positions, à l’échelle de la communauté scientifique internationale, sont minoritaires. On a tous le même constat et la même analyse, basée sur des principes de base de l’épidémiologie, extrêmement rationnels, qui nous permettent de savoir quand une épidémie s’arrête. Si on retire la pression sur le virus, il va se répandre."

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"Une cacophonie entretenue par certains médias"

Il en veut notamment à ceux que Libération appelle les "rassuristes", ceux qui essaient de convaincre qu’il n’y a plus de danger. "[Ces propos] sont dangereux parce que les gens s’y perdent. Il y a eu malheureusement, au cours de cette crise, une opportunité fantastique pour que les scientifiques montrent l'apport qu’ils pouvaient donner : or on a assisté à une cacophonie, entretenue par certains médias. Il y en a qui, pour faire du sensationnel, ont fait parler des gens qui avaient des positions contradictoires. Moi je n’ai aucun problème avec le débat scientifique, mais ce débat on peut l’avoir dans les revues spécialisées, avec des articles et des lettres en réponse."

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"On l’a toujours eu, ce débat scientifique", rappelle Arnaud Fontanet. "Mais on ne le fait pas dans les médias, avec des positions complètement décalées avec ce qu’est le savoir scientifique aujourd’hui. Dans les revues, il y a des commentaires et des critiques, certaines sont bonnes, mais on est à des années-lumières de ce qu’on entend sur “le virus va arrêter de circuler”, qui ne tient sur aucun fondement de la base de l’épidémiologie aujourd’hui."

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