En août 2018, le Jasmin d’Yvette était victime d’une fortune de mer en talonnant sur le rocher de la Madeleine, derrière l’Arcouëst, alors que le bateau se rendait à la fête des Vieux Gréements. Ne pouvant pas faire face financièrement, Eddy Chapell, son propriétaire, décide de faire don de son navire.
« Je ne veux pas qu’il finisse sous les coups d’une tractopelle comme cela a été le cas du Face au Vent ». Ne pas vendre son bateau, le Jasmin-d’Yvette, mais le céder à un autre amoureux des vieux navires en bois, comme lui, et prêt à le sauver : c’est la solution qu’Eddy Chapell veut trouver.
Matelot de la Brittany Ferries depuis plus de vingt ans, Eddy fait partie des nombreux amoureux des vieilles coques en bois. Et il est trop attaché au Jasmin-d’Yvette, un navire de Granville acquis en 2014 contre 10 000 €, pour accepter de le voir disparaître. D’autant qu’il l’avait rebaptisé en l’honneur de sa grand-mère. « Elle venait de décéder ; ça me permettait de lui rendre hommage et de faire un peu mon deuil ».
À l’époque, le marin passe le plus clair de son temps libre à refaire une beauté à sa vieille coque. « Je suis son quatrième propriétaire et j’ai dépensé pas loin de 20 000 € ; ça m’a permis aussi de participer aux rendez-vous de la fête des Vieux Gréements, en adhérant à l’association, puis à deux éditions du festival du Chant de marin, en 2015 et 2017 ».
Mais en août dernier, alors qu’il se trouve derrière l’Arcouëst, Eddy talonne au niveau du rocher de la Madeleine. Une importante voie d’eau et de nombreux dégâts sont recensés. C’est le cœur lourd que le marin doit renflouer son bateau et le remorquer jusqu’à Kerpalud, sur l’aire de carénage. « Il y est resté, et je dois aussi m’acquitter de sa présence sur le terre-plein, car je ne peux pas assurer financièrement les réparations nécessaires, beaucoup trop lourdes pour moi ».
Le bateau, construit en 1948, pratiquait la pêche à la palangre dans les îles Chausey. La « belle bête » fait 9 m de long pour 3,4 m de large et a un tirant d’eau de 1,50 m. Mais force est de constater qu’il appartient à une autre époque, comme le déplore Eddy. « Aujourd’hui, les plaisanciers ne veulent pas entendre parler de navires en bois ; et personne, au niveau associatif ou du patrimoine ne s’en préoccupe plus. C’est désespérant ». S’il a eu quelques contacts, notamment de Granville et même de Marseille, rien n’a abouti car le transport seul coûte déjà cher.
Une autre solution pourrait lui permette de garder son bateau et de le réparer petit à petit. « Si quelqu’un pouvait me mettre un hangar à disposition pour le protéger, je pourrais intervenir sur mon temps libre car je pars une semaine sur deux pour mon travail. Comme j’étais assuré au tiers, je n’ai pas pu obtenir suffisamment d’argent ».
Un sourire quand même sur le visage d’Eddy, avec l’envie d’avoir un jour un nouveau bateau, « nettement plus petit ». Mais seulement quand il aura réussi son challenge : sauver le Jasmin-d’Yvette.