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Récit

Entre crise iranienne et Brexit, Boris Johnson joue aux contorsionnistes

Iran—Etats-Unis, l'escaladedossier
Le Premier ministre britannique se retrouve face à un exercice diplomatique délicat pour ménager les humeurs des uns et des autres, sans risquer des alliances futures post-Brexit.
par Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres
publié le 7 janvier 2020 à 6h24

Comme Donald Trump, le Premier ministre britannique est rentré de vacances. Mais, contrairement à son homologue américain qui ne s’est pas du tout fait oublier pendant son séjour dans son club privé de Floride, Boris Johnson avait totalement disparu des radars. Au point que certains s’inquiétaient ou s’irritaient de son manque de réaction après l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani. A peine rentré dimanche soir de son séjour de douze jours sur l’île paradisiaque de Moustique, dans l’archipel des Grenadines, le frais vainqueur des élections générales de décembre opère un retour délicat sur le front diplomatique.

La situation de crise autour de l’Iran, et de l’Irak, représente pour Boris Johnson un exercice d’équilibriste complexe, le premier en tant que chef du gouvernement d’un Royaume-Uni sur le point de sortir du cadre de l’Union européenne. Le plan exposé pendant la campagne électorale reste d’actualité : le Brexit devrait se concrétiser le 31 janvier. Le Premier ministre recevra mercredi à Downing Street la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour donner le coup d’envoi des négociations sur un accord de libre-échange avec l’UE. Il souhaite conclure avant la fin de la période de transition, le 31 décembre.

Exercice d’équilibriste

Mais, parallèlement ou juste après, il espère aussi signer avec les Etats-Unis un autre accord commercial que Donald Trump lui a promis «formidable». Or, la crise iranienne le place dans une situation ambiguë. Il lui faut éviter de froisser son allié américain au risque de compromettre des discussions commerciales à venir, tout en maintenant une attitude de compromis vis-à-vis de l'Iran mais aussi de l'Irak. Sans oublier la nécessité de se poser en interlocuteur et allié fiable auprès de ses futurs ex-compagnons de l'aventure européenne. Un exercice d'équilibriste, voire de contorsionniste.

Alors, à peine rentré à Downing Street, Boris Johnson a joué sur tous les fronts en multipliant les coups de téléphone. Dimanche soir, il a d'abord rompu son silence caribéen en affirmant dans un premier communiqué que «vu le rôle essentiel joué par (Qassem Soleimani) dans les morts de milliers de civils innocents et de soldats occidentaux, nous n'allons pas regretter sa mort». Dans la foulée, il s'entretenait au téléphone avec Donald Trump, une conversation qui a «réaffirmé la proche alliance entre nos deux pays», a indiqué la Maison Blanche. Après deux autres coups de téléphone avec le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, un second communiqué, publié en commun avec Paris et Berlin, appelait «toutes les parties à exercer la plus grande retenue et prudence». Et sans jamais le citer, un porte-parole de Downing Street rappelait au président américain et à ses menaces de frappes sur des lieux culturels iraniens qu'il «existe des conventions internationales en place qui interdisent la destruction d'héritage culturel».

«Mensonges vicieux»

Lundi matin, Boris Johnson a aussi appelé le Premier ministre irakien Abdel-Mehdi en insistant sur la nécessité d'empêcher «l'escalade des tensions dans la région». «Le Premier ministre a souligné l'engagement sans faille du Royaume-Uni dans la stabilité et la souveraineté de l'Irak en mettant l'accent sur l'importance de la poursuite de la lutte contre la menace commune de Daech», a indiqué Downing Street. Pour Londres, pas question donc d'envisager un retrait des quelque 400 troupes britanniques déployées en Irak en dépit d'un vote en ce sens du parlement irakien. Parallèlement, une frégate et un destroyer de la Royal Navy, HMS Montrose et HMS Defender, vont accompagner tout navire commercial britannique qui emprunterait le détroit d'Ormuz.

Réputé allié le plus proche des Etats-Unis, le Royaume-Uni s'inquiète des risques de représailles iraniennes à son encontre. Le quotidien The Times s'en faisait l'écho lundi matin en titrant à sa une : «Nous tuerons des soldats britanniques, prévient l'Iran.» De manière tout à fait inhabituelle, l'ambassadeur iranien à Londres, Hamid Baeidinejad, s'est insurgé contre «les mensonges éhontés et provocateurs diffusés par The Times».

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