Vincent Maraval, 51 ans, est directeur général de la société de production et de distribution Wild Bunch. Connu pour sa liberté de penser et ses interventions disruptives, auteur, en 2012 dans ces colonnes, d’une chronique retentissante sur les failles du système de soutien au cinéma (« Les acteurs français sont trop payés »), il prône aujourd’hui la refonte intégrale de ce système à la faveur de la crise due à la pandémie de Covid-19.
Le milieu du cinéma, comme beaucoup d’autres secteurs d’activité, subit la crise de plein fouet, et ses acteurs se demandent dans quelles conditions se fera une reprise dont la date demeure inconnue. Où en sont les négociations avec les autorités de tutelle ?
A ma connaissance, les seules discussions qui existent couvrent des urgences à court terme – redémarrage des tournages, réouverture des salles… – mais aucune n’implique une pensée de refonte d’un système qui s’écroulait sous nos yeux bien avant la crise due au Covid-19. Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’urgence est de revenir aux erreurs du monde d’avant. Restaurer les marges, revendre des bonbons dans les salles, renforcer et protéger les gros groupes diffuseurs (exploitants, groupes télévisuels) au détriment des indépendants ou des créateurs.
« On ne peut plus laisser faire les puissants contre les faibles, les diffuseurs contre les créateurs : il faut reprendre la main »
Comme pour le reste de l’économie, réinventer attendra. D’abord, vite, réexploitons, repolluons ! Le macronisme a atteint son seuil de compétence, et on a vu qu’il n’était pas bien haut. Au début du confinement, pour un coup de com, Canal+ et Orange ont diffusé en clair et en toute illégalité des droits qui ne leur appartenaient pas, sans l’accord ni du CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel], ni des ayants droit. C’est un incroyable bras d’honneur à la profession et aux créateurs, et la lâcheté de la réaction du CSA laisse présager ce que sera le monde d’après. On ne peut plus laisser faire les puissants contre les faibles, les diffuseurs contre les créateurs, il faut reprendre la main.
L’arrêt sera de fait plus rude encore pour les indépendants – depuis les intermittents du spectacle jusqu’aux sociétés de petite et moyenne taille –, qui font la richesse du cinéma national. Quelle mesure préconisez-vous dans la perspective de cette reprise tant attendue ?
Le cinéma, ce sont des électriciens, des menuisiers, des comptables, des régisseurs, des assistants, des monteurs, de l’hôtellerie, des cantines, des transporteurs, des manutentionnaires. Chaque tournage est une PME d’une centaine de salariés. Les salles de cinéma, ce sont des caissiers, des agents de nettoyage et des techniciens. Les festivals, ce sont des agents d’accueil, des projectionnistes, des attachés de presse, des agents de sécurité, etc.
Il vous reste 75.91% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.