Tonnerre de Brest ! Nul doute que le capitaine Haddock lancerait son célèbre juron en apprenant le sort réservé au projet de Michel Aroutcheff. Michel, c'est le papa de la fusée d'Objectif Lune, version maquette. C'est lui qui l'a sortie des albums de Tintin pour lui donner vie, en 3D. La célèbre fusée à damiers rouges et blancs, et une soixantaine d'autres objets cultes, issus de la célèbre BD d'Hergé.
De Tintin à Blake et Mortimer
Cet architecte de formation devenu constructeur de jouets en bois a décroché en 1985, auprès du neveu d’Hergé, le droit d’exploiter le thème de Tintin. Il était le premier. Un rêve que fracassera Nick Rodwell, mari de la seconde épouse et veuve d’Hergé, qui gère d’une main de fer l’héritage de Tintin depuis 1993. « Écarté » en 1995, Michel Aroutcheff rebondit en décrochant d’autres licences : celles de Spirou, Blake et Mortimer, Gaston Lagaffe, Lucky Luke…
En 2011, il s’installe à Brest, dont il tombe « amoureux ». Et découvre, en 2014, le projet de transformation des ateliers des Capucins de l’arsenal de Brest. Surplombant le port, le grand édifice de pierre, de métal et de verre fait vriller son esprit d’enfant. Là, il voit un manège avec l’hydravion du « Crabe aux pinces d’or » et les autres mythiques bolides de la BD, les véhicules extraordinaires de Blake et Mortimer… « Et le train de "Tintin au Congo" pour faire découvrir les Capucins », ajoute-t-il, une flamme dans les yeux.
Un projet à 4,5 M€ en 2015
Michel Aroutcheff pense en fait « à un musée de la BD ». « Il y aurait des ateliers pour les enfants, détaille-t-il, des espaces pour les expos, les conférences, des projections, des maquettes à l’échelle 1, des reconstitutions de planches de BD, un espace dédié à l’histoire du neuvième art en Europe, une librairie-boutique, une cafétéria… » Il lance l’idée lors d’une rencontre avec les porteurs de projets. « Tout le monde a applaudi », se rappelle-t-il. Il peaufine alors son bébé. Un cabinet d’ingénierie culturelle l’assiste, scanne le marché (« La Bretagne est une terre de BD, avec plus de 300 auteurs ! », assure Michel Aroutcheff), chiffre les besoins en personnel, en espace (plus de 1 500 m2 au sol, RDC et étage) et le coût : 4,5 millions d’euros. « Après ça, je n’ai plus eu aucune nouvelle », rapporte Michel Aroutcheff.
Financement public « impossible »
Brest Métropole retrouve bien la trace du projet et d’une rencontre, en juin 2015, avec les deux cabinets qui avaient assisté le créateur. Un projet « sans aucun financement et sans même forcément une collection à l’appui », selon Brest Métropole, qui « rappelle qu’une collectivité publique ne peut financer un projet privé, d’autant plus quand des droits commerciaux colossaux sont en jeu ». « Tous les commerces qui se sont installés aux Capucins ont financé eux-mêmes leurs projets », insiste la collectivité. Celle-ci indique avoir reçu à l’époque « une quarantaine de projets ». « On avait de quoi remplir trois fois les Capucins ! », se remémore-t-on à la métropole, qui pointe, par ailleurs, « un lien ténu entre Tintin et la ville ». D’autres « évidences » s’imposent alors, selon Brest Métropole, « comme le Centre national des arts de la rue (Le Fourneau), présent à Brest depuis 25 ans, le Canot de l’Empereur, ou encore le Centre de culture scientifique, technique et industrielle de la mer, porté par Océanopolis ».
Urgent : créateur recherche mécène…
Michel Aroutcheff reconnaît « ne pas savoir mettre en place » un tel projet. « J’ai eu l’idée. J’avais la collection et des tas de connaissances dans la BD prêtes à s’associer et à venir à Brest », assure-t-il. Les problèmes de propriété intellectuelle et de droits commerciaux ? Le désormais septuagénaire les balaie d’un revers de main : « Pour Tintin, la plupart des véhicules sont libres de droits dès lors que les personnages d’Hergé n’y figurent pas. Pour les autres BD, je peux me débrouiller… », assure celui qui veut encore croire au projet.
« Si, demain, un mécène privé est prêt à investir et à trouver un espace pouvant accueillir un établissement recevant du public, pourquoi pas », répond Brest Métropole. Y aura-t-il une suite à ce projet fou ? Michel Aroutcheff serre les poings : « Ce n’est pas foutu. C’est une question de volonté », martèle-t-il. Sa dernière idée ? Créer le sous-marin requin du « Trésor de Rackham le Rouge », « pour de vrai, pourquoi pas avec l’aide d’une école d’ingénieurs et d’un établissement scolaire technique de la région brestoise ». « Cela aurait de la gueule pour les fêtes nautiques en 2022, non ? »