RMS Laconia (1921)

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Laconia
illustration de RMS Laconia (1921)

Type Paquebot
Histoire
Chantier naval Swan, Hunter & Wigham Richardson Ltd, Wallsend, Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Lancement
Mise en service
Statut torpillé le 12 septembre 1942
Équipage
Équipage 300
Caractéristiques techniques
Longueur 183 mètres
Maître-bau 22,5 mètres
Tirant d'eau 9,96 mètres
Déplacement 19 695 tonnes
Propulsion chaudières à vapeur à action directe (Wallsend Slipway) actionnant 2 hélices[1]
Puissance 18 000 ihp
Vitesse 17 nœuds
Caractéristiques commerciales
Passagers 2 200
Carrière
Propriétaire Cunard Line
Armateur Cunard Line
Pavillon Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Port d'attache Liverpool
Localisation
Coordonnées 5° 04′ 59″ sud, 11° 37′ 59″ ouest
Géolocalisation sur la carte : Océan Atlantique
(Voir situation sur carte : Océan Atlantique)
Laconia
Laconia

Le RMS Laconia, paquebot de la compagnie Cunard Line est construit par les chantiers navals Swan, Hunter & Wigham Richardson Ltd, Wallsend. Il est lancé le . Son voyage inaugural débute le et le conduit de Southampton à New York.

Ce paquebot est surtout connu pour son destin tragique survenu le en pleine bataille de l'Atlantique lorsqu'il est torpillé par un U-boot allemand avec à bord 2 732 personnes comprenant l'équipage, des passagers civils et 1 800 prisonniers italiens. Ce drame causa la mort de 1 658 personnes.

Histoire[modifier | modifier le code]

Début de carrière[modifier | modifier le code]

La première croisière du Laconia commence en , par un tour du monde qui durera un peu plus de quatre mois. Le par temps de brouillard, le Laconia entre en collision avec le Pan Royal sur la côte américaine, sur la ligne BostonNew York. Le Laconia retourne par ses propres moyens à New York pour effectuer des réparations, et reprend ses croisières dès 1935.

Le , le Laconia est réquisitionné par l'Amirauté britannique pour être transformé en croiseur auxiliaire. En , il escorte des convois aux Bermudes et dans l’océan Atlantique (dont les convois HX 25 et HX 35).

À partir du , le Laconia est transformé en transport de troupes ou de prisonniers de guerre.

Tragédie du Laconia[modifier | modifier le code]

Le , à 130 milles au nord-nord-est de l'île de l’Ascension, le Laconia transporte 136 hommes d'équipage, 80 civils femmes et enfants, 268 militaires britanniques, 103 soldats polonais et approximativement 1 800 prisonniers de guerre italiens capturés en Libye. Il est attaqué par le U 156. Il est touché par une torpille sur son tribord, qui incendie immédiatement la salle des machines. Cette première explosion fera plus de 450 morts, pour la plupart des prisonniers italiens, puis une seconde torpille achève le bateau qui s'enfonce alors très vite dans l’océan.

Le capitaine Sharp, commandant le paquebot ordonne l’évacuation des femmes, des enfants et des blessés dans les 32 canots de sauvetage encore en état. Des gardes polonais présents à bord aident le commandant à organiser l’évacuation des survivants, ce qui permettra de sauver beaucoup de vies humaines chez les passagers[réf. nécessaire]. Certains exécutent ou blessent ainsi à la baïonnette de nombreux prisonniers de guerre italiens souhaitant utiliser les canots de sauvetage du navire, afin que ces derniers soient réservés uniquement aux passagers britanniques.

Les sous-marins U-156 et U-507 au secours des rescapés du Laconia.

L’U-156 cherchait à intercepter un convoi ennemi britannique quand le veilleur de bord annonce, à 11 h 37, "fumée à tribord arrière". Le capitaine de corvette Werner Hartenstein du U-156 attend la nuit pour s'approcher du paquebot et le torpille à 22 h 7. Quand le commandant du sous-marin se rend compte que des civils et des prisonniers de guerre italiens sont à bord, il entreprend de sauver les survivants qui se débattent dans l'océan[2].

Il rend compte (par message crypté sous code Enigma) à son chef d'État-Major, l'Amiral Dönitz et suggère une « neutralisation diplomatique » de la zone du torpillage, mais Dönitz estime que cette solution est impossible ; par contre, il prévient l'amirauté de Vichy, sachant que les navires de guerre français basés à Dakar sont en mesure de porter assistance aux naufragés et laisse le choix aux commandants des sous-marins allemands sur zone, d'intervenir ou non.

Ne voyant rien venir, Hartenstein prend sur lui d'émettre en clair un appel à l'aide à tous les navires qu'ils soient neutres, alliés ou hostiles, puis essaie de récupérer le plus possible de rescapés. Il en embarque plus de deux cents, et prend en remorque plusieurs chaloupes de sauvetage.

Au bout de quarante-huit heures, deux sous-marins allemands, le U-506 et le U-507 se présentent et embarquent en priorité les civils, en affichant sur le pont le pavillon de la Croix rouge.

Le message est reçu à l'île Ascension, en plein milieu de l'Atlantique, où l'US Air Force a établi une base-escale secrète destinée à faciliter le convoyage d'avions neufs vers les théâtres d'opérations européens et africains. Le colonel Ronin, commandant la base, envoie en reconnaissance un bombardier B-24 Liberator, dont les mécaniciens viennent d'achever les réparations après un feu de moteur. C'est le seul avion dont le rayon d'action est suffisant.

L'équipage de l'avion repère aisément le sous-marin et rend compte à son commandement, en mentionnant les croix rouges et la présence de civils, en demandant des ordres... Ceux-ci sont très vite donnés et tiennent en deux mots : « Sink sub » (« Coulez le sous-marin »)[3].

L'équipage du B-24 obéit à l'ordre et commence à bombarder les ponts des navires allemands où les survivants avaient pris place. Une bombe retourne une chaloupe. Averti par le commandant du U-156, l’amiral Karl Dönitz donne l’ordre d’abandonner les passagers rescapés du Laconia et de plonger le plus rapidement possible. Le U-156 sera obligé de rentrer à sa base pour y être réparé.

Le U-507 refuse de suivre les ordres et récupère 161 personnes et remorque sept canots de sauvetage remplis de blessés. Son commandant expliquera à sa hiérarchie qu’en cas de danger imminent, il lui aurait suffi de couper les amarres et de plonger.

Le lendemain, le U-156 rassemblait 156 rescapés dans sa cale et 60 hommes d’équipage, ce qui représente la limite de surcharge d’un sous-marin. Le U-506 et le U-507 continuent de récupérer des hommes et des femmes transis qui flottaient encore grâce à leurs gilets de sauvetage.

Grâce au SOS du U-156, le drame est connu dans toute la zone, les secours s’organisent pour retrouver les rescapés récupérés par les sous-marins allemands et un sous-marin italien, l'Alfredo Cappellini. Trois bâtiments français partent de Dakar (Sénégal), le croiseur Gloire, l'aviso colonial Dumont d’Urville et l'aviso dragueur Annamite. Ils recueillent 980 rescapés sur les lieux du drame

Les morts du naufrage sont au nombre de 1 658, dont 98 membres d'équipage, 133 passagers civils et militaires, 33 gardes polonais et 1 394 prisonniers italiens (seulement 415 prisonniers ont survécu) [4].

Cet épisode rarissime dans l'histoire des guerres a consisté à suspendre momentanément les hostilités, de manière à récupérer le maximum de rescapés du naufrage, notamment en raison de la présence de prisonniers italiens, alliés aux Allemands, le tout dans un périmètre bien défini de quelques milles marins. Le sous-marin allemand U-156, ayant recueilli un maximum de naufragés, était contraint de laisser ceux-ci sur le pont et de naviguer en surface ; lorsque le bombardier B-24 Liberator est arrivé sur place, conformément à ses ordres, mais ne connaissant pas l'existence de la trêve instaurée, il s'est mis à bombarder le sous-marin allemand. L'U-156 s'est donc « débarrassé » de ses naufragés et a été contraint de plonger pour éviter d'être coulé.

Témoignage d'un prisonnier italien publié par Jean Noli en 1970 :

« Dès que le navire a commencé à s'incliner, nous avons essayé de sortir de nos prisons. Les Polonais ou les Anglais, je n'en sais rien, avaient tout verrouillé. Dans le compartiment où je me trouvais, nous avons réussi à enfoncer la porte. Nous étions quelques centaines à nous précipiter vers l'ouverture étroite, à nous entasser les uns contre les autres. Celui d'entre nous qui tombait, les autres le piétinaient. Quand nous avons pu nous retrouver à l'air libre, nous nous sommes heurtés aux Polonais, baïonnette au canon. Ils ont essayé de nous refouler et de nous empêcher d'approcher des canots de sauvetage. C'est à ce moment-là que j'ai été blessé. À bord il n'y avait que bruit et confusion. Pourtant ce vacarme était couvert par les cris de nos camarades, toujours emprisonnés et qui suppliaient qu'on les délivre. Nous qui étions libres, nous n'avions qu'une solution : nous jeter à l'eau sans gilet de sauvetage, car il n'y en avait pas pour nous ! »

— Jean Noli, Les Loups de l'Amiral, 1970, p. 253.

Tribunal de Nuremberg[modifier | modifier le code]

L’amiral Karl Dönitz (successeur officiel d'Hitler car désigné par lui pour représenter le Troisième Reich) se retrouve avec vingt autres responsables nazis dans le box des accusés devant le tribunal militaire international de Nuremberg, et est accusé de guerre totale sous-marine, contraire aux lois de la guerre. Il est reproché à Dönitz d'avoir établi l’ordre Triton Null (connu en anglais comme le Laconia Order (en)) après le bombardement de son sous-marin, précisant qu’aucune tentative de sauvetage ou d'assistance aux naufragés ennemis n'était désormais autorisée[5],[6].

L'avocat de Dönitz fera valoir que des ordres similaires avaient été donnés par l'amiral américain Chester Nimitz pour les sous-marins des États-Unis opérant dans l'Océan Pacifique, ce que l'Amiral Nimitz confirmera officiellement.

Le colonel Phillimore, substitut du procureur, fait état des mêmes consignes chez les sous-mariniers américains[7], ce qui évitera à l’amiral une peine plus sévère, peut-être même la pendaison. Le , Karl Dönitz est condamné à dix ans de réclusion, reconnu coupable de crime contre la paix et de crimes de guerre.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « RMS Laconia », sur u-boote.fr
  2. « 1942 : un sous-marin allemand coula un navire britannique et secourut les rescapés », sur curieuseshistoires.net
  3. Léonce Peillard, L'affaire du Laconia, Paris, Robert Lafont,
  4. « Laconia », sur uboat.net
  5. Jochen Brennecke, Le destin tragique des sous-mariniers allemands, Éditions France-Empire, 1974, p. 332 extrait
  6. Tribunal militaire international, Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international de Nuremberg, 3 mai 1946-15 mai 1946, Tome XIII (lire en ligne), p. 301 et suiv.
  7. Le 2 juillet 1946, la défense utilisa une déclaration en ce sens faite par l'amiral américain Chester W. Nimitz. Dans l'édition anglaise des volumes du procès (International Military Nuremberg, Trial of the Major War Criminals, consultable en ligne), voir vol. XVII, Nuremberg, 1948, p. 377-382.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Histoire pour tous : no 137 de – Article signé Marialys Bertault.
  • Léonce Peillard, L’Affaire du « Laconia », Laffont, 1961.
  • Jean Noli, Les Loups de l'Amiral. Les sous-marins allemands dans la bataille de l'Atlantique, Fayard, 1970, chapitres 25 et 26.
  • Historia : « Deuxième Guerre mondiale » : no 53.

Filmographie[modifier | modifier le code]