Elle était l'une des figures importantes et lumineuses de la littérature hongroise. La romancière hongroise Magda Szabo s'est éteinte lundi 19 novembre, à l'âge de 90 ans. Personnalité brillante et originale, elle était née en 1917 à Debrecen d'une mère pianiste et d'un père juge pour enfants. Dans un milieu où il était naturel d'exprimer des talents artistiques, elle avait commencé d'écrire très jeune et publié ses premiers textes au lendemain de la seconde guerre mondiale.
L'arrivée au pouvoir des communistes réduisit au silence cette femme profondément insoumise, qui fut mise à l'écart entre 1948 et la fin des années 1950. "Je suis protestante, ma famille l'était, alors je proteste", expliquait en souriant Magda Szabo, dans un entretien accordé au Monde en 2003. Reléguée dans une école primaire alors qu'elle enseignait la philologie avant guerre, Magda Szabo n'accepta jamais aucune des commandes passées par les autorités en place. "Je leur disais que l'envie d'écrire m'était passée, racontait-elle. Que j'étais comme un flacon de parfum évaporé."
Dans l'ombre, elle s'était affiliée à un cercle d'écrivains dissidents, baptisé Nouvelle Lune, qui s'étaient juré de ne jamais servir ce régime et même de ne jamais avoir d'enfants, afin de ne pas risquer de donner prise à ceux qu'ils considéraient comme leurs oppresseurs.
En 1959, les conditions politiques s'étant assouplies, elle publie néanmoins Le Faon, roman qui contient une critique voilée du régime. C'est une traduction clandestine de ce texte qui l'a fait connaître en dehors de son pays, et d'abord en Allemagne, où l'écrivain Hermann Hesse appela son éditeur, Fischer Verlag, en disant : "J'ai pêché un poisson d'or pour vous, ne le laissez pas partir..."
Dès lors, disait volontiers la romancière, "on pouvait me causer des ennuis, mais il était trop tard pour me tuer". Lauréate du prix Attila-Jozsef, en 1959, elle publiera désormais des pièces de théâtre, des poèmes, des livres pour enfants et surtout des romans, dont plusieurs ont été traduits en français par les éditions Viviane Hamy.
En 1963, c'est La Ballade d'Iza, où elle décrit le malaise d'une femme de la campagne que sa fille, médecin, recueille chez elle à Budapest. Six ans plus tard, Rue Katalin (paru chez Viviane Hamy en 2006) revient sur la disparition d'une jeune femme pendant la seconde guerre mondiale et le trouble que son souvenir engendre chez les habitants d'une rue de Budapest. Ce livre a été couronné par le prix Cévennes du roman européen en juillet 2007.
Enfin, en 1987, Magda Szabo a écrit La Porte - paru en France en 2003, ce livre a reçu le prix Femina étranger -, roman d'une extraordinaire finesse, où elle observait les relations entre une femme et sa domestique. Le tête-à-tête entre les deux femmes, qui permet à l'étrange et autoritaire Emerence de prendre l'ascendant sur son employeuse, donne l'occasion à l'auteure d'explorer, une fois de plus, les relations entre les individus.
Les liens de dépendance entre les êtres constituaient l'une des préoccupations de Magda Szabo, qui écrivait en préambule de Rue Katalin : "Ils surent que la différence entre les vivants et les morts n'était que qualitative (...). Ils surent que dans la vie de chacun il n'y a qu'un seul être dont ils puissent crier le nom à l'heure de la mort."
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