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Secteur de

l’eau au Maroc :
Pourquoi faut-il miser sur une
gouvernance juste et durable ?

Par Mme. Sabrina Belhouari


Mai 2019
Secteur de
l’eau au Maroc :
pourquoi faut-il miser sur une
gouvernance juste et durable ?

La gouvernance de l’eau au Maroc est appelée, aujourd’hui


plus que jamais, à maintenir l’équilibre entre l’offre et la
demande, tout en assurant une eau de qualité pour les
générations futures. Une approche plus participative et
concertée dans la gestion des ressources serait une piste
à prendre avec sérieux.

Par Sabrina Belhouari, journaliste


Sur la route qui mène de Tinghir vers Errachidia,
s’étendent quelques unes des dizaines d’oasis qui
composent la ceinture oasienne du territoire du
Tafilalet, l’une des plus importantes oasis du Sud Est
du Maroc. En cette saison des orages, qui commence
dès la fin du mois d’aout et continue jusqu’au mois
d’octobre, les habitants de la région sont très
inquiets. « Cette année, il a plu plus que d’habitude.
On reste très vigilants ces jours-ci au cas où il y
aurait des crues importantes de l’oued qui traverse
notre oasis. Pourvu que la pluie ne dure pas trop
longtemps, sinon ca sera la catastrophe pour la
récolte des dattes de cette année », s’inquiète un
passager rencontré dans un taxi sur le chemin. En
effet, le mois de septembre est, en principe, un mois
chaud. Mais depuis quelques années, des irrégularités
climatiques deviennent de plus en plus fréquentes.
Cette pluie, inhabituelle dans cette région à ce
moment de l’année, risque de faire pourrir les dattes
non encore arrivées à maturité, menaçant toute une
économie locale liée à l’agriculture et qui constituent
l’activité principale pour la population. Celle-ci,
affrontée, d’une part, à la sècheresse de plus en plus
longue et, d’autre part, aux précipitations hors saison,
se retrouve en position d’extrême vulnérabilité.
Le territoire présaharien, dont une bonne partie
se trouve dans la région de Draa Tafilalet, illustre
parfaitement l’effet des changements climatiques sur
la vie des habitants.
Mais la nature n’est pas le seul facteur de
changements car, ici, l’impact de l’Homme sur son
milieu est très visible. La ressource en eau mobilisée
dans le Draa Tafilalet provient aussi bien des eaux
superficielle que des ressources souterraines, ce
qui met à mal les réserves hydriques lorsque la
sécheresse est combinée à la forte consommation
de l’eau. Une situation qui demande une gouvernance
des ressources en eau extrêmement prudente et
interactive. Cette région reste toutefois confrontée
aux mêmes enjeux que le reste du Maroc en ce qui
concerne l’eau : répondre à la demande qui augmente
d’année en année, rationnaliser son utilisation,
mobiliser et diversifier les ressources, avec une
attention particulière pour la mobilisation des eaux
non conventionnelles, tout cela en préservant de la
pollution et de la dégradation de la qualité de l’eau.
Le plus critique est d’arriver à assurer l’accès à l’eau
potable pour tous.
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L’eau, garant de l’emploi et


de la sécurité alimentaire

L’autre enjeu majeur est d’assurer l’eau d’irrigation pour le secteur


agricole, moteur de croissance économique locale et un des piliers
de l’économie le tout le pays. En effet, la part de l’amont agricole dans
l’économie nationale atteint 74 milliards de dirhams, et malgré des cycles
de sécheresse répétés que le Maroc a connu, le PIB agricole a plus que
doublé depuis les années 60.

L
e secteur contribue à 14 % développement du secteur de toutes les questions relatives à
au Produit Intérieur Brut l’eau apparait donc doublement une bonne gouvernance de cette
(PIB) du pays et constitue stratégique, économiquement et ressource.
le premier pourvoyeur d’emploi socialement. Or, le secteur de
avec 4 millions d’emplois. l’eau se confronte à plusieurs Malgré les textes de loi,la multitude
D’autant plus que le secteur contraintes, communes à des intervenants(tableau 1),
est directement lié au monde plusieurs autres régions des stratégies et des plans
rural, qui accueille, selon les du Maroc, et qui rendent mis en place pour assurer une
estimations 2017 de la Banque cette mission très difficile. bonne gouvernance de l’eau,
mondiale, 38% de la population En effet, les apports en eau des faiblesses persistent encore.
totale du Maroc. Mais les sont hétérogènes dans les Pour ne prendre que l’exemple
enjeux liés à l’eau se situent différents bassins hydrauliques de protection de la qualité de
au delà de la disponibilité de de l’ensemble du pays, avec l’eau, il y a une insuffisance dans
l’eau potable et de l’irrigation. une faiblesse des apports en le cadre réglementaire relatif à
Un autre phénomène menace eaux superficielles, en plus du la réutilisation des eaux usées
dangereusement la stabilité du problème d’envasement des épurées et l’élimination des boues
milieu rural et oasien dans cette barrages qui réduit la capacité des Station d’Epuration des Eaux
région. Avec les sécheresses de stockage. Les changements Usées issues des opérations de
successives et la stagnation climatiques induisent des traitement des eaux usées, ainsi
de la qualité de vie, « tous nos sècheresses successives et des qu’une dispersion dans les textes
jeunes, filles et garçons, rêvent pluies torrentielles et les sols règlementaires entre plusieurs
de partir à l’Europe pour un connaissent une dégradation départements ministériels
avenir meilleur. L’implication importante due à l’érosion et (Ministère de tutelle, Ministère
dans le développement et la l’appauvrissement. L’impact de l’Intérieur, Santé). A cela
préservation de l’eau et de l’oasis humain est, de son coté, s’ajoute l’insuffisance et le peu
est le cadet de leurs soucis. C’est particulièrement concerné, avec d’impact des opérations de
une réalité qui nous décourage à la pression exercée sur les eaux sensibilisation et d’implication
chaque fois qu’on veut proposer souterraines, accentuée par la de la société civile et des
des projets de développement prolifération des motopompes acteurs locaux en matière de
pour la population et le village dont l’utilisation échappe à préservation de l’environnement
», confie Ali Bounsir, président tout control. La détérioration et de développement durable.
de l’Association Tabesbaste de la qualité de l’eau résultant Résultat, dans le milieu rural, les
pour le Développement et la de la contamination par les décharges de déchets solides
Solidarité. Cette situation n’est fertilisants et l’augmentation de sont non contrôlées et rares
pas restreinte au milieu oasien, la salinité des eaux souterraines sont les communes qui disposent
mais toucherait une grande achève d’assombrir le tableau. d’un réseau d’assainissement
partie de la jeunesse marocaine, Tout ceci est pourtant pris en liquide, encore moins de stations
(33% selon une enquête de la considération dans la loi 35-15 pour le traitement des eaux
banque mondiale de 2012). Le relative à l’eau, et qui aborde usées.

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Une approche participative pour une
meilleure gestion
Le Conseil Economique, Social et société civile soit capable de jouer son rôle
Au Maroc, c’est Environnemental du Maroc (CESE) d’interface entre les structures étatiques
dans le milieu s’est penché sur l’intérêt d’adopter une d’une part, et la population et utilisateurs
approche de gouvernance de l’eau qui de l’eau d’autre part. Elle s’implique ainsi
rural où les applique les principes de la démocratie dans la sensibilisation de la population
participative, dans son rapport « La cible à l’importance de la préservation de
enjeux de l’eau gouvernance par la gestion intégrée des l’eau et la facilitation la compréhension
et la question ressources en eau au Maroc : Levier de la réglementation en vigueur pour
fondamental de développement durable tout ce qui est lié à l’utilisation de l’eau.
de la bonne », sorti en 2014. Il est question « d’une Toujours dans la région de Draa Tafilalet,
gouvernance approche où les choix des projets il y a des approches innovantes qui sont
et d’implémentation des solutions en cours de mise en place. « Il s’agit de
deviennent techniques émanent des populations la réglementation relative au périmètre
critiques. Afin locales et intégrant les contextes de protection des khettaras, qui interdit
régionaux et locaux avec la présence le forage dans un rayon déterminé autour
de développer effective des acteurs de la société civile de l’ouvrage dans le but de préserver
et des usagers d’eau dans le processus l’eau qui alimente celui-ci. Un autre outil
Station de prise de décision », lit-on dans le de gestion participative qui est en phase
d’Epuration des rapport. Cette approche est parfaitement d’expérimentation est le « contrat de
possible. Le modèle de gestion dans le nappe ». Il a été actionné dans une zone
Eaux Usées, il village de Tabesbaste, dans la province de agricole pilote nouvellement crée à
est primordial de Tinghir, en est la preuve. Pour y parvenir, Boudnib, dans la province d’Errachidia.
la société civile, et en particulier dans les Le contrat de nappe sert à la sauvegarde
mettre en place milieux où les enjeux relatifs à l’eau sont et la préservation de la ressource
un processus de importants, est amenée à renforcer ses en eau et il est signé par l’ensemble
capacités de plaidoirie pour défendre ses des intervenants ( Agence du Bassin
prise de décision interet. « L’élément humain doit être au Hydraulique, agriculteurs, les différents
consensuel et centre de toutes les actions entreprises départements de l’agriculture..etc). Une
dans l’amélioration des modes de gestion fois finalisé, il sera reproduit au niveau des
entreprendre durable. Dans le Draa Tafilalet, la politique autres nappes », assure Abderrahmane
publique pourrait s’inspirer du savoir Mahboub, directeur de l’Agence du Bassin
des actions ancestral et des systèmes de gestion Hydraulique de Guir Ziz Rheris.
concertées. durables qui ont traversé des siècles et fait
Partant de la situation actuelle de
leurs preuves », remarque Lahcen Kabiri,
enseignant chercheur dans le domaine la gestion de l’eau, il apparaît que le
du climat, l’environnement de l’eau et du facteur humain est largement impliqué
patrimoine et président de l’Association dans la dégradation des ressources en
Oasis Ferkla Pour l’Environnement et le eau, beaucoup plus que l’incertitude
Patrimoine AOFEP. Il s’agit d’initiatives liée aux changements climatiques. La
comme le Programme d’Actions consommation excessive de l’eau, la
Concertées des Oasis (PACO), démarré pression sur les nappes phréatiques,
depuis janvier 2015, dans le milieu oasien la pollution sous toutes ses formes,
du Sud Est marocain, pour porter le poussent à se poser la question : jusqu’à
projet « Renforcement de la gouvernance quand le modèle de gestion de l’eau
environnementale par le développement actuellement appliqué au Maroc sera-t-il
de la capacité des organisations non viable ? et quel sera le prix à payer si la
gouvernementale ». Le programme politique actuelle continue d’accuser du
capitalise sur le mode de gouvernance retard dans la mise en place de mesures
ancestral représenté aujourd’hui par plus efficaces pour la protection des
l’association des ayants droit, afin d’inspirer ressources en eau actuelles ?
une nouvelle approche de gestion durable
de l’eau. L’objectif final du projet est que la
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Tabesbaste, un modèle de gouvernance locale


à l’épreuve du temps et de la modernité

L
e territoire présaharien la distribution de l’eau auprès où le bureau fut destitué. « Pour
constitué par les oasis des habitants du ou des villages choisir les 12 nouveaux membres
est un exemple vivant de de la commune, dans le cadre de du bureau de l’association,
l’adaptabilité, la résilience et la la gestion déléguée. chacune des 4 fractions de la
gestion durable des ressources tribu a proposé trois personnes
Aujourd’hui, l’association
en l’eau. Ce savoir, qui s’est parmi ses membres qui vont la
Tabesbaste pour le
développé durant plusieurs représenter au sein du bureau,
Développement et la Solidarité
siècles, a su composer avec par un processus démocratique
est l’instance de référence
l’aridité du milieu, l’irrégularité et participatif respectant
dans la prise de décision et la
des pluies et les crues les coutumes ancestrales.
gestion des espaces collectifs du
dévastatrices. Il a abouti à la mise Aujourd’hui toutes les décisions
village (source d’eau, irrigation,
en place d’une réglementation mettent en priorité l’intérêt
parcours, terrains agricoles..etc).
qui a fait ses preuves durant général de la communauté, et
Cette instance est représentative
des siècles et a su maintenir bannissent le favoritisme et
de toutes les composantes de la
l’équilibre entre l’Homme et l’individualisme sous toutes
communauté et est de ce fait
son environnement. Le village de ses formes. Les projets qui
reconnue localement par toute la
Tabesbaste, situé à une quinzaine sont proposés par l’association
population. La prise de décision
de km de la ville de Tinghir, dans la sont discutés et décidés
au sein de l’association se réfère
région Draa Tafilalet, propose un collectivement par l’assemblée
au droit coutumier « Alorf »,
mode de gestion de l’eau qui se », explique Ali Bounsir, président
qui défini la conduite de la vie
réfère dans tous ses aspects à ce de l’Association Tabesbaste
sociale, économique et politique,
mode de gouvernance ancestral. pour le Développement et la
à l’intérieur du territoire et à
En effet, l’organisation de cette Solidarité.
l’extérieur dans le rapport avec
communauté se fait en référence
les communautés voisines. Ainsi, La gestion de l’eau se fait suivant
à l’assemblée traditionnelle
tout ce qui est relatif à l’eau est le même procédé, en respectant
appelée localement la « Jmaâ
décidé par l’association, de la le droit coutumier, instauré
». Le village de Tabesbaste a
mobilisation des eaux jusqu’à depuis près de 5 siècles dans
procédé en 1985 à la création
la distribution équitable entre cette communauté avec des
pour la première fois d’une
tous les membres, ainsi que le règles strictes dans la distribution
association des ayants droits
règlement des conflits. de l’eau. Cette répartition est
pour institutionnaliser ce mode
appelée « droit d’eau » et est
de gestion ancestral, à l’instar Pendant plusieurs années, un
déterminée au prorata des
des autres territoires du Maroc à conflit au sein de l’association
efforts fournis par chaque
l’époque. Bien que, selon l’article persistait à cause du déséquilibre
famille dans le creusement de
83 de la loi 113-14 relatives aux dans la représentativité des
la khettara, l’ouvrage hydrique
communes, le service de l’eau 4 fractions de la tribu. Cette
qui a acheminé l’eau à l’oasis.
incombe à la collectivité locale, situation bloquait toutes
La khettara, est un système de
dans le milieu rural, ce sont le les décisions et a impacté
dragage de l’eau lointaine par
plus souvent les associations des négativement sur la gestion de
voie souterraine pour éviter
ayants droits qui se chargent de l’eau du village, jusqu’en 2007,
la déperdition de l’eau dans le
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milieu désertique, composé d’un l’eau est précieuse dans le milieu ramènent leurs lavages à la
canal souterrain par où l’eau est oasien. C’était une question laverie, moyennant un prix
acheminée, sur une profondeur d’intérêt général décidé par de 10 DH pour 10 Kg, ce qui
pouvant aller jusqu’à 10 mètres l’ensemble de la tribu via ses correspond à un seul lavage. En
et plusieurs kilomètres de représentants. plus des vêtements, la laverie
longueur. Le droit d’eau s’hérite propose également le lavage
Dans cette même perspective
d’une génération à une autre, et la des couvertures. Avec l’abandon
d’intérêt général, l’association
durée du tour d’eau et le volume des lavages sur les séguias, les
cherchait depuis plusieurs
d’eau accordé à chaque ayant femmes sont soulagées de ce
années une solution au problème
droit sont calculé en temps, ce travail pénible et ont désormais
de pollution de l’oasis causé par
qui permet d’éviter les conflits. l’opportunité, le lieu et le temps
le lavage des vêtements dans le
Pour Tabesbaste, il a été établi pour développer d’autres
lavoir traditionnel se trouvant
que l’irrigation se fasse sur une activités. La mise en place de
sur la seguia du village.
durée de 15 jours qui couvre la la laverie a permis la création
totalité de la superficie agricole Il y a encore quelque décennies, d’emploi permanent pour deux
de l’oasis. Chaque famille connaît le lavoir ne constituait pas femmes, sans oublier les revenus
l’heure et la durée de son tour de problème, vu que les financiers dont les bénéfices
d’irrigation et le respecte à femmes utilisaient des produits sont réinvestis dans un fonds «
la seconde près. Ce mode de naturels pour le lavage : plantes vert ». Ce fonds sert à financer
gestion ne laisse aucune place à savonneuses, argile et cendres. la mise en place de projets pour
l’erreur, et ce depuis des siècles. Mais depuis l’introduction de les femmes du village.
S’il y a conflit autour de l’eau, les la lessive chimique et l’eau de
« En seulement une année nous
concernés se tournent vers le javel, l’eau qui arrivait en aval de
avons remarqué une dépollution
« tribunal » de la tribu, qui est l’oasis, et qui fini dans les champs,
progressive des eaux d’irrigation
constitué de personnes choisies est devenue impropre.
et des sols de l’oasis, mais aussi la
et représentant chaque fraction
Des odeurs nauséabondes diminution de la moitié du volume
de la tribu. Ces personnes sont
émanaient de l’aval de la d’eau potable consommé dans le
appelées « Moaayanine » (traduit
seguia. Ce problème a persisté village. Qui était utilisé dans les
les désignés). Le conflit est ainsi
jusqu’à l’arrivée du projet des lavages de vêtements à la maison.
géré localement, et surtout
laveries collectives. Pour faire Après la réussite du projet de
rapidement. Les villageois ont
face à cette problématique, la laverie, nous réfléchissons à
rarement recours au tribunal
l’association française l’Eau des solutions pour améliorer
avec ce système de gouvernance.
Du Désert, qui œuvre depuis l’assainissement liquide notre
En revanche, pour la distribution
10 ans pour la sauvegarde des village », conclue Ali Bounsir. Le
de l’eau potable, l’association a
Khettaras au Sud-est marocain, village de Tabesbaste propose
convenu d’accorder un volume
et en collaboration avec les ainsi une approche adaptative
équitable pour toutes les
associations locales de 5 oasis, de gouvernance locale de l’eau
familles, 294 au total, déterminé
et d’autres partenaires (PNUD, qui s’articule autour de l’humain
à 3 mètres cubes par mois.
INDH, ORMVA, Programme des et la protection des ressources.
Lorsque l’Office National de Oasis du Tafilalet, les communes Même à petite échelle, ce modèle
l’Eau Potable avait proposé, il y territoriales..) a proposé à la de gouvernance démontre que la
a quelques années, de prendre population d’installer des laveries gestion de l’eau, lorsqu’elle est
en charge la gestion de l’eau collectives modernes. L’initiative concertée et approuvée par la
dans le village de Tabesbaste, en a été approuvée et depuis 2016 majorité, elle s’avère plus efficace
utilisant l’eau de la khettara du donc, la laverie collective de et pérenne.
village, l’assemblée du village, Tabesbaste a remplacé l’ancien
représentée par l’association, lavoir (voir photos page 9).
a refusé. C’est dire à quel point Toutes les femmes du village

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S E C T E U R D E L’ E A U A U M A RO C
Gouvernance de l’eau : un modèle de Deux approches évolutive pour gérer
gestion local l’eau

La région du Draa Tafilalet, est composée de Pour faire face aux contraintes climatiques
5 bassins hydrauliques dont le plus important ainsi qu’à la pression importante sur la
est celui de Guir-Ziz-Rheris(graphe 1 page ressource en eau, le Maroc a mis en place
15). Elle adopte une stratégie de gestion de une politique de l’eau qui a évolué dans
l’eau, locale, adaptée aux contraintes et aux le temps. Ainsi, la stratégie du Maroc
spécificités hydrauliques et climatiques de dans le secteur de l’eau est passée par
son territoire, dont par exemple le recours deux grandes phases. La première a
aux ressources hydriques souterraines commencé dès l’indépendance dans les
pour l’irrigation et l’eau potable. Pour se années 60 et avait adopté une approche
faire, l’Agence du Bassin Hydraulique de de gestion de l’offre. Cette phase était
Guir-Ziz-Rheris élabore le Plan Directeur caractérisée par le développement de
d’Aménagement Intégré des Ressources en l’infrastructure hydraulique et a été
Eau(PDAIRE), d’une durée de 10 ans, et des marquée par l’instauration de la politique
plans de gestion de l’eau annuels. « C’est des barrages, deux actions stratégiques à
l’agence qui gère le domaine public hydrique l’époque afin d’assurer la sécurité en eau.
et en contrôle l’utilisation. Elle gère les Le Maroc dispose aujourd’hui de plus de
ouvrages hydrauliques comme les barrages, 140 barrages d’une capacité de stockage
les forages, les bassins de rétention et les totale de 17,6 milliards de m3. Cette phase
milieux aquatiques(nappes, cours d’eau), a connu, en outre, le développement de
et délivre les autorisations de concessions l’irrigation à grande échelle pour développer
de droit d’utilisation du domaine publique l’agriculture, ainsi que le développement de
hydraulique. Parmi ses autres prérogatives, l’assainissement liquide dans le milieu urbain
l’ABH donne l’avis sur tout projet pouvant (graphe 1 et 2 page 14). La deuxième phase
avoir un impact sur les ressources en eau et a, quant à elle, débuté dans les années 2000
le domaine public hydraulique. Concernant avec l’évolution vers une approche de gestion
l’agriculture, au début de chaque année de la demande, et la mise en place de la
agricole, il y a un programme de lâchers nouvelle stratégie nationale de l’eau en 2009.
du barrage pour l’irrigation arrêté en Lors de cette phase, la politique de gestion
concertation avec les entités représentant a encouragé l’économie et la valorisation
le secteur agricole ainsi que les associations de l’eau, qui s’est illustrée en particulier
des ayants droit, selon la situation de la par le lancement du Programme National
retenue d’eau du barrage. Il est par exemple d’Economie d’Eau en Irrigation (PNEEI) visant
établi qu’en cas de sècheresse sévère, la la conversion massive à l’irrigation localisée.
priorité va à l’irrigation des arbres fruitiers », Cette phase a été marquée également par le
explique Abderrahmane Mahboub, directeur démarrage de la mobilisation des ressources
de l’Agence du Bassin Hydraulique Guir-Ziz- non conventionnelles avec le dessalement
Rheris. de l’eau de mer et la déminéralisation
des eaux saumâtres. La préservation de la
qualité naturelle des ressources en eau et
leur protection contre la pollution ont été
particulièrement développées depuis les
années 2000, avec la mise en œuvre du Plan
National d’Assainissement Liquide (PNA) et
du Programme National des Déchets Solides
Ménagers (PNDM).

8
Bassin de filtra
tion

Château d’eau
Les lavoirs utili
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l’effet de pollu
tion. Les eaux
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Salle des machines de couches de
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plantés. L’eau
filtrée qui en re
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dans l’oued. e
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de laverie : un t
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des femmes et
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Système de suivi des lavages suivi et la mise le
en place du plan
de gestion. Deu
x des 5 laveries
collectives du
projet utilisent
l’eau des puits
et des châteaux
d’eau gérés par
les associations
locales du pr
ojet. Les autr
laveries sont es
raccordés au
réseau de l’Offi
ce National de
l’Eau Potable(
ONEE).
Source : Sabri
na Belhouari
Ancien lavoir
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Photo de khettaras entre Errachidia et Rissani, région de Draa Tafilalet
source : Sabrina Belhouari

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S E C T E U R D E L’ E A U A U M A RO C
Dans le Draa Tafilalet, il y a coexistence de trois types
d’approvisionnement en eau potable, selon la géographie et selon
la disponibilité de l’eau :
puisage, usage des eaux de source et les prélèvement dans la rivière.
Sur le territoire oasien, les populations ont recours à ces mêmes types
d’approvisionnement, en plus de l’usage des khettaras, un système de
dragage de l’eau caractéristique du milieu oasien du Maroc.

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Photo de khettaras entre Errachidia et Rissani, région de Draa Tafilalet
source : Sabrina Belhouari

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S E C T E U R D E L’ E A U A U M A RO C
La superficie agricole
utile dans la région de
Draa Tafilalet totalise

241000 ha,
dont 154000 ha
irrigués, le tout réparti

sur 151270
exploitations agricoles
sur l’ensemble des
cinq provinces de la
région (Errachidia,
Tinghir, Midelt, Zagora
et Ouarzazate). La
généralisation du
Goutte-à-goutte dans
les agricultures est
un axe prioritaire du
Programme National
d’Economie d’Eau en
Irrigation (PNEEI)

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S E C T E U R D E L’ E A U A U M A RO C

Accès à l’assainissement :
Le milieu rural n’a pas encore totalement accès à l’assainissement liquide
La proportion des ménages urbains ayant accès à un réseau d’évacuation des eaux usées est passée de 74,2%
en 1994 à 88,5% en 2014, selon les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat de
2014. Si on inclut la population disposant de fosses septiques, la proportion des ménages urbains ayant accès à
un système d’assainissement amélioré est passée de 90,0% en 2004 à 97,3% en 2014. Cependant, le milieu rural
continue d’enregistrer un énorme retard dans ce domaine, car la part des ménages ayant accès à un réseau
d’évacuation des eaux usées est de seulement 2,8% en 2014. La part de la population rurale ayant accès à un
système d’assainissement amélioré (avec fosses septiques) est passée de 38,1% en 2004 à 53,3% en 2014.
Source : Recensement général de la population et de l’habitat de 2014-Haut Commissariat Au Plan

Accès à l’eau :
Generalisation de l’acces a l’eau dans le milieu rural
L’accès à l’eau potable a été généralisé en milieu urbain depuis 1995. En 2013, la population urbaine desservie
est alimentée à près de 94% par des branchements individuels et à 6% par des bornes-fontaines. En milieu
rural, depuis le lancement du Programme d’approvisionnement groupé en eau potable rural (PAGER18), le taux
d’accès à l’eau potable est passé de 14% en 1994 à 85% en 2007 pour atteindre 94,5% à la fin de l’année 2014.
La population bénéficiaire cumulée est passée de 3,4 millions d’habitants en 1995 à 12,6 millions en 2012.
L’investissement global cumulé durant la période 1995-2012 a atteint près de 13,5 milliards de dirhams
Source : Recensement général de la population et de l’habitat de 2014-Haut Commissariat Au Plan

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Répartition des eaux superficielle par bassin hydraulique :
Une grande disparité dans la répartition spatiale des eaux superficielle
Les deux bassins hydrauliques de loukkous et Sebou représentent à eux seuls 49% de l’apport en eaux superficielle
du Maroc, alors que les 7 autres bassins cumulent les 51 % restants. Les apports d’eau dans le Bassin de Ghir-
Ziz-Rheris, les plus bas au Maroc, sont caractérisés par une très forte irrégularité saisonnière et interannuelle et
sont évalués à 656.4 Mm³/an.
Source : La gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau au Maroc-CESE-2014

Tableau récapitulatif des principaux acteurs intervenant dans le secteur de l’eau et leurs domaines d’action

Domaines Qui fait quoi ?


d’intervention ABH METLE ONEE MADRPM ORMVA CL Association AUE
Inventaire des
* *
ressources en eau
Mobilisation * * * *
planification * * *
Transport * * * * * *
distribution * * * *
irrigation * * * * * * *
Hydro-électricité * *
Surveillance de la
* * * * * *
qualité
Police de l’eau *

ABH : Agence du Bassin Hydraulique


METLE : Ministère de l’Equipement, du Transport et de la Logistique et de l’Eau.
ONEE : Office National de l’Eau et de l’Electricité
MADRPM : Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forets.
ORMVA : Office Régional de Mise en Valeur Agricole
CL : Collectivité Locale
AUE : association des Usagers de l’Eau
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À propos de l’étude

Ce document présente un reportage réalisé par Mme. Sabrina Belhouari qui traite la
gestion de l’eau dans la région de Draa Tafilalet, et vise à sensibiliser sur la nécessité d’utiliser
l’approche participative dans la gestion des ressources au Maroc. Ceci est dans le cadre du
programme « transformAfrica : Vers une transformation écologique et sociale en Afrique ».
Auteurs: Sabrina Belhouari
Editeur: Heinrich-Böll-Stiftung RABAT – Maroc
Coordination: Soufyane Fares
Date de Publication: Mai 2019
Conception et Impression: GraphoPub
Copyright photo: Sabrina Belhouari

Publié par la Heinrich-Böll-Stiftung RABAT- Maroc, 2019.


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