Le droit mène à tout. Ainsi les très sérieux juges de la Cour suprême américaine ont longuement débattu de la taille des caractères d’une étiquette de canette de jus de fruit de la marque Minute Maid appartenant au groupe Coca-Cola.
La situation a beau être cocasse, l’enjeu est des plus importants. Les huit magistrats de la Cour suprême ont décidé, jeudi 12 juin, à l’unanimité que la société Pom Wonderful avait le droit de poursuivre Coca-Cola pour publicité mensongère.
L’objet du délit est cette petite bouteille de jus « grenade myrtille » sur laquelle est mentionné, en « beaucoup plus petit », remarque la Cour, « mélange aromatisé de cinq jus de fruits ». De quoi tromper les consommateurs, accuse le concurrent.
De fait, la composition de ces canettes « grenade myrtille » à un goût sensiblement différent de celui proclamé sur l’étiquette : jus de pomme et de raisin 99,4 %, jus de grenade, 0,3 %, jus de myrtille, 0,2 %, de framboise, 0,1 %.
Dire n'importe quoi
Au pays de la liberté du commerce et de la malbouffe, on n’aurait donc plus le droit de dire n’importe quoi aux consommateurs. Une petite révolution que les services juridiques et marketing des géants de l’agroalimentaire américains regardent de près. Comme leurs agences de publicité, ont expliqué dans la foulée les sites d’information spécialisés.
Si cette affaire, apparemment triviale, est remontée jusqu’à la Cour de Washington, c’est qu’il y avait un point de droit à trancher. Le nom de la boisson litigieuse avait obtenu le feu vert de la puissante Food and Drug Administration (FDA), soucieuse de la protection de la santé des consommateurs.
Dès lors, avaient estimé les tribunaux et la cour d’appel de San Francisco, donnant raison à Coca-Cola, Pom Wonderful n’était pas fondé à invoquer une autre législation, celle sur la concurrence, pour contester la décision d’une autorité fédérale mandatée pour uniformiser et sécuriser l’étiquetage des aliments et boissons. Un argumentaire que la Cour suprême fait voler en éclats.
Les faibles contre les puissants
Le « petit producteur » de jus de grenade, qui a perdu ces dernières années des procès similaires contre Ocean Spray, Pepsi et Welch’s, a cette fois des chances de l’emporter contre le géant d’Atlanta. Le droit permet donc de défendre les faibles contre les puissants. Magnifique !
Il s’intéresse aussi aux soi-disant faibles. Pom Wonderful (Pom ne vient pas de pomme, mais de pomegranate, grenade en anglais, et Wonderful veut dire merveilleux), propriété du plus gros producteur d’agrumes des Etats-Unis, a ainsi maille à partir avec la justice.
Dans cette autre affaire, la FDA accuse Pom Wonderful de tromper les consommateurs en promettant que le jus de grenade prévient contre la maladie…
Business as usual, comme on dit. L’Etat de droit, lui, ne nuit pas à la santé.
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