[Made in France] Oscar, le compagnon de route à base d'intelligence artificielle des skippers du Vendée Globe

Pour l'édition 2020, les skippers du Vendée Globe, une des courses nautiques en solitaire les plus dures du monde, embarquent avec eux un nouveau compagnon, Oscar, un petit robot intelligent équipé de caméras. Objectif de cette vigie 2.0, repérer les objets à la surface de l'eau et éviter les collisions.

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[Made in France] Oscar, le compagnon de route à base d'intelligence artificielle des skippers du Vendée Globe
OSCAR équipera 60% des navires du Vendée Globe en 2020.

"Baleine en vue !" A une époque pas si lointaine, le capitaine du navire aurait été informé de la présence du cétacé par le cri du matelot posté dans sa vigie. Si de tels postes d'observation ont disparu des bateaux modernes, les baleines qui se trouvent sur leur passage, pas encore. Et dans la plus prestigieuse - et la plus difficile - des courses en solitaire, le Vendée Globe, une telle rencontre, en plus de blesser l'animal - parfois mortellement - peut sonner la fin de l'aventure. Roland Jourdain s'en souvient, lorsqu'en 2009, à 1 900 kilomètres de l'arrivée, il avait été contraint à l'abandon après un choc avec un animal marin. Il était alors deuxième de la course.

C'est avec cette idée en tête que Raphaël Biancale a développé Oscar, un petit robot-vigie qui équipera 60% des monocoques (IMOCA, International Monohull Open Class Association) au départ du Vendée Globe cette année, le 8 novembre. 

Une paire d'yeux pour les navires parmi les plus sophistiqués du monde 

"En 2013, durant une traversée avec mon père dans les Caraïbes, nous avons été pris dans une énorme tempête. On n'avait aucune visibilité et je me suis dit : c'est hyper dangereux". C'est après cette expérience éprouvante que Raphaël Biancale, 39 ans, ex-ingénieur spécialisé dans l'automatisation des véhicules chez BMW, se lance dans la mise au point d'un système de détection d'obstacles pour les navires. C'est la naissance du projet Oscar, un robot intelligent qui, perché en haut du mât (comme son ancêtre et créateur homo sapiens), a pour mission de repérer les OFNI (Objets flottants non identifiés) en scrutant la mer en permanence.

Trois ans de R&D

"L'idée est si simple, c'est surprenant que personne n'y ait pensé avant", s'étonne Raphaël Biancale. Mais l'ingénieur franco-allemand se rend vite compte que simplicité ne rime pas forcément avec rapidité. Possédant déjà une start-up dédiée au développement de logiciels de park assist en parallèle, il pense pouvoir mettre au point Oscar assez rapidement, de par ses connaissances en automatisation. "Mais le projet s'est avéré beaucoup plus complexe que prévu, sourit-il. Il a fallu trois ans de R&D, entre l'idée en 2014 et le premier démonstrateur en 2017. Et il n'était pas du tout au point".

Sûr de son projet, l'entrepreneur créé la société BSB Marine en 2017, qu'il finance lui-même. "En 2018, j'ai décidé de me mettre à fond sur le projet. J'ai revendu mes parts de mon autre start-up pour les réinvestir dans BSB. Puis nous avons levé des fonds, 5 millions d'euros dans un premier temps et nous attendons 3 millions prochainement". Des apports qui permettent à la start-up d'équiper son premier navire de course en 2018 lors de la transat Jacques Vabre, et de prouver l'efficacité d'Oscar. "Le système m'a prévenu de la présence de deux bateaux de pêche sur ma route, se souvient le skipper Maxime Sorel. Il faut savoir que nos radars ne repèrent que les gros objets et que l'AIS [Automatic Identification System, ndrl] est efficace seulement si le navire en face en est aussi équipé".

Intelligence artificielle et annoteurs lusophones

"Il a fallu construire une base de données assez conséquente, raconte Raphaël Biancale, cela nous a pris trois ans". Car le robot intelligent s'appuie sur la vision par ordinateur, une branche de l'intelligence artificielle. Equipé de trois caméras, dont deux thermiques pour la vision de nuit, le robot scrute les mers à la recherche d'objets flottants et les analyse en fonction de sa base de données. "Il a dû intégrer des images de milliers d'objets, dans toutes les positions, dans toutes les régions du globe et par tous les temps. Les vagues de la Méditerranée ne sont pas celles du Pacifique !" S'il repère quelque chose, une alarme se déclenche et prévient le skipper qu'il faut (rapidement) changer de cap, car Oscar ne voit qu'à 200 mètres maximum.

Depuis 2018, pour améliorer son système, BSB Marine fait appel à une équipe d'annotateurs au Portugal. "Une quarantaine de personnes classent les objets sur ordinateur pour entrainer la base de données d'Oscar", explique Raphaël Biancale.  

Premier Vendée Globe pour Oscar

Raphaël Biancale en est conscient, son robot est encore largement perfectible. "Oscar apportera une sécurité supplémentaire mais ne pourra pas éviter tous les accidents. Il y aura un moment où le système pourrait ne pas fonctionner, par exemple dans certaines mers, comme celle du Sud, où il n'est pas entrainé". Une portée trop réduite aussi, et encore trop de faux-positifs. "Oscar détecte les objets jusqu'à 150 mètres, à pleine vitesse, cela laisse seulement 10 à 20 secondes au skipper pour réagir". C'est d'ailleurs ce qui a obligé Samantha Davis à le débrancher en 2018, lors de la transat Jacques Vabre.

Il faudra aussi améliorer l'IA. "On ne peut pas faire fonctionner le machine learning en temps réel, car d'une part on ne sait pas encore dans quelle direction le faire travailler et d'autre part le logiciel va créer des biais cognitifs basés sur ce qu'il voit souvent", estime son créateur. S'il lui reste encore du travail à fournir avant qu'Oscar ne soit connecté au pilote automatique des IMOCA, pour la première fois cette année, les skippers du Vendée Globe ne seront pas complétement seuls sur leur navire.

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