cold hard cash } ida

le ciel se vide du bleu marine de la nuit et les couleurs chaudes du début de journée succèdent à celles froides du règne de la lune. timide, un soleil encore tiède vient pointer son nez orangé à l’horizon et la teinte de rose, de rouge et de zébrures rougeoyantes. c’est l’un des avantages à travailler de nuit – peut-être même le seul – il n’y a pas un seul lever de jour sur le queens qui échappe à l’œil fatigué de rex. toujours levé quand les petits princes dont il garde le palais musical sont déjà rentrés chez eux, il observe la beauté de la lune qui meurt comme seule réjouissance. mauvaise humeur habituelle des heures de travail qui se terminent au petit matin, des écouteurs enfoncés dans les oreilles le bloque de la parlotte des autres. c’est l’histoire d’un quart d’heure tout au plus avant de pouvoir rentrer : quelques manteaux à récupérer, des objets perdus ou oubliés, des tables qui n’ont pas tenue le coup, bref, des vestiges d’une autre soirée encore où rex n’a fait que garder l’entrée. ironiquement, ce travail, cet ingrat métier est une bien triste métaphore de sa vie. toujours sur la ligne entre la vraie vie et l’existence galeuse. à jamais devant la porte du monde des grands, mais pas d’invitation pour y entrer. depuis l’extérieur, il regarde par la fenêtre les autres s’amuser tandis que lui, barre les noms des gens importants sur une liste v.i.p où il n’a pas sa place. il soupire, ne tentant même pas de cacher son agacement. lorsqu’enfin on le libère, il tire une moue boudeuse. c’est alors le métro qui l’attend pour se tirer de ce quartier d’enfants de rois et de princesses aux tiares factices. évidemment, c’était sans compter sur elle. dans la distance, rex aperçoit une silhouette vaguement familière qui marche dans la direction générale du club qu’il quitte à peine. il plisse les yeux, pas tout à fait sûre de la reconnaître. et quand elle sort du flou du lointain, il ne peut se retenir de jurer. alors qu’elle arrive à sa hauteur, il lève très ostentatoirement les yeux au ciel. ida « tu veux quoi ? » agressif d’entrée de jeu, ça ne lui ressemble pas. rex, c’est un type bien. le genre de mec sympa que tu veux absolument avoir dans ta bande parce qu’il partage toujours son goûter et qu’il rigole à tes blagues, même quand elles sont moyennes. rex, c’est un chien à poil doux et aux yeux mouillés. mais là, rex est colère. cette fille, elle n’est synonyme que d’emmerdes. « j’suis désolé, mais le club est fermé. je peux t’en recommander un autre si tu veux : prend le métro à la prochaine station et continue sans t’arrêter jusqu’en enfer. tu devrais t’éclater là-bas. » il la toise de toute sa hauteur, sensiblement plus grand qu’elle. un regard dur, les mâchoires serrées, les traits fermés. dans le fond, il veut bien le reconnaître que c’est pas de sa faute à elle, ses problèmes de thunes. c’est pas elle, non plus qui insiste pour le faire cracher des billets. mais l’amalgame est vite fait et puis, tout vecteur est bon à prendre pour passer son irritation matinale.