the land of dreamers } isham

debout sur la jetée, rex observe le ciel se parer de ses couleurs de jour. alors que le soleil se lève, c’est le monde entier, lacéré par d’éclatantes zébrures rougeoyantes tirants parfois sur l’ocre, qui prend feu. la plage presque déserte a des allures de paradis oublié en ces heures matinales. seulement quelques solitaires, des couples de temps en temps et des anges si on y croit, foulent le sable encore froid de la nuit passée. l’eau, calme et silencieuse, miroite avec splendeur le reflet de l’atmosphère d’ennui à la fois pesant et paisible. comme un voile qui se lève, l’astre de feu montant petit à petit vers son apex révèle dans sa progression de nouveaux coins de paysages jusqu’alors mis à l’ombre. lentement, les stands se dévêtissent de leur lumière enflammée et laissent apparaître le blanc sale du bois qui les composent. quelque part, un peu plus loin sur la jetée, un chien court, tombe et se relève. rex sourit. courir. tomber. se relever. une métaphore de la vie, si on est d’humeur à la sagesse. rex, lui, n’a envie de que parfaite plénitude. ces derniers temps, son rythme de vie effréné, son entourage sur le côté maniaque du spectre, ses emmerdes comme s’il en pleuvait, ne lui laissent pas une seconde de répit. d’un naturel originellement flegmatique et même s’il ne regrette jamais le temps passé avec les siens, il ne demande aujourd’hui que de la paix. matin léger en prévision, donc. juste lui et le clapotis placide des vagues qui vont et viennent un peu plus loin. jusqu’à ce que son œil capte dans le flou de l’horizon qui défile, une silhouette quoique familière. des yeux d’aigle, une bonne mémoire, l’envie d’être poli, rex s’approche. il ne s’est pas trompé. devant lui, le frère bora, rencontré une fois seulement auparavant, profitant, lui aussi des joies matinales d’une plage déserte. « salut. je te dérange pas, j’espère ? » soucieux de la tranquillité d’autrui, lorsque la sienne lui apparaît si précieuse. n’est cependant pas opposé à de la compagnie, pourvu qu’elle sache se tenir et espère qu’il en est de même pour celui qui désormais l’accompagne. « tu t’appelles isham, c’est ça? moi, c’est rex. j’avais raccompagné ta sœur chez elle – donc chez toi – il y a quelques jours. » une anecdote des plus banales à propos d’une rencontre qui l’était tout autant. un visage sur le seuil d’une porte, des prénoms échangés, un merci rapide, quelques bagatelles et autres discussions futiles et maintenant on en était là. recroisé au hasard sur le détour de la baie du queens, pourtant si peu fréquentée en ces heures. « je m’attendais pas à te revoir ici – ou à te revoir du tout en fait. mais surtout ici, à cette heure. on croise jamais beaucoup de monde aussi tôt le matin. » les new-yorkais encore endormis aux premières lueurs du soleil. rex, jamais. toujours levé avant le jour, lui qui travaille toute la nuit à veiller au plaisir des autres. présent pour chaque réveil du soleil, à le saluer de loin, à s’aveugler, à s’abreuver de son rayon créateur et envirant. « tu viens souvent ici? » palabre lancée eu hasard. une échappatoire des discussions toujours si pressantes du quotidien : l’argent, l’éducation de primrose, l’épée de damoclès au-dessus de sa tête. un rythme ralenti cent fois le bienvenue, rex respire à plein poumons l’air du matin. ici, new-york n’impose pas son tempo si dur à suivre. car c’est vrai qu’on perd toujours tout notre temps à compter le temps qu’il nous reste. mais pour une fois, prenons notre temps, on a tout le temps, voyons plus tard pour le reste.