TRIBUNE

Réforme du lycée professionnel : et si on parlait vraiment d'éducation ?

Sans concertation, le ministre de l'Education nationale a annoncé pour la rentrée 2019 une réforme pour favoriser l'apprentissage au détriment de la transmission des connaissances et des compétences.
par Collectif Touche pas à mon lycée pro
publié le 8 novembre 2018 à 15h09

Tribune. Vous avez envie de parler d'éducation ? Ça tombe bien, nous aussi. Mais autrement. Une enseignante «braquée» dans un lycée… C'est la une des journaux. Une réforme du bac pro qui concerne un tiers des lycéens… À peine une brève au journal de 8 heures ou dans les matinales. Tous ces sujets sont importants mais tous ne sont pas traités de la même manière ni par le gouvernement, ni par les médias. Et pourtant… Profs, lycéens, parents, CPE, AED, inspecteurs, proviseurs, citoyens, nous sommes inquiets de la réforme du lycée professionnel prévue par le ministre de l'Education nationale pour la rentrée 2019. Parlons-en ! Débattons-en !

Le lycée pro, c’est quoi ? Au quotidien, ce sont des enseignants motivés et impliqués pour que des milliers de jeunes puissent renouer avec leur scolarité́ et obtenir un diplôme de qualité́. Ce sont des lycéens soucieux de leur avenir et de leur capacité́ à s’insérer sur le marché du travail. Ce sont aussi des jeunes qui ont le goût et l’envie d’apprendre mais qui demandent d’autres méthodes pédagogiques. Ce sont des équipes de vie scolaire en béton, des piliers dans la construction de l’avenir professionnel et citoyen des lycéens. Ce sont des parents attentifs à la réussite de leurs enfants. Le lycée pro, c’est donc un outil qui marche, qui permet l’obtention d’un vrai diplôme national mais qui peut encore être amélioré́.

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La réforme, c’est quoi ? En un mot, elle favorise l’apprentissage au détriment du lycée pro. Elle fragilise donc l’acquisition des compétences et des connaissances des élèves. En l’état, la réforme est un dossier de presse sorti en mai, quelques informations supplémentaires depuis, mais aucune concertation, aucun débat, très peu d’échos dans la presse. Mais comment ne pas s’inquiéter quand on sait que même le Conseil supérieur de l’Education s’y est opposé mercredi 10 octobre ? Comment ne pas s’inquiéter quand on sait que, dès la rentrée 2019, certaines mesures dangereuses contenues dans cette réforme s’appliqueront dans les lycées pro ?

Concrètement, la réforme, c’est quoi ?

• La création d’unités de formation en apprentissage (UFA) dans les lycées pro. Nous refusons le développement de l’apprentissage au détriment du bac pro. L’apprentissage ne permet pas aux jeunes de disposer de compétences et de connaissances solides et utiles à l’exercice d’un métier. L’apprentissage est une solution pour certains jeunes mais doit rester marginal dans le système de formation initiale. La scolarisation ne peut pas être conditionnée à un contrat avec un patron.

• La diminution du volume horaire : supprimer des heures d’enseignement revient à supprimer des connaissances et des compétences. Le lycée professionnel doit rester pour les élèves des années d’apprentissage de la citoyenneté grâce à la formation d’esprits éclairés, critiques et émancipés.

• La diminution de la qualité du référentiel des matières professionnelles. Si les élèves ne peuvent maîtriser les compétences exigées par leur filière, quel sera l’impact sur la qualité du diplôme du bac pro ?

• L’élargissement du dispositif d’accompagnement personnalisé (AP). Ce dispositif n’est pas une discipline, ne s’appuie sur aucun programme fixe et son application varie d’un prof à l’autre, il n’apporte donc pas de plus-value suffisante pour remplacer les heures d’histoire, d’économie ou de français.

• La diminution de la taxe professionnelle. Sans moyens, les lycées pro ne peuvent mettre en place des dispositifs innovants permettant aux jeunes de s’ouvrir sur le monde.

• La distinction entre campus d’excellence et lycée pro. Tous les campus doivent être d’excellence. Pourquoi seuls quelques élèves auraient le droit à des conditions plus favorables pour effectuer leurs études ?

• Le dispositif Parcoursup qui renforce la sélection et laisse sur le carreau une grande partie des bacheliers professionnels.

• La suppression des 2 600 postes d’enseignants : les lycéens ne sont pas des sardines qu’on peut entasser dans une salle de classe. Les professeurs ne sont pas des machines diffusant un savoir programmé.

Et pourquoi ne pas débattre, ensemble, de l’avenir de la voie pro ?

Nous sommes conscients de l'importance d'une voie professionnelle de qualité́ dans notre pays et nous exigeons un investissement plus important dans ce secteur. L'éducation ne doit pas être une priorité́ juste pour une petite élite. Le bac pro ne doit pas être un sous-bas. Réussite et émancipation, voilà̀ les objectifs d'un lycée pro du XXIe siècle. Or cette réforme condamne les élèves à de plus grandes difficultés pour leur insertion professionnelle et bloque leurs possibilités de poursuite d'études. Pour valoriser et transformer l'image du lycée professionnel, le gouvernement devrait faire l'inverse de ce qu'il préconise : renforcer les travaux en petits groupes, renforcer l'apprentissage disciplinaire y compris du français, renforcer les moyens donnés aux enseignants, réformer de manière progressive et après concertation avec les premiers concernés.

Chacun peut signer sur Change.org cette tribune pour exiger du ministre de l'Education nationale une suspension de sa réforme dès cet automne 2018 et l'ouverture immédiate d'un grand débat national sur l'avenir de la voie professionnelle.

Le collectif est en construction, n'hésitez pas à signer la pétition sur change.org et à demander à participer à ses actions. Il rassemble déjà des dizaines d'enseignants, de parents d'élèves, de personnels de vie scolaire, d'élèves mais aussi de citoyens et d'élus locaux et nationaux attentifs aux questions d'éducation. Plus d'information sur TwitterFacebook ou par mail (touchepasmonlp@gmail.com).

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