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Climat

Décision « sans précédent » : la Banque postale lâche les énergies fossiles

La Banque postale à Paris en 2016.

La Banque postale s’engage à liquider ses 1,2 milliard d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles. Cette décision est saluée par les associations écologistes. Mais les principales banques françaises poursuivent leur soutien aux hydrocarbures.

Fini le financement des énergies fossiles. La Banque postale va sortir du gaz, du pétrole et du charbon d’ici à 2030, a annoncé le Groupe La Poste jeudi 14 octobre. Dans un communiqué, l’institution explique que la Banque postale va réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 46,2 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2019.

Pour cela, la banque va revoir son fonctionnement au quotidien en réduisant les émissions de ses bâtiments ou des véhicules. Surtout, toutes les activités financières dans le secteur des énergies fossiles vont peu à peu cesser. La banque s’engage à ne plus financer, investir ou fournir de services aux « acteurs des secteurs du pétrole et du gaz », y compris non conventionnels (pétrole et gaz de schiste notamment). Toute la chaîne est visée : les entreprises qui explorent les gisements, celles qui produisent et celles qui transportent les carburants. La Banque postale entend même, à horizon 2040, ne plus « soutenir les entreprises activement impliquées dans le lobbying en faveur du pétrole ou du gaz, ou celles ralentissant ou bloquant les efforts pour sortir de ces secteurs ». Pour cela, l’entreprise va s’appuyer sur la Global Oil and Gas Exit List, une liste établie par une ONG allemande [1] : recensant 900 entreprises liées à l’industrie du gaz et du pétrole, elle fait référence parmi les défenseurs d’une finance décarbonée.

Des méthaniers brise-glaces de ce type transportent le gaz liquéfié. Flickr / CC BY-NC-ND 2.0 / Amanda Graham

« On salue la nouvelle, la Banque postale est la première banque en France et peut-être même dans le monde à annoncer sa sortie du pétrole et du gaz dans un délai court », se félicite Alix Mazounie, de l’ONG Reclaim Finance. « Ils vont même plus loin que ce que demande l’Agence internationale de l’énergie, qui estime qu’il faut stopper les nouveaux projets, mais ne va pas jusqu’à demander de sortir totalement de ces secteurs. » « C’est la première banque à reconnaître l’impératif scientifique qu’on ne peut pas continuer à exploiter les énergies fossiles », renchérit Lorette Philippot, des Amis de la Terre.

Lire aussi : Les banques françaises au secours du pétrole, du gaz et du charbon

Selon nos confrères de La Tribune, la Banque postale détient encore 500 millions d’euros d’investissements et de financements dans le charbon et 700 millions dans le pétrole et le gaz. Soit en tout 1,2 milliard d’euros qu’elle va retirer de ces secteurs d’ici à 2030. Une goutte d’eau pourtant dans l’océan de la finance des énergies fossiles,dont la Banque postale n’est pas un acteur important. « Ce n’est pas tant l’impact financier qui compte que l’annonce, observe Alix Mazounie. Cela crée un précédent sur la place financière alors que, jusqu’ici, tout le monde nous disait que c’était impossible. »

BNP Paribas, « premier financeur européen de l’expansion des énergies fossiles »

Car les banques françaises peinent à s’engager dans la sortie des énergies fossiles. En mars, un rapport international réalisé par cinq ONG révélait, entre autres, que BNP Paribas, le Crédit agricole et la Société générale avaient presque doublé leurs financements en faveur du pétrole, du gaz et du charbon depuis 2016.

Reclaim finance a également mis en ligne un « scan de la finance mondiale », qui évalue les politiques de cinquante-sept acteurs de la finance pour les pétroles et gaz non conventionnels (pétroles et gaz de schiste, forages en Arctique, sables bitumineux). Parmi eux, la Banque postale est la seule à s’être engagée à une sortie totale. Et seulement vingt-six de ces acteurs ont pris de timides engagements. Par exemple, BNP Paribas a exclu le financement de projets visant à exploiter de nouveaux gisements d’hydrocarbures non conventionnels. Mais il n’exclut pas de financer les entreprises qui mènent ces projets, ce qui fait de BNP Paribas « le premier financeur européen de l’expansion des énergies fossiles », selon le site. Toujours d’après ce classement, seul le Crédit mutuel paraît suivre la voie de la Banque postale, mais il n’a pas exclu les entreprises travaillant par exemple dans le transport et le stockage des hydrocarbures.

L’opération « Bloquons la république des pollueurs », en avril 2019 à La Défense (Paris), avait réuni 2 000 activistes écologistes. © Loup Barre/Reporterre

Il y a un an, lors du climate finance day (« jour de la finance climatique »), les acteurs de la place financière de Paris s’étaient engagés à sortir du charbon. Le ministre de l’Économie leur avait demandé d’aller plus loin en excluant aussi les hydrocarbures non conventionnels.

Cette année, le climate finance day aura lieu le 26 octobre. L’appel du ministre de l’Économie est resté « lettre morte », estime Lorette Philippot. Les grosses banques françaises ont toutes augmenté leur soutien aux hydrocarbures non conventionnels ». Preuve, pour elle, que l’appel aux bonnes volontés ne fonctionne pas. Les Amis de la Terre demandent que l’État « inscrive dans la loi une trajectoire de sortie du pétrole et du gaz pour le secteur financier, avec un contrôle et des sanctions s’il ne s’aligne pas avec les objectifs de l’Accord de Paris », dit Lorette Philippot. « On n’a pas quinze ans pour que BNP Paribas ou Société générale suivent l’exemple de la Banque postale », insiste-t-elle.

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