Le processus d’intégration en thérapie – La gestion des symptômes

Note : Cet article fait partie d’une série. La bibliographie se trouve dans le dernier article de cette série.

Avant toute chose, il est important de rappeler que les buts de la thérapie d’intégration pour le TDI doivent être discutés entre patient et thérapeute. Le thérapeute connaît les techniques de thérapie, le patient connaît ses propres limites, il est nécessaire de mettre les deux en cohérence afin d’avancer au bon rythme, ni trop lentement ni trop rapidement.

Le cadre thérapeutique doit être assez stable pour sécuriser le patient, assez flexible pour s’adapter à ses besoins. Il doit également éviter au maximum de déclencher les mécanismes de défense maladaptés, tant chez le patient que chez le thérapeute.

Les principes généraux de traitement pour les troubles dissociatifs sont d’encourager les actions intégratives et adaptées envers l’environnement, mais aussi envers toutes les parts de la personnalité. Les livres « Gérer la dissociation d’origine traumatique » et « Traiter la dissociation d’origine traumatique » décrivent le processus de stabilisation de la personne dissociée afin de la préparer au travail de traitement des traumas. Ces étapes sont :

  • Apprendre à gérer la dissociation : apaiser la phobie de l’expérience intérieure, développer la réflexion, comprendre comment fonctionnent ses propres parts dissociatives, développer le sentiment de sécurité intérieure.
  • Améliorer la qualité de la vie quotidienne : améliorer le sommeil, avoir une structure quotidienne saine, gérer le temps libre et la détente, (ré)apprendre à prendre soin de son corps, développer des habitudes alimentaires saines.
  • Gérer les triggers liés aux traumatismes : comprendre le lien entre trigger et souvenir traumatique, gérer les triggers, s’organiser pour les jours difficiles.
  • Apprendre à gérer les croyances et les émotions de base : comprendre ses émotions, apprendre à les réguler, identifier ses croyances de base et ses erreurs cognitives, explorer les pensées et les croyances de base négatives pour apprendre à les gérer.
  • Gérer certaines émotions et parts dissociées en particulier : la colère, l’angoisse, la honte, la culpabilité, les parts enfant, les tendances autodestructrices, améliorer la prise de décision et la coopération interne.
  • Améliorer les relations aux autres personnes : gérer les phobies de l’attachement et de la perte de l’attachement, résoudre les conflits au sein des relations interpersonnelles, gérer la solitude, apprendre à s’affirmer, poser des limites saines.

Bien entendu, ce n’est qu’un programme de stabilisation possible parmi d’autres. Chaque patient est unique et va avoir des besoins spécifiques en termes de priorités dans son apprentissage de la stabilité.

Ci-après, certains grands thèmes de la phase de stabilisation vont être détaillés, ainsi que le traitement des souvenirs traumatiques. Vous remarquerez que ce « programme » est organisé différemment de celui proposé en partie par « Gérer la DOT » et c’est totalement normal. L’ordre, le rythme, l’organisation de la thérapie, peut se faire de plein de manières différentes, en fonction des besoins du patient et des outils avec lesquels le thérapeute est à l’aise. Il ne faut pas hésiter à réorganiser tout ça au fur et à mesure de l’avancée de la thérapie. « Revenir en arrière » régulièrement est totalement normal si le besoin se fait sentir de renforcer des étapes déjà abordées.

Gérer les actions mentales et leur phobie

Les actions mentales sont essentielles pour avoir un fonctionnement adapté à chaque situation. Mais même si ce sont des éléments très importants pour la vie quotidienne, les personnes ayant survécu à des traumas peuvent développer la phobie de certaines actions mentales. En effet, elles peuvent faire référence à des expériences traumatiques. Dans ce cas, on peut les nommer « actions mentales dérivées de traumatismes » et certaines d’entre elles peuvent être des triggers traumatiques. Elles sont perçues comme quelque chose d’effrayant, de honteux ou de dégoûtant. Peu importe si la sensation est négative ou positive, toutes peuvent potentiellement être liées à un trauma et requérir une attention particulière.

Par exemple, quelqu’un qui a vécu des agressions sexuelles peut assimiler l’excitation sexuelle à l’agression. Peu importe si cette excitation a lieu dans un contexte positif (relation consensuelle entre adultes) ou négatif (revictimisation). Ou encore, si l’expression de la colère a mis la personne en danger par le passé, le sentiment de colère peut être la source de phobies internes.

C’est important, pour le processus thérapeutique, de prendre conscience de quelles actions mentales et émotions sont difficiles à supporter, lesquelles sont inhibées, lesquelles sont bouleversantes… Mais aussi d’analyser le point de vue et les réactions spécifiques de chaque part dissociée à chaque action mentale.

Une fois ces schémas analysés, il est possible de commencer à les explorer plus en profondeur avec des phrases en « si… alors… ». Par exemple, « Si je suis triste, alors je ne pourrai plus m’arrêter de pleurer » ; ou encore, « Si je suis en colère, alors ça veut dire que je suis une mauvaise personne ». Le processus de thérapie va progressivement explorer ce que chaque action mentale déclenche chez le patient (sensations, émotions, types d’actions entreprises, voix intérieures, pensées et croyances intrusives…). Le rôle du thérapeute sera alors d’aider le patient à faire la distinction entre ce qui est adapté et ce qui est inadapté à chaque situation.

Comme il existe de nombreux outils différents pour gérer tout ça, le rôle du thérapeute sera aussi de sélectionner les outils les mieux adaptés à chaque intervention. Un même patient peut avoir besoin d’outils très différents en fonction de l’action mentale sur laquelle il est nécessaire de travailler.

Gérer la phobie des parts dissociées

Certaines personnes entrent en thérapie en ayant déjà une bonne conscience de leurs parts dissociées – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles recherchent la thérapie. D’autres ont besoin d’aide pour réussir à dépasser les amnésies entre les parts. Toutes les situations entre ces deux exemples existent également.

Par exemple, chez une même personne, certaines parts peuvent communiquer, mais être phobiques d’autres parts. Or, il faut que toutes les parts communiquent entre elles pour atteindre le meilleur fonctionnement possible au quotidien. Le thérapeute va aider les parts dissociées à entrer en contact, en respectant le rythme du patient. Cela demande beaucoup d’empathie vis-à-vis des différentes croyances, expériences et résistances des parts dissociées du patient. Cela demande aussi la patience de constamment réorienter toutes les parts du patient dans la réalité (ancrage au monde physique, indissociabilité du système…).

Le but est de permettre une communication globale et une bonne cohérence d’action au sein du système de la personne dissociée. Au long terme, cela aide aux processus de réalisation et de synthèse qui sont nécessaires pour traiter les souvenirs traumatiques.

C’est un travail délicat qui demande de réaliser en continu l’analyse profonde de toutes les parts, de leurs rôles et de leurs interactions en interne. Suivant la situation, il est parfois nécessaire d’agir au niveau global (le système formé par toutes les parts) ou au niveau individuel (la manière dont une part va réagir par rapport à d’autres). De plus, suivant la catégorie de part émotionnelle avec laquelle on travaille à un moment donné (part imitant l’agresseur, part agressive, part enfant, part observatrice…) le travail thérapeutique va être différent. Il est nécessaire que le thérapeute s’adapte correctement à chaque situation pour aider au mieux toutes les parts du patient.

Augmenter l’efficacité mentale

La personne dans tout son ensemble apprend à passer progressivement des actions mentales et comportementales de niveau mental bas, à des actions de niveau mental plus élevées et plus complexes. Ainsi, le patient peut se comporter de manière de plus en plus souple et adaptée à des situations de plus en plus variées.

Cela se fait en aidant le patient à augmenter progressivement son niveau mental ; le thérapeute va l’aider à avoir une bonne énergie mentale, une bonne efficacité mentale, ainsi qu’à entretenir l’équilibre entre elles. En effet, si l’équilibre n’est pas bon entre l’énergie et l’efficacité, des comportements maladaptés peuvent se développer pour tenter de gérer ce déséquilibre.

Pour maintenir cet équilibre, et permettre au patient de fonctionner de mieux en mieux dans sa vie de tous les jours, les principes suivants sont appliqués : augmentation de l’énergie mentale, réduction des dépenses inutiles d’énergie mentale et règlement des « dettes » mentales (c’est-à-dire des actions non terminées). Une fois le processus enclenché, l’augmentation de l’efficacité mentale réduit le gaspillage d’énergie, donc l’énergie mentale augmente et, avec elle, l’efficacité mentale globale. C’est une sorte de spirale vertueuse.

Pour achever les actions mentales qui ne sont pas encore terminées, le patient va être peu à peu encouragé à augmenter son niveau de réalisation (présentification et personnification). Les différentes parts dissociées vont également être encouragées à vérifier si leur perception du monde (interne et externe) est en accord avec celle des autres parts, et avec celle de personnes extérieures au système dissocié. Cela va augmenter leur capacité à changer de point de vue suivant la situation, à se remettre en question, et à assouplir leurs réactions pour pouvoir mieux les adapter suivant les besoins réels du moment présent.

Améliorer la coopération entre les parts dissociées

Avant même de penser à guérir du stress post-traumatique, il faut penser à amener les parts dissociées à coopérer à l’intérieur de l’esprit.

Cela peut prendre du temps. Une personne très dissociée, qui fonctionne comme un « nous », a besoin de pouvoir se cacher à elle-même certaines de ses pensées, de ses émotions, de ses souvenirs. Amener les parts dissociées à dialoguer entre elles demande du temps et de la patience. Il faut respecter le rythme de la personne dissociée. Il ne faut pas la sortir de sa zone de confort mais, au contraire, progressivement agrandir cette zone de confort.

La coopération et la communication entre les parts dissociées permet de diminuer les conflits internes. Au lieu d’avoir une ou plusieurs parts dissociées cherchant à contrôler ou à faire taire les autres, elles se mettent à coopérer ensemble pour le bien commun. Elles apprennent à se soutenir les unes les autres, à s’entre-aider, à partager leurs compétences. La totalité du système gagne en capacité de fonctionnement adapté. La protection de chaque part est assurée par la coopération de toutes.

Cela passe entre autres par l’acceptation de l’existence de chaque part dissociée, ainsi que par l’acceptation compatissante de ce qu’elles contiennent (souvenirs, émotions, pensées, tendances à l’action…). Il ne s’agit pas encore de mettre en commun le matériel douloureux, mais d’accepter qu’il existe à l’intérieur de certaines parts dissociées. Il s’agit également de montrer de la compassion pour les parts dissociées qui contiennent ce matériel douloureux.

Une autre étape importante de la coopération des parts dissociées est ce qui s’appelle la « responsabilité partagée ». Si une part dissociée a un comportement inapproprié, la totalité des parts dissociées vont en prendre la responsabilité et travailler ensemble à gérer les conséquences.

Une bonne communication et une bonne confiance entre les parts dissociées est très importante pour améliorer tous les aspects de la vie quotidienne.

Gérer l’attachement et ses phobies

Les personnes qui ont survécu à des traumas, et plus encore celles qui sont fortement dissociées, présentent une gestion difficile de leurs liens d’attachement. Elles vont avoir à la fois une phobie de l’attachement (qui est source de danger) et une phobie de la perte d’attachement (puisqu’elles n’ont jamais appris à se réguler et se sécuriser). Cela peut avoir des conséquences compliquées sur le processus de thérapie, à-travers une mauvaise gestion de la relation au thérapeute.

Il est nécessaire de pouvoir forger une base d’attachement sécure avec le thérapeute. Pour cela, le thérapeute va se rendre disponible de manière prévisible et non-permanente. La prévisibilité aide à sécuriser le lien, la non-permanence évite la dépendance tout en stimulant les mécanismes d’auto-régulation. De plus, un attachement sécure soutient le processus d’intégration et augmente le niveau mental du patient.

Atteindre un niveau d’attachement sécure est néanmoins long et compliqué. L’attachement peut faire remonter chez le patient des souvenirs de liens passés, sources de souffrance. Cela peut aller, pour certaines parts, jusqu’à une véritable phobie de l’attachement. Il y a un fort risque de déclencher des cycles d’action de protection qui ne sont pas adaptés au moment présent, mais l’étaient dans le temps du trauma. Comme ces cycles d’action ne sont pas adaptés dans le cadre d’une relation thérapeutique, cela peut perturber la relation au thérapeute et la mettre en péril – déclenchant en retour les parts phobiques de la perte de l’attachement et leurs propres cycles d’action maladaptés.

Dans ce cas, le rôle du thérapeute est d’aider les parts phobiques de l’attachement et de sa perte, à se réguler et à s’engager dans des actions qui vont être adaptées à la situation présente. Pour cela, le thérapeute doit être très attentif à garder un niveau mental élevé, pour éviter d’être submergé par les besoins du patient et pouvoir y répondre correctement. C’est un travail délicat que d’aider une personne dissociée à trouver un point d’équilibre entre sa phobie de l’attachement, celle de la perte d’attachement, ainsi que les phobies des souvenirs traumatiques, des actions mentales, des parts dissociatives entre elles, du changement…

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