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L’anthropologue Didier Fassin sur Gaza : « La non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer est le prélude aux pires violences »

Didier Fassin s’alarme, dans une tribune au « Monde », que l’Union européenne n’invoque pas, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, la « responsabilité de protéger » votée par l’Assemblée des Nations unies, et qu’elle pratique le deux poids deux mesures dans ses relations internationales.

Publié le 18 octobre 2023 à 09h00, modifié le 18 octobre 2023 à 10h37 Temps de Lecture 4 min.

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L’incursion sanglante du Hamas en Israël a produit dans le pays un choc sans précédent et a suscité des réactions d’horreur dans les sociétés occidentales. Les représailles en cours à Gaza, d’autant plus violentes que le gouvernement israélien est tenu responsable par la population pour avoir favorisé l’essor du Hamas afin d’affaiblir le Fatah [le parti politique du président palestinien, Mahmoud Abbas] et pour avoir négligé les enjeux de sécurité au profit d’une impopulaire réforme visant à faire reculer la démocratie, ne génèrent pas de semblables sentiments de la part des chancelleries occidentales, comme si le droit de se défendre impliquait un droit illimité à se venger. Certaines victimes méritent-elles plus que d’autres la compassion ? Faut-il considérer comme une nouvelle norme le ratio des tués côté palestinien et côté israélien de la guerre de 2014 à Gaza : 32 fois plus de morts, 228 fois plus parmi les civils et 548 fois plus parmi les enfants ?

Lorsque le président français, Emmanuel Macron, a prononcé son allocution télévisée, le 12 octobre, on comptait 1 400 victimes parmi les Gazaouis, dont 447 enfants. Il a justement déploré la mort « de nourrissons, d’enfants, de femmes, d’hommes » israéliens, et dit « partager le chagrin d’Israël », mais n’a pas eu un mot pour les nourrissons, les enfants, les femmes et les hommes palestiniens tués et pour le deuil de leurs proches. Il a déclaré apporter son « soutien à la réponse légitime » d’Israël, tout en ajoutant que ce devait être en « préservant les populations civiles », formule purement rhétorique alors que Tsahal avait déversé en six jours 6 000 bombes, presque autant que ne l’avaient fait les Etats-Unis en une année au plus fort de l’intervention en Afghanistan.

La directrice exécutive de Jewish Voice for Peace a lancé un vibrant « plaidoyer juif », appelant à « se dresser contre l’acte de génocide d’Israël ». Couper l’eau, l’électricité et le gaz, interrompre l’approvisionnement en nourriture et envoyer des missiles sur les marchés où les habitants tentent de se ravitailler, bombarder des ambulances et des hôpitaux déjà privés de tout ce qui leur permet de fonctionner, tuer des médecins et leur famille : la conjonction du siège total, des frappes aériennes et bientôt des troupes au sol condamne à mort un très grand nombre de civils – par les armes, la faim et la soif, le défaut de soins aux malades et aux blessés.

Des crimes commis, on ne saura rien

L’ordre donné au million d’habitants de la ville de Gaza de partir vers le sud va, selon le porte-parole des Nations unies, « provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices ». Ailleurs dans le monde, lorsque éclatent des conflits meurtriers, les populations menacées fuient vers un pays voisin. Pour les Gazaouis, il n’y a pas d’issue, et l’armée israélienne bombarde les écoles des Nations unies où certains trouvent refuge. Ailleurs dans le monde, dans de telles situations, les organisations non gouvernementales apportent une assistance aux victimes. A Gaza, elles ne le peuvent plus. Mais des crimes commis, on ne saura rien. En coupant Internet, Israël prévient la diffusion d’images et de témoignages.

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