Guide Michelin : Comment Hugo Roellinger suit les traces de son père Olivier en décrochant une troisième étoile
filiation gastronomique•Marin jusqu’à ses 24 ans, Hugo Roellinger s’est inscrit tardivement dans la tradition culinaire familiale. Sans l’aide de son père et chef de renom Olivier… qu’il vient d’égaler en obtenant une troisième étoile au Guide MichelinThibaut Gagnepain
L'essentiel
- Hugo Roellinger, fils du célèbre chef Olivier Roellinger, vient d’obtenir sa troisième étoile au Guide Michelin pour son restaurant « Le Coquillage » à Cancale, dix-neuf ans après son père.
- Après plusieurs années dans la marine marchande, Hugo a décidé de suivre la voie familiale en cuisine, développant sa propre approche basée sur les produits locaux et la pêche durable, ce que sa femme Marine décrit comme « une cuisine d’une grande poésie, en humilité, une cuisine visionnaire par un certain côté ».
- Cette réussite est le fruit d’un travail en binôme avec son épouse Marine et d’une transmission bienveillante de ses parents, comme l’explique cette dernière : « Les parents d’Hugo, leur plus grande preuve d’amour a été de laisser aux manettes leur fils, qu’il commette ses erreurs et apprenne ».
Un nom bien connu… mais pas associé à ce prénom-là. Dans la famille Roellinger, il y avait jusqu’ici le père Olivier. Désormais, au moment d’évoquer les grands chefs cuisiniers, il faudra également parler du fils, Hugo. Dix-neuf ans après le premier, sacré en 2006, le deuxième a décroché ce lundi à Metz une troisième étoile au Guide Michelin. Une reconnaissance absolue dans cette profession où l’héritage ne garantit jamais le succès.
Dans ce cas précis encore moins. Car Hugo ne se destinait d’abord pas à la tradition culinaire familiale. Lui rêvait de grand large, pas de toque ni de tablier. « On a toujours la volonté de ne pas faire pareil que ses parents. J’étais passionné par la mer, donc le métier de marin est venu naturellement », raconte désormais celui qui avait passé plus de deux ans dans un bateau, en tant qu’officier de la marine marchande.
Avant, subitement, de retrouver la terre ferme. Mieux, de renouer avec sa probable destinée. « Quand on passe du temps en mer, on pense différemment et je me suis dit que j’étais fasciné par ce qu’avaient fait mes parents. Par la passion qu’il avait mise à le faire pendant trente ans ». Il l’annonce à son père sur un quai de gare en 2012 et se lance. Seul. Loin d’une ombre qui pourrait être pesante.
« C’est vrai que mes parents étaient un peu surpris et pas forcément derrière moi. J’ai dû leur prouver. Passer derrière un père, ça a quelques avantages mais des inconvénients aussi », détaille-t-il. Côté positif, il intègre certainement plus facilement, en 2014, « Le Coquillage », dans le domaine familial sur les hauteurs de Cancale (Ille-et-Vilaine). Le restaurant possède alors une étoile, sans Olivier Roellinger qui a rendu son tablier depuis 2008 pour raisons de santé.
Une cuisine d’une grande poésie
Un peu plus de dix ans plus tard, sa table a désormais intégré les plus prestigieuses de France. Comment ? Avec les sept hectares de terres du domaine qui servent de garde-manger. Ses équipes y cultivent légumes, plantes aromatiques mais aussi pommes dans un verger en face de la mer. Où, évidemment, il va y puiser les meilleurs produits. Pas n’importe lesquels : le chef est très engagé pour le respect de l’environnement et une pêche durable. Il s’emploie notamment à proposer des crustacés et coquillages qui ne seraient pas menacés d’extinction.
« C’est une cuisine d’une grande poésie, en humilité, une cuisine visionnaire par un certain côté. Complexe aussi. On ne peut la découvrir qu’au Coquillage », détaille son épouse Marine, qui dirige l’établissement. Visiblement en parfaite symbiose avec son mari. Les deux n’ont cessé d’insister sur ce point après leur sacre lundi. Sur scène, après quelques larmes, Hugo Roellinger a aussi publiquement salué sa femme. « C’est vraiment un binôme. Partager cette vie au quotidien, c’est très fort. On a hâte de le faire avec notre équipe », ajoutait-il en évoquant cet « ascenseur émotionnel assez fort ».
« Monsieur Roellinger n’est jamais venu en cuisine »
Au moment de passer devant la presse, il n’avait même pas encore eu le temps d’appeler son père… « Mais je suis très heureux de leur offrir cette troisième étoile », insistait-il en évoquant aussi sa mère, personnage indissociable de la réussite familiale. Sans que cet héritage ne soit vécu comme pesant. « Les parents d’Hugo, leur plus grande preuve d’amour a été de laisser aux manettes leur fils, qu’il commette ses erreurs et apprenne », reprend Marine. « Monsieur Roellinger (Olivier) n’est jamais venu en cuisine dire de faire ça ou ça. Il l’a toujours accompagné avec des yeux bienveillants. C’est la plus belle des transmissions. »
Celle certainement rêvée pour un père… Lui aussi par le passé triple étoilé, Michel Roth ne disait pas le contraire lundi. « C’était émouvant de le voir recevoir sa troisième étoile. Il a remercié ses parents mais on a vu qu’il s’était forgé son propre chemin. C’est magnifique de voir ça. Son père a inspiré beaucoup de cuisiniers et… peut-être son fils aussi ! »
Philippe Etchebest a hâte de découvrir tout ça. « J’avais eu l’occasion d’aller dîner chez Olivier il y a quelques années et je suis vraiment content pour Hugo », sourit le très médiatique chef bordelais, avant de raconter une anecdote. « Je devais aller manger chez lui en décembre avec ma femme mais quand on a appelé, il n’y avait plus de place. Il m’a rappelé et proposé d’aller au bistrot, qui n’est pas au même endroit à Cancale. On a été reçu là-bas, on a très bien mangé et sa femme est venue nous saluer avec beaucoup de simplicité et de gentillesse. Ces gens-là ont le plaisir de bien recevoir. Ils ont un truc. » Et trois étoiles au Guide Michelin.