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A l'origine simple chapelle, l'église de Saint-Emilion est devenue église paroissiale en 1856, par ordonnance du 1er mai de Monseigneur Le Mée, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier. Elle prenait ainsi le relais de la vieille église Saint-Ivy, alors réduite à l'état de ruine. Celle-ci sera finalement démolie et reconstruite entre 1860 et 1864 au même emplacement comme simple chapelle.

Saint-Emilion est un monument du XVIème siècle et les principales dates le concernant se lisent sur l'entablement dominant les colonnes du porche : « CESTE CHAPELLE FUT COMMENCEE 1516 ET LA TOUR 1566 ». La construction de la chapelle proprement dite dura donc un demi siècle, et la tour commencée en 1566 n'était pas encore terminée au début du XVIIème siècle puisque Fiacre de la Haye, « architecteur et habile picoteur de pierres » y besognait encore en 1601.

Les guerres de la Ligue qui enflammèrent la région en cette fin du XVIème siècle ne furent pas sans conséquence sur le ralentissement des travaux du grand chantier émilien. Un tel échelonnement dans le cadencement des travaux explique la présence ici de deux styles : Gothique pour la partie nef et transept, Renaissance pour la tour, le porche jouant le rôle de charnière des deux styles.

Aspect Extérieur :

Nef et transept sont donc édifiés dans le style du XVIème siècle naissant et profondément imprégnés du Gothique breton et de ses caprices. Remarquons les deux entrées latérales s'ouvrant sous un arc en accolade aux multiples voussures décorées de feuilles de vigne et raisins issant de chiots ou lapereaux. L’arcade externe, au pinacle fleuronné dominant une croix pattée, présente ses choux-frises sortie de colonnes torses à listels.

Les pignons percés de baies ogivées à fenestrage imprégné du Gothique finissant, viennent agrémenter les toits en batières de leur gable aux rampants décorés de crochets, feuilles d’acanthe ou fleurons qui s’épanouissent au-dessus de chimères qui leur servent d'assise. Mais déjà la fin du flamboyant est perceptible dans les grandes baies ouvertes entre les puissants contreforts latéraux ; un remplage de transition apparaît où le réseau de courbes et de contre-courbes s'écartant du flamboyant, cherche sa nouvelle voie. Remarquons à ce propos, côté tour, la dernière ouverture qui tout en conservant les détails d’imposte de ses semblables, se termine par un arc plein cintre propre au nouveau style. Située à la jonction de la tour et de la chapelle, cette baie chargée d'éclairer les fonts baptismaux, mises en place alors que les travaux de la tour étaient bien avancés, va ainsi subir les profils de l’art nouveau.

Sur le couchant s'ouvre le porche, charnière de l'édifice et témoins du changement que l'architecture bretonne commence alors à intégrer ; conçu dans l'hésitation ce porche mélange ogival et attique, ici l'artiste bâtit en Gothique et décore en Renaissance.

L’accès de l'édifice se présente alors sous un arc brisé, avec clé en console, entre deux colonnes cannelées à fût renflé au premier tiers. Celles-ci reposent sur socle et sont sommées de chapiteaux corynthiens supportant l'entablement à fronton. L’ensemble s'abrite sous une grande arcade en tiers point, base de la tour carrée flanquée de deux contreforts à la masse imposante d'où se détachent en ronde bosse sur culs de lampes, les silhouettes des apôtres Pierre et Paul à l'abri d’un fronton surbaissé. Ainsi placés, nos deux disciples constituent la garde d’honneur de Milion, le patron des lieux (en pierre polychrome à l'origine) sommant le fronton. De part et d'autre du porche s'étend le mur pignon, renforcé à ses extrémités de contreforts jumelés en équerre et terminés en lanternons.

Le style nouveau va désormais pouvoir s'adapter tout au long, de l'édification des 33 mètres de tour. L'angle sud-ouest de cette dernière, flanqué d’une tourelle où s'enroule l'escalier à vis à noyau plein, donne ainsi accès à la dernière plate-forme par une rotonde renaissance sommée d'un dôme à lanternon. Toutefois des résurgences de l'ancienne école subsistent, qui par delà la dernière galerie vont propulser les 17 mètres d'assises de la flèche à base octogonale, rappelant le profil du Kreizker. Cantonnée de ses clochetons ajourés, l'élégante pyramide aux regards ovoïdes ou quadrilobés par où filtre la lumière, semble ici défier les lois de la pesanteur ; « beaucoup de monuments d’une autre importance sont loin d’offrir une grâce et une légèreté comparables » rapporte en 1840 M. Lorin, architecte.

Entre ses galeries à balustrade sur consoles ou corbelets, s'ouvrent les chambres des cloches et de l'horloge défendues par des batteries de gargouilles canons menaçant tous les points de l'horizon. Ces formes simplifiées venues remplacer les masques grimaçants des sculptures gothiques rappellent ici la Ligue et ses combats permanents ; aussi ces corbelets surmontés de profils de canons, donnant l'apparence de machicoulis et couleuvrines, pouvaient à distance dissuader un adversaire éventuel. Pourtant ces apparences n'ont pu toujours détourner les colères du ciel car le 5 février 1875, la foudre tomba sur le clocher et la flèche dut être refaite. En novembre 1954, la tempête d'une violence peu commune fit basculer la grande croix de 4 mètres de hauteur et son socle pesant 250 kgs, mais 2 années plus tard la flèche loguivienne avait retrouvé son profil coutumier, « éternel halbran dressé au nid du val » comme le disait l'incomparable poète loguivien Pierre Guéguen. « Il faut le dire, c’est ici le véritable type du clocher breton, du clocher à jour », rappelle Lorin, et Delumeau de poursuivre dans son Histoire de Bretagne « En Trégor, Saint-Emilion est le spécimen du renouveau des grands clochers porches dont la structure est celle des exemples normendo-breton de St-Pol au siècle précédent ». En 1912, le clocher de Saint-Emilion sera classé monument historique.

Intérieur de Saint-Emilion.

La nef, éclairée par la grande verrière et les baies latérales, étend ses 40 mètres du porche, au chevet entre deux séries de 6 arcades supportées par des colonnes cylindriques sans chapiteau, dans lesquelles viennent se fondre de larges arcades ogivées à voussures. A l'origine la chapelle mesurait 28,5 mètres dans les mêmes intervalles. Elle fut agrandie de 1885 à 1887 par le prolongement des bas-côtés au delà des bras du transept et la translation du chevet vers le levant. Cet agrandissement peut se remarquer au niveau des colonnes dont le soubassement mouluré est de forme polygonale pour les plus anciennes et ronde pour les autres. Il provoqua la suppression d'une sacristie, érigée en 1757 contre le chevet extérieur et dont le toit masquait la partie basse de la grande verrière. (dimensions hors-tout de Saint-Emilion aujourd'hui : 46,6 x 27 mètres, contreforts compris).

Comme dans les édifices bretons en général, nef, bas-côtés et transept sont couverts d'un lambris en berceau brisé aux planchettes fixées par des baguettes parallèles formant nervures transversales, le bois est ici préféré au granit, matériau jugé trop pesant ; de puissants tirants, aux extrémités « engoulées » entre les pointes acérées de gueules de brochets, présentent leurs flancs enlacés de formes fantastiques ou décorés de croix pattées.

Puis soulignant les combles d'étonnantes sablières qui par la multiplicité des scènes de chasse, des chimères et autres formes allégoriques demeurent les témoins de la verve populaire et constituent un recueil de la symbolique de l'époque. En 1842 déjà, M. François-Marie L'Hévéder notaire et adjoint au maire de Loguivy-Plougras n'hésitait pas à faire remarquer au préfet du département l'intérêt archéologique de certaines inscriptions sur boiseries.

Ces inscriptions sur phylactères, usant de l'anagramme, se présentent en effet accompagnées de l'écu carré en bannière « d’argent à la croix pattée de gueules », souvent assimilé à l'écu des Plougras, seigneurs. de Trogorre et prééminenciers à Saint­Emilion. Mais ces armes sont également celles des Templiers dont la croix pattée de vermeil ornant le blanc manteau fut fixée en 1148 par le pape Eugène III. Disons pour l'instant que ces écus viennent ici souligner le caractère «  hermétique » du message de l'invocation de la sablière du transept midi « 0 MAT(ER) DEI MEM(E)NTO MEI DOMINE MISERE SUPER ISTO » auquel vient faire face la seconde inscription « LE XVI JOUR DAVRILL LAN MIL CENTS CINQUANTE UNG LE VOLS DE CHAPELLE A ETTE FAIT ».

Notons cependant que 3 périodes bien distinctes sont évoquées par les sablières. Les plus anciennes de celles-ci entourent le transept et longent les bas-côtés, elles semblent antérieures au monument actuel. Celles qui décorent la nef côté porche datent de 1557. Enfin, les frises simplifiées terminant la nef côté choeur, viennent de Saint-Jean-du-Baly de Lannion qui les donna à Saint-Emilion en 1902.

Quant au pavé de l'église, il n’est pas d'origine et a été mis en place ou exécuté en 1889 par Paul Décot et fils « sculpteurs sur pierres » à partir de vieilles pierres tombales abandonnées, de pierres de l'ancien pavé et enfin d'autres pierres extraites de la carrière de Stang-Trebuchon. Pourquoi ce changement d'un pavement qui faisait l'admiration des connaisseurs ? Car moins de 50 ans auparavant en 1840,le chanoine Souchet, érudit antiquaire, délégué par l'évêque à Saint-Emilion parlait de « son beau pavé en mosaïque ». L’année suivante, l'architecte Lorin se contente de noter « le pavé tout en granit et en général en bon état ».

Maître-autel : Le maître-autel, du XVIème siècle, a été restauré par M. Philippe Le Merer sculpteur et M. Thomas Alexandre, menuisier sculpteur de Loguivy, qui a refait également les autels latéraux. Le maître-autel est orné de chaque côté de la sainte Vierge et de l'Ange de l'Annonciation et de petites statuettes de saint Ivy, saint Yves, saint Thomas et saint Ignace. L’un des autels latéraux a un retable Renaissance représentant la fuite en Egypte et l'Adoration des Mages. 

Autres statues :

Bannières : Des cinq bannières achetées en 1875 par la paroisse loguivienne, celles de Sainte-Anne et de la Vierge, furent remises à neuf en 1930, et celle de Saint-Emilion en 2016. Une nouvelle bannière de Saint-Yves fut offerte en 1921.

Chaire et Confessional :

Fonts baptismaux :

Bénitiers :

Chemin de Croix : 

Vitraux :

Nota : les photos réalisées par Gilbert Frey sont la propriété du site infobretagne.com.