Un exemplaire du code du travail

Le collectif d'universitaires Gr-Pact a rendu public ce 15 mars 2017 sa proposition de code du travail. Un texte réduit mais précis, dont les règles tendent vers moins de précarité.

afp.com/FRANCK FIFE

Alors que le gouvernement a encore repoussé à la Saint Glinglin la commission de refondation du code du travail, le Gr-Pact, un collectif d'universitaires qui s'était déjà fait entendre au moment des débats sur la loi Travail, apporte sa pierre à l'édifice. Un livre de poche d'à peine quelques centaines de grammes, moins de 400 pages (explications de texte comprises), qui renferme l'intégralité du droit du travail, avec des règles très précises. Bien que l'exercice minceur soit réussi, la version a tout pour déplaire aux patrons. Le droit a en effet, à cette occasion, été revisité pour redonner aux salariés les protections dont ils bénéficiaient à la base, mais "qui se sont effritées ces trente dernières années", du fait de l'apparition de contrats précaires, de l'inversion de la hiérarchie des normes, etc., estiment les auteurs. "La pente qui a été prise, et qui a abîmé le texte sur le fond, n'est pas une fatalité", a expliqué Emmanuel Dockès, de l'université Paris Nanterre. Cinq points clés.

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1. Le retour du principe de faveur

Le principe de faveur est une règle qui s'inscrit dans le cadre de la hiérarchie des normes. Il signifie qu'une règle de niveau inférieur ne peut déroger à une règle de niveau supérieur, que si elle est plus favorable au salarié. Les universitaires suppriment dans le code du travail tout ce qui "réduit la loi et la convention collective de branche au rang de règles subalternes, supplétives, qu'une simple convention collective d'entreprise pourrait écarter d'un trait de plume". L'adaptation de la loi par l'accord de branche "n'est plus admise qu'à titre exceptionnel, sous conditions de contreparties claires et prédéfinies par la loi". "Comme contrepartie légale, il peut être décidé l'annualisation du temps de travail, à condition de passer aux 32h, illustre Carole Giraudet, de l'université Lyon 2. Par ailleurs, un accord d'entreprise ne peut déroger à un accord de branche, sauf si celle-ci le prévoit expressément. Ainsi les salariés d'une même branche ne sont pas mis en concurrence".

2. La suppression des CDD

Que ce code du travail clairement de gauche supprime les CDD n'est pas une surprise. La formule choisie en remplacement est innovante. Elle aura du mal à convaincre le patronat. Dans le système du GR-Pact, les CDD deviendraient des CDI à "clause de durée initiale" prévoyant la possibilité du licenciement "lorsque la tâche stipulée ou le remplacement effectué cesse". Pas de rapport toutefois avec les CDI à droits progressifs prôné notamment par François Fillon, puisque le recours à une clause de durée initiale serait limité à des cas encore plus restreints que ce qui est prévu pour les CDD actuellement : la réalisation d'une tâche précise et dont l'objet est par nature temporaire, le remplacement d'un salarié absent, et un surcroît temporaire d'activité. Un délai de carence s'appliquerait pour la conclusion d'un nouveau CDI à clause de durée initiale avec la même personne, même sur un poste différent.

3. L'annulation des licenciements abusifs

Actuellement, quand un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse par les prud'hommes, il n'est généralement pas annulé. Le collectif d'universitaires généralise cette annulation, pour laisser la porte ouverte à une réintégration du salarié. Et à "une plus forte indemnisation, qui peut aller jusqu'à plusieurs années de salaire dans certains cas." Le cas des petites entreprises (moins de dix salariés) est traité à part puisque le juge peut, pour elles, diminuer la sanction, "en cas de circonstances "économiques difficiles ou lorsqu'il s'agit d'une simple maladresse d'un employeur inexpérimenté".

4. L'assimilation des travailleurs "ubérisés" à des salariés

Pour limiter l'apparition d'un "sous-salariat", dans le cadre duquel, rappelle Emmanuel Dockès, "des personnes travaillent à temps plein pour l'équivalent d'un RSA", les auteurs de ce code du travail revisité ont prévu la création de nouveaux statuts pour les personnes en situation de "faiblesse" ou de "dépendance" : celui de salarié autonome et celui de salarié externalisé. Le salarié autonome, qui est celui qui "ne reçoit pas de directives quant aux modalités d'exécution de sa tâche ou de ses missions" et gère lui-même son emploi du temps, peut bénéficier de la protection du droit du travail mais dispose de règles spécifiques concernant le temps de travail et le pouvoir disciplinaire de l'employeur à son égard. Le droit du salarié externalisé est, lui, calqué sur le modèle des travailleurs à domicile.

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5. Mettre les détenteurs du pouvoir à la portée du comité d'entreprise

"Une fois par an, l'associé qui contrôle l'entreprise ou le dirigeant de l'entreprise dominante pourra être auditionné par le comité d'entreprise, explique Sylvaine Laulom, de l'université Lyon 2. Ainsi, le véritable détenteur du pouvoir dans l'entreprise ne sera plus hors d'atteinte". Par ailleurs, toujours dans l'optique que les responsables ne s'exonèrent pas de leurs responsabilités, "l'assurance générale des salaires (AGS) pourra se retourner contre l'actionnaire dominant pour récupérer tout ou partie des salaires impayés" en cas de procédure collective.

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