La police intercepte une pirate belge

Mathieu Van Overstraeten

L'arrestation d'un auteur de virus informatiques n'est pas un événement qui arrive tous les jours. Surtout pas en Belgique et surtout pas quand il s'agit d'une femme. C'est pourtant bel et bien ce qui s'est passé lundi soir dernier, dans la banlieue de Malines.

Agée de seulement 19 ans, la «pirate» en question est une jeune étudiante en informatique qui se fait appeler «Gigabyte». On lui reproche d'avoir créé sept virus et de les avoir mis à disposition sur son site Web, pour certains même de les avoir diffusés. Son principal fait d'armes est un virus baptisé «Sharpei» qui, sans être véritablement destructeur, fut l'un des premiers à s'attaquer à la plate-forme «.net» de Microsoft.

Petit Poucet

De quoi assurer évidemment une certaine notoriété aux Etats-Unis, où une chaîne de télévision américaine consacra même un reportage à la jeune femme en 2002, sans jamais clairement montrer son visage. Toujours en 2002, le magazine «Wired» consacra lui aussi un article à «Gigabyte», cette fois-ci pour parler de son histoire d'amour avec un hacker baptisé «Nostalg1c», rencontré évidemment grâce à l'Internet.

Quand on est pirate informatique, il faut pourtant savoir se montrer un peu plus discret. Une interview accordée par «Gigabyte» au «Standaard» il y a six mois fut le premier élément à mettre les enquêteurs de la Computer Crime Unit (CCU) sur la bonne piste.

«Elle a tenté de brouiller les cartes en se faisant passer pour une fille d'un pays de l'Est et en diffusant certains de ses virus à partir de serveurs situés dans ces pays, un peu comme ce fut le cas pour le virus Mydoom il y a peu, mais à force d'être très présente sur Internet, elle a fini par faire comme le petit Poucet: elle a semé sur son passage des petits cailloux qui nous ont permis de l'intercepter», explique Olivier Bogaert, inspecteur à la CCU de Bruxelles.

Une élève douée

Relâchée après une garde à vue de 24 heures, «Gigabyte» a été directement mise hors d'état de nuire par le parquet, qui a saisi ses cinq ordinateurs et qui lui a interdit de communiquer encore avec la communauté des «hackers». Bien évidemment, le site Web de la jeune femme a également été fermé sur instruction du juge. «Elle s'apprêtait à publier de nouveaux virus sur ce site», précise Olivier Bogaert.

Selon ce dernier, rien ne devrait cependant empêcher «Gigabyte» de s'acheter un nouvel ordinateur afin de pouvoir poursuivre ses études. «Dans son domaine, elle est très douée, dit l'inspecteur. Lorsque je l'ai vue lundi soir, je lui ai d'ailleurs dit que je trouvais dommage qu'elle n'utilise pas ses compétences d'une manière plus positive.»

Pour sa défense, «Gigabyte» affirme qu'elle n'a pas diffusé ses virus, sauf pour les envoyer à des éditeurs d'antivirus afin de tenter d'accroître sa notoriété. «Quand quelqu'un fabrique un fusil, peut-on lui reprocher le fait que quelqu'un d'autre s'en serve pour tuer?», s'interrogeait-elle dans le reportage télévisé de 2002. «Cette comparaison ne tient pas la route, répond Olivier Bogaert. Une arme ne peut être utilisée que dans des conditions très strictes par des gens qui ont un permis, et qui souvent suivent un entraînement. Dans ce cas-ci, les virus étaient mis à la disposition de tout le monde.»

Poursuivie pour «sabotage informatique», «Gigabyte» risque une peine de 6 mois à 3 ans de prison et une amende de 26 à 100000 euros. Sans compter que les victimes potentielles de ses agissements (Microsoft, par exemple) pourraient porter plainte.

© La Libre Belgique 2004

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