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Les fidèles de la mosquée d'Evry entre lassitude et agacement

En costume cravate, en saroual ou en djellaba, les fidèles de la mosquée d'Evry (Essonne) partagent une même lassitude, un même agacement, parfois une même colère envers tous ceux qui, depuis des semaines, placent l'islam et les musulmans au coeur des débats de société.

Par Stéphanie Le Bars

Publié le 05 décembre 2009 à 14h17, modifié le 05 décembre 2009 à 17h12

Temps de Lecture 4 min.

Le ton est parfois ironique, parfois inquiet. Mais la question est la même. Lancinante. "Jusqu'où iront-ils ?" En costume cravate, en saroual ou en djellaba, les fidèles de la mosquée d'Evry (Essonne), qui, après la prière du vendredi 4 décembre, regagnent dans le froid leur bus ou leur domicile, partagent une même lassitude, un même agacement, parfois une même colère envers tous ceux qui, depuis des semaines, placent l'islam et les musulmans au coeur des débats de société.

Au pied du minaret de 25 mètres qui surplombe cette mosquée-cathédrale à l'architecture arabo-mauresque, les fidèles ne comprennent pas trop "où est le problème". Depuis quinze ans, l'édifice se partage avec la cathédrale de brique rouge implantée à quelques centaines de mètres le ciel de cette ancienne "ville nouvelle". Son recteur, Khalil Merroun, se pose en défenseur "acharné" de la laïcité et de "l'islam de France".

Un concept défendu par le premier ministre, François Fillon, dans sa contribution au débat sur l'identité nationale, vendredi.

Pour le religieux musulman, les responsables politiques qui, dans la foulée de la votation suisse, se sont interrogés sur la pertinence de construire des minarets en France ont fait "une entorse à la laïcité". "Et le référendum suisse leur a permis de dire tout haut ce qu'ils pensaient", juge-t-il.

Les fidèles font part de leurs interrogations de manière plus abrupte. "Après la burqa, après les minarets, la prochaine étape, ce sera quoi ? L'interdiction des mosquées ?", lance Mehdi, un jeune homme venu d'une ville voisine, la chapka enfoncée sur les oreilles. A peine remis de la loi de 2004 interdisant le port du foulard islamique à l'école, qu'ils ont perçue comme une stigmatisation de l'islam, beaucoup pensaient "être tranquilles pour un moment". "Or chaque jour apporte son lot de piques contre l'islam ", déplore Abderrahman Madani, un chef d'entreprise de 52 ans.

"Aujourd'hui, le risque c'est que les gouvernements aillent toujours plus loin dans la stigmatisation pour faire diversion par rapport à la crise et à tous les autres problèmes", s'inquiète Rachid Cherifi, un Franco-Algérien de 30 ans. Le jeune homme a revêtu pour la prière une kamis (longue chemise) sous son blouson noir. Convaincu que "la majorité des musulmans de France pratiquent leur culte tranquillement, comme les bouddhistes", il s'insurge contre les "provocations" actuelles envers sa religion : "Ce n'est quand même pas l'islam qui va changer la Ve République ! " "A travers la burqa, ce sont tous les musulmans qui sont visés", déplore aussi Saïd, un dessinateur de 43 ans. "Or même si ces femmes sont minoritaires, il faut respecter leur liberté."

Chacun à sa manière décrypte les débats en cours sur les minarets ou le port du voile intégral et beaucoup redoutent la remontée de l'extrême droite aux prochaines élections. "On voit tous les clichés racistes qui resurgissent comme dans les années 1980", regrette M. Madani. "On ne va pas remplacer les juifs des années 1930 et servir de boucs émissaires, alors que l'on participe à la vie économique, associative, sociale, que l'on paye des impôts ! On est intégrés, la question n'est plus là. Alors qu'est-ce qu'ils cherchent ? ", s'interroge calmement ce Marocain installé en France depuis trente et un ans. "Une chose est sûre, le climat se tend. Politiquement, c'est inquiétant pour l'avenir", estime Saïd, qui vit en Seine-Saint-Denis.

En écho à ce trouble et devant une mosquée comble, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, qui, de manière exceptionnelle, dirigeait la prière de ce vendredi à Evry, a prêché "la justesse et le compromis ". "Il faut savoir rester juste même face à ceux qui manifestent de l'animosité à votre égard", a-t-il défendu en arabe et en français, en citant le verset de "la bonté pieuse". "Un climat de tensions n'est jamais bénéfique pour les musulmans".

"En cette période de débat sur les pratiques religieuses", il a appelé les musulmans à ne pas choisir la "visibilité ostentatoire afin d'éviter toute stigmatisation". Mais, a-t-il précisé, "il n'est pas non plus acceptable que certains poussent les musulmans à la relégation et à la discrétion totale. Il faut trouver un compromis ". "Il faut que tous ces débats soient l'occasion pour les responsables politiques de réaffirmer l'égalité des cultes en France", nous a aussi déclaré M. Moussaoui avant la prière.

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En préambule, le responsable de la mosquée, M. Merroun s'était adressé à ses fidèles à propos du référendum suisse : "Le rejet de l'islam existe, mais je n'ai pas de crainte pour l'islam ; il avance doucement. En revanche, j'ai de la crainte pour l'avenir des musulmans. Notre avenir passe par notre participation positive à la citoyenneté. Nos concitoyens français ne peuvent pas lire le Coran. Pour eux l'islam, c'est nous. Nous devons donner une image positive de l'islam."

A la sortie de la mosquée, M. Madani s'inquiétait toutefois de voir les musulmans "se replier et s'isoler davantage". "Ce serait dommage car si on n'aimait pas ce pays, on n'y aurait pas construit notre vie, fait des enfants ou monté des entreprises."

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