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Presse : des "proconsuls" aux blogueurs

On distingue, à la suite d'Albert Thibaudet, trois grands types de critique.

Par Jean-Louis Jeannelle

Publié le 25 mars 2010 à 17h50, modifié le 25 mars 2010 à 17h59

Temps de Lecture 2 min.

On distingue, à la suite d'Albert Thibaudet, trois grands types de critique. La critique des professeurs, d'abord : savante, elle vise à rendre compte de la création littéraire et des formes que celle-ci emprunte. La critique d'écrivains, ensuite : signée par des auteurs, elle se déploie en préfaces, articles ou essais. La critique des journalistes, enfin : réactive, elle estime la valeur des oeuvres, dont elle prescrit ou non la lecture. Parce qu'elle colle à l'actualité et s'évapore tout aussi vite que le quotidien, cette dernière critique reste la plus volatile, la plus délaissée et néanmoins la plus complexe des trois : elle seule affronte sans détour le risque qu'implique tout jugement de goût.

Son histoire n'est faite ni de luttes théoriques ni de méthodes successives, mais d'un face-à-face constant avec les oeuvres : les règles n'en sont pas écrites et son exercice dépend étroitement du savoir-faire dont fait preuve l'auteur de la critique. Un facteur y joue toutefois un rôle essentiel, celui du support emprunté : papier, radio ou télévision. L'irruption dans les années 1990 d'un quatrième support, l'Internet, a bouleversé la donne et fragilisé cet art de l'admiration ou de l'exécration, menacé dans ses formes et dans ses exigences.

La fin des autorités

Un tel éclatement est observable notamment du côté de la critique journalistique, où ont peu à peu disparu les chroniques prestigieuses, porteuses d'une parole d'autorité, souvent signées par des écrivains assumant d'évaluer à chaud l'actualité littéraire, tels Matthieu Galey à L'Express, Bernard Frank au Nouvel Observateur, François Nourissier au Point, Jean-Marie Rouart et Angelo Rinaldi au "Figaro littéraire", Bertrand Poirot-Delpech et Pierre Lepape au "Monde des livres" - Bernard Pivot jouait un rôle équivalent à la télévision.

Même si nombre d'écrivains livrent encore régulièrement leur opinion dans la presse, le temps n'est plus de ceux que Balzac nommait les "proconsuls dans la République des lettres". Jérôme Garcin, qui anime depuis 1989 "Le Masque et la Plume", la grand-messe critique diffusée sur France Inter, a livré leur secret en rapportant le conseil de Georges Charensol à ses débuts : "N'oublie pas, Jérôme, que la radio, c'est du spectacle" - ce sens du spectacle se retrouvait dans les feuilletons où s'exprimait une forme personnalisée de l'évaluation critique.

Ainsi, le champ apparaît aujourd'hui bien fragilisé par les restructurations que connaissent la presse, la radio ou la télévision : la place réservée à la lecture professionnelle ne cesse de se réduire ; la restriction des formats favorise désormais l'entretien, où l'écrivain est mis en scène de manière dynamique. Certes moins tranchée et moins hautaine, la critique cède aussi plus facilement à la promotion, la frontière avec le travail des attachés de presse tendant parfois à se brouiller.

Toute prévision apparaît incertaine, mais c'est peut-être sur Internet que naîtront de nouvelles solutions : certains blogs, comme la "République des lettres" de Pierre Assouline ou "Le tiers livre" de François Bon, jouent déjà le rôle autrefois imparti aux feuilletons littéraires, même si l'investissement de ce médium fluctuant y rend l'exercice du jugement trop anarchique pour qu'il soit possible d'attendre d'Internet qu'il se substitue aux anciens modèles.

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