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Sur la tour Balzac, des graffitis menacent les policiers

AFP

REPORTAGE - Ce bâtiment de la Courneuve est livré aux dealers.

«Tirer au fusil sur un fourgon de police, c'est n'importe quoi», lâche Ahmed, qui traîne en face de la tour Balzac de La Courneuve. «Au lieu de prendre six mois à un an de prison, ils vont payer cher maintenant», réprouve-t-il en connaisseur : lui aussi deale presque ouvertement devant cette barre fantomatique . Des blocs de béton barrent les fenêtres, tandis que des fauteuils éventrés gisent devant, comme un salon après bombardement.

Mardi matin, Ahmed et ses copains étaient restés chez eux, pour échapper aux policiers et journalistes. Mais l'après-midi, ils étaient de retour, avec leur haschisch caché sous des pierres, pour éviter d'avoir sur soi un produit illicite. Les habitants ont pris l'habitude de «ne rien voir», reconnaît une mère de famille apeurée. Les clients vont et viennent. Samedi soir, les voyous tirent sur les policiers une première fois, pour «leur faire peur», «parce qu'ils gênent le business», croit savoir un jeune. Puis s'enfuient par une coursive désolée, inondée d'urine, balafrée de graffitis. Une coursive où s'affichent les provocations des caïds rédigées en phonétique. «Brice H, (du nom d'un policier du commissariat voisin) t'est mort». «Matthieu, on va te faire péter». Ou encore «Flashballes ces rien bientôt c'est a l'explosif et alakalache» peut-on lire, avec un dessin de fusil d'assaut?

Un bastion pour les trafiquants

La rénovation urbaine n'a pas encore atteint ce recoin des 4000, une cité bâtie dans les années 1960 pour reloger les rapatriés. La tour Balzac qui devait disparaître, est défendue «comme un bastion, par les trafiquants», explique Kamel Hamza, élu UMP à la mairie communiste. Pour murer les appartements, l'office HLM doit souvent requérir les policiers. Mais le jour suivant, des squatters sont «amenés là par des gens qui n'ont pas intérêt à voir la barre se vider».

D'anciens locataires refusent aussi de partir, comme cette dame âgée, qui toute la journée regarde dans le vide. Ils sont tellement endettés ou précaires «qu'on ne pourra jamais les reloger», résume Moustapha Benlafkih, agent RATP, très investi sur le quartier. Lorsqu'ils paient, le loyer se monte à 200 euros. Contre 800 euros dans les immeubles coquets reconstruits un peu plus loin dans la cité. Certains ne peuvent y prétendre, d'autres craignent d'être «éloignés» de la ville.

La rénovation urbaine engendre ses remous et ses rumeurs. Beaucoup d'habitants ont en réalité, été relogés sur place, pour parfois reproduire les dérives qu'ils justifiaient lorsqu'ils vivaient dans un logement dégradé. «Le problème ce ne sont pas les bâtiments, mais les gens», assène Franck, un Haïtien, «conscient de sa chance d'être en France». Comme ses amis, la quarantaine, qui passent la journée à La Courneuve, alors qu'ils vivent ailleurs, Franck a la nostalgie de «sa cité». C'est le paradoxe de ces lieux dégradés. Beaucoup veulent les fuir. D'autres ne savent vivre ailleurs. Même s'ils s'inquiètent de cette jeune génération «sans limite», «élevée par des mères seules. S'il manque l'autorité première des pères, plus personne n'y arrive derrière, ni les profs, ni les policiers. Ça va finir comme aux States», craint Franck. Car des armes, «il y en a toujours eu, mais elles étaient tenues par les vrais bandits. Maintenant, avec les jeux vidéo tout le monde se prend pour un caïd.»

» Fermeté policière après la fusillade de La Courneuve

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