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Pour Cleveland, « la Malédiction » durera au moins un an de plus

La défaite des Cavaliers en finale NBA face aux Warriors prolonge la traversée du désert sportive de Cleveland, qui dure depuis 1964. Un coup dur de plus pour cette ville sinistrée.

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Publié le 17 juin 2015 à 11h43, modifié le 17 juin 2015 à 10h58

Temps de Lecture 11 min.

Des supporteurs des Cavaliers après la défaite lors du sixième match de la finale NBA, le 16 juin.

Cette étiquette va rester collée aux moins un an de plus aux doigts de Cleveland. Celle d’une ville maudite, particulièrement en sport. Les Cavaliers, son équipe de basket, avaient l’occasion de l’en débarrasser mais, touchés par la guigne, ils ont cédé face aux Golden State Warriors, favoris objectifs de cette finale, quatre victoires à deux. Pis : la franchise d’Oakland (Californie) a obtenu la victoire décisive sur le parquet de Cleveland, la nuit dernière, 105-97.

L’un des meilleurs basketteurs de l’histoire, LeBron James, était revenu à Cleveland cette saison pour mettre fin à ce que, sur la rive du lac Érié, on appelle « the Curse », « la Malédiction ». Elle a sa page Wikipédia et tient en un chiffre : zéro, comme le nombre de titre de champion remporté par les équipes de Cleveland dans les trois sports majeurs du pays (football américain, baseball et basket) depuis 1964.

» Lire notre reportage : LeBron James, attendu comme le messie à « Miserable City »

Parmi les 15 villes du pays accueillant une franchise dans ces trois sports, Cleveland est la seule qui soit restée bredouille depuis cette date. La probabilité pour que cette disette dure cinquante ans était de 0,4 %, a calculé un mathématicien de la région.

En 1964, le légendaire Jim Brown mena les Cleveland Browns au titre en NFL avant de donner la réplique à Lee Marvin dans Les Douze Salopards (ci-dessous, à 1 min 40 s).

« The Shot », « the Decision »… autant de désillusions

Depuis, c’est le néant. La plupart du temps, les trois franchises, Cleveland Browns (football américain), Cleveland Indians (baseball) et Cleveland Cavaliers (basket-ball), ont été lamentables. Pas une des trois franchises n’a gagné un match sur deux.

  • Les Browns n’ont plus accédé aux playoffs depuis 2003 et n’ont jamais disputé le SuperBowl, créé en 1967 ;
  • Les Indians ont connu une traversée du désert de trois décennies à partir de 1960, au point qu’un film se moquant d’eux a été tourné avec Charlie Sheen ;
  • Les Cavaliers détiennent, à égalité, le record de défaites consécutives d’une franchise en sport américain avec 26 revers lors de la saison 2010-2011. Ils avaient alors battu leur propre record en NBA, puisqu’ils s’étaient arrêtés à 24 défaites d’affilée en 1982 ;
  • Les Cleveland Barons, équipe de hockey sur glace, n’ont existé que deux ans en NHL (1976-1978) et demeurent la dernière franchise de sport américain à avoir disparu.

Quand les équipes de Cleveland ont été en mesure de convoiter un titre, elles ont toujours joué de malchance ou pris des mauvaises décisions. « The Drive », « the Fumble », « the Shot », « the Move », « the Decision » sont, à Cleveland, des expressions associées à une désillusion sportive. Les fans maudissent un mauvais choix tactique, la trahison du propriétaire qui déménage l’équipe à Baltimore, le premier coup de génie de Michael Jordan… et l’infidélité d’un des leurs, LeBron James, lorsqu’il a quitté Cleveland pour Miami en 2010 alors que la franchise jouait enfin les premiers rôles.

« Miserable City »

Cette année ne fait pas exception : sur les trois Cavaliers censés mener Cleveland au titre NBA – LeBron James, le rebondeur Kevin Love et le meneur Kyrie Irving –, deux sont tombés de leur monture. Love s’est blessé au premier tour des playoffs et Irving lors du premier match des finales. Le meilleur joueur du monde était seul, beaucoup trop seul, malgré des statistiques impressionnantes en finale.

LeBron James est revenu dans sa ville pour être celui qui briserait la malédiction de Cleveland et entrer ainsi au panthéon du sport américain. Accessoirement – c’est ce qu’il expliquait dans l’annonce de son retour à Cleveland à travers un texte dans Sports Illustrated – il aimerait rendre à la région un peu de dignité :

« Je veux que les enfants du nord-est de l’Ohio, comme ces écoliers d’Akron [sa ville natale] que j’aide à travers ma fondation, comprennent qu’il n’y a pas de meilleur endroit pour grandir. […] Notre communauté, qui a tant souffert, a besoin de tous ses talents. Dans le nord-est de l’Ohio, rien n’est dû, tout se mérite. Tout se gagne à la sueur de son front. »

LeBron James en conférence de presse après la défaite des Cavaliers au match 6 des finales NBA, 16 juin 2015.

Cleveland est la ville dont on aime se moquer, un peu partout aux Etats-Unis. En sport – « On ne choisit pas Cleveland, ça te tombe dessus », a dit un jour Andy Roddick – mais pas seulement. L’ancienne capitale de la « Manufacturing Belt », victime de la désindustrialisation puis de la crise des subprimes, est désormais surnommée « Miserable City ».

« Cleveland est en mutation. Les Clevelanders aiment leur ville mais ils manquent cruellement d’estime de soi, rappelait au Monde en octobre dernier Greg Deegan, professeur d’histoire auteur d’un livre sur la malédiction sportive de Cleveland. « Alors que le sport a été une béquille dans de nombreuses villes touchées par la crise, à Cleveland, il a au contraire été le symbole de son déclin. »

Des supporteurs fidèles et optimistes, malgré tout

Les supporteurs des trois équipes de Cleveland sont dans ce contexte étonnamment fidèles et résilients. Ils suivent les hauts et, surtout, les bas de leurs franchises avec une forme de fatalité, résumée dans un texte publié en 2013 dans le New York Times par le journaliste de Cleveland John Hyduk :

« En tant que fan de sport à Cleveland, je tiens la devise suivante pour une lapalissade : aussi séduisant soit le projet, aussi élevé soit le choix de draft, quelqu’un finira par planter le truc. (…) Nous cherchons la victoire, comme les emplois, où nous le pouvons. Moi, par exemple, je me réconforte en me disant que ma voiture ne sera jamais renversée par les célébrations suivant un titre de champion. »

Comme les Indians, les Browns ou les Cavaliers sont tous passés, une année ou l’autre, tout près du titre de champion, les supporteurs s’accrochent. Avec une devise : « Il y a toujours l’année prochaine. » L’un des sites de sport les plus populaires à Cleveland s’appelle d’ailleurs « Waiting for next year » (« En attendant l’année prochaine »).

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C’est aussi ce que réclame, dans son éditorial suivant la défaite, le grand journal de la ville, The Plain Dealer, relevant que les Cavaliers ont joué de malchance mais rendu fiers leurs supporteurs :

« [Cette saison] doit être une source de fierté pour une ville qui, comme les Cavs, compte. Il ne faut pas fêter les défaites. Ce serait un mauvais message. Mais les joueurs, eux, doivent être encouragés et célébrés. (…) Ces athlètes ont mené les Cavs plus loin que jamais dans l’histoire de la franchise. Sérieusement : attendez juste l’année prochaine. »

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