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A Taipei, l'accord de libre-échange sino-taïwanais provoque la colère des étudiants

Un pacte avec la Chine donnant notamment à Pékin un plus grand accès au secteur des services inquiète la jeunesse taïwanaise qui dénonce un rapprochement avec Pékin. Le Parlement est occupé.

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Publié le 20 mars 2014 à 15h42, modifié le 24 mars 2014 à 17h38

Temps de Lecture 3 min.

Des étudiants devant les forces de l'ordre, le 20 mars à Taipei.

C'est un cri du cœur. Des centaines d'étudiants taïwanais ont envahi mardi soir le Parlement à Taipei pour protester contre le passage en force au Yuan législatif d'un pacte avec la Chine donnant à Pékin un plus grand accès au secteur des services dans la cadre d'un accord de libre-échange, l'ECFA, signé en 2010. Ils étaient toujours retranchés à l'intérieur jeudi 20 mars, dans un joyeux campement bigarré, dont les photos sont relayées en continu sur les réseaux sociaux. Certaines banderoles crient à la « démocratie piétinée », d'autres s'offusquent de la « vente de Taiwan » [à la Chine].

Les entrées de l'amphithéâtre ont été bloquées par des empilements de chaises. Un compteur formé de grandes feuilles de papier épinglées en bas du portrait de Sun Yat-sen [un des fondateurs du Kuomintang, KMT] marque les heures depuis le début de l'occupation du parlement. Ce printemps taïwanais inattendu a même attiré à lui les deux vétérans de Tiananmen en exil à Taiwan, Wuer Kaixi et Wang Dan, venus se faire photographier parmi les jeunes indignés taiwanais. Quant au magazine du groupe de médias Next, connu pour son approche sensationnaliste et contestataire des affaires courantes, il n'a pas hésité a publié jeudi un numéro hors-série sur la « révolution de jasmin à Taiwan ».

Occupation du Parlement taïwanais, sous le portrait de Sun Yat-sen, l'ex-président provisoire de la République de Chine, le 20 mars.

Les étudiants, que la police n'a pas réussi à déloger mercredi, ont réitéré aujourd'hui l'ultimatum de vendredi midi au président Ma Ying-jeou, héraut du rapprochement entre les deux rives du détroit de Formose, afin qu'il « renvoie à la Chine » ce pacte dont ils ne veulent pas.

« SANCTUAIRE DE L'ENTREPRENARIAT »

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Dans une déclaration relayée jeudi matin par le Taipei Times, ils ont fait part de leurs inquiétudes pour ce « sanctuaire de l'entreprenariat » qu'est Taiwan, où « de jeunes gens peuvent réaliser leurs rêves en ouvrant des cafés ou bien des ateliers et devenir leur propres patrons en travaillant dur ». En cause, des sociétés chinoise « qui ont accès à des réserves abondantes de capital et sont intégrées verticalement » — menaçant en quelque sorte de les dévorer tout cru.

Etat souverain et indépendant de facto, Taiwan est contraint par l'appétit de sa voisine communiste pour une réunification dont elle veut avoir le dernier mot, et par les ambiguïtés de son passé de base de repli pour les troupes défaites de Chiang Kai-shek à partir de 1949.

Des étudiants taïwanais occupent le Parlement, le 20 mars à Taipei.

La ratification par le Parlement du volet service de l'ECFA est une épine dans le pied de l'administration KMT au pouvoir depuis 2008 : celle-ci souhaite le faire approuver en bloc au Parlement, alors que l'opposition – dont le principal parti est le DPP (Parti démocrate progressiste, en français) – exige que chaque clause fasse l'objet de discussions et éventuellement de renégociations avec Pékin.

MOROSITÉ ÉCONOMIQUE

Le feuilleton accapare la vie politique depuis plusieurs mois, sur fond de morosité économique. Il a fait plonger la cote de popularité du président Ma à moins de 10 % : réélu pour un second mandat en 2012, celui-ci est écartelé entre l'impatience chinoise (le pacte des services a été signé en juin 2013 à Shanghai, mais ne peut entrer en vigueur sans l'accord du Parlement de Taiwan), la fronde au sein même de son parti, et la stratégie d'obstruction que mène au parlement le DPP, minoritaire.

C'est l'arrêt arbitraire des discussions sur le pacte des services lundi et l'annonce d'un vote éminent qui a mis le feu aux poudres. Des groupes de manifestants qui s'étaient rendus devant le Parlement ont alors forcé les entrées dans la soirée, puis se sont installés. Le DPP a ensuite pris le train en marche menaçant de mobiliser ses manifestants en soutien des étudiants si ceux-ci étaient délogés par la force.

Il s'agit certes d'une « usurpation du processus démocratique » réagit Jean-Pierre Cabestan, de l'université Baptiste à Hongkong, mais elle traduit « un malaise, une méfiance par rapport aux Chinois, une frustration grandissante chez les jeunes aux salaires qui stagnent, et la distance qui s'est formée entre une élite déconnectée et cette jeunesse dont la volonté d'en découdre s'est incarnée dans toutes sortes de mouvements civiques ces dernières années ».

Selon la tournure que prennent les évènements, le mouvement d'occupation du Parlement pourrait bien faire revenir sur le devant de la scène la question identitaire, toujours sous-jacente dans cette île-Etat à l'avenir politique ambigu, où l'on se méfie de l'affection un peu étouffante du dragon d'à côté. 

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