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Qualification du PSG : doit-on parler d'exploit ?

Le terme est-il galvaudé pour désigner la qualification du PSG sur le terrain de Chelsea en Ligue des champions mercredi soir ?

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Publié le 12 mars 2015 à 11h47, modifié le 13 mars 2015 à 07h21

Temps de Lecture 6 min.

Débat houleux jeudi matin à la rédaction du service des sports : faut-il parler d'exploit pour désigner la performance du Paris-Saint-Germain, qualifié  pour les quarts de finale de Ligue des champions à l'issue d'un match nul (2-2) contre Chelsea, ou est-ce donner trop d'importance à la prestation parisienne ? Arguments pour et contre.

Lire aussi : Ligue des champions : le PSG réussit l’exploit contre Chelsea

Un match qui remplit tous les critères de l'AOC « Exploit »

Mercredi soir à 22 h 30, j’ai reçu un SMS d’un ami supporteur bordelais, farouchement antiparisien et très peu porté sur l’unanimisme patriotique qui saisit certains amateurs de foot les soirs de Coupe d'Europe. C'était un aveu un peu honteux :

« Putain, je suis pour Paris. »

Voilà de quel bois était fait le combat de Stamford Bridge. Un match devant lequel on se surprend – sauf à être un pisse-froid de l'espèce du collègue auteur des lignes ci-dessous – à soutenir une équipe que l'on déteste parce qu'il se joue indéniablement, sous nos yeux, un haut fait du football français de clubs.

Le label d'exploit se mérite. Si on se met à le distribuer à tort et à travers, il deviendra une appellation galvaudée et on aura autant de chances de tomber sur une piquette que sur un grand cru. Par conséquent, il obéit à une charte bien précise qui permet de dire, par exemple, que la victoire du PSG contre le FC Barcelone en match de poules (3-2) n'était pas un exploit mais que la qualification arrachée à Londres par deux têtes brésiliennes en est un. Il faut réunir les trois critères ci-dessous :

  • Un scénario. Le PSG, n'a, sur cent vingt minutes de jeu, été qualifié que lors des six dernières et a été éliminé durant cent quatre minutes (les dix manquantes l'envoyaient aux tirs au but). Il a, surtout, joué à dix pendant une heure et demie à la suite de l'expulsion de sa star, Zlatan Ibrahimovic. Etre réduit à dix n’est pas un désavantage ? Demandez aux Ukraino-Brésiliens du Chakthar Donetsk, en infériorité numérique depuis la troisième minute et repartis de Munich avec sept buts encaissés dans leurs valises.
  • Une infériorité supposée. Chelsea, net leader de Premier League et bourreau du PSG en quarts de finale de la Ligue des champions l'an passé, partait avec une longueur d'avance sur les Parisiens. En termes d'expérience et de densité de l'effectif, le club anglais est plus grand que le français, pour l'instant forcé de « dream bigger », autrement dit de lever la tête pour apercevoir les grands d'Europe. Ce critère est extrêmement frustrant pour les supporteurs des ténors européens. Difficile, par exemple, pour le Barça de Guardiola de se targuer d'un exploit dans un match étant donné qu'il était supérieur dans tout ce qui se faisait en Europe. 
  • Un match à enjeu. C'est évidemment le cas ici. Peu importe que ce ne soit qu'un huitième de finale de Ligue des champions : dans l'imaginaire collectif, ce match s'imprimera plus facilement que la finale de la Coupe des Coupes remportée aux dépens du Rapid de Vienne (1-0, 1996). Le PSG avait joué avec plus de brio au match aller face à Chelsea l'an passé (3-1), mais ce n'était qu'une première manche. Pas question de parler d'exploit. Pas plus que pour la superbe victoire contre le Barça cette saison en poules, pour celle contre le Bayern Munich en 2000 ou pour le pourtant inoubliable 3-0 du Parc des Princes face à Liverpool en 1997.

Dans le cas de Chelsea-PSG, la dimension du match est rehaussée par le rejet qu'inspirent les Blues, notamment leur entraîneur José Mourinho et quelques joueurs à la mine patibulaire et au comportement truqueur sur le terrain, comme Diego Costa et Cesc Fabregas. Ce n'est pas ce qui fait de la qualification un exploit, ça la rend juste encore plus savoureuse.

Clément Guillou

Une belle performance, c'est déjà beaucoup

Si l'on se fie à la première définition du Larousse, « action d'éclat manifestant d'un grand courage », alors la qualification des Parisiens face à Chelsea, à Stamford Bridge, mérite bien le titre d'exploit. Réduits à dix dès la première demi-heure de jeu, les joueurs de Laurent Blanc ont fait preuve d'un courage et d'une abnégation remarquables pour tenir à dix contre les Anglais. Ces constats ne sauraient être contestés, à moins d'être un inconditionnel supporteur de Chelsea, ou de Marseille, et d'être doté d'une bonne dose de mauvaise foi.

Et pourtant. La prise de recul face à l'émotion, légitime, qu'a apportée aux spectateurs ce huitième de finale retour, invite à relativiser la notion d'« exploit ». L'expulsion de Zlatan Ibrahimovic, pour beaucoup, conduirait à grandir la performance de ses coéquipiers. C'est vrai et faux à la fois. Vrai, car il ne fallait pas s'effondrer après ce coup du sort. Mais faux, car cela a aussi désinhibé les joueurs PSG. A dix contre onze, ils n'avaient plus grand-chose à perdre, et personne ne leur aurait reproché une élimination en infériorité numérique face au leader de la Premier League. Une bonne partie de la pression qui pesait sur eux s'est alors envolée, et José Mourinho l'a souligné à la fin de la rencontre, entre autres arguments relevant davantage de la mauvaise foi.

Surtout, l'entraîneur portugais, longtemps bête noire des clubs français et du PSG, qu'il avait éliminé la saison précédente, s'est avéré le principal artisan de la qualification parisienne. Comment, lorsque l'on possède des joueurs offensifs aussi talentueux qu'Eden Hazard, Oscar, Willian, ou Diego Costa – puis Drogba, sorti du banc –, peut-on pratiquer un jeu aussi frileux ? Si les Parisiens ont eu le mérite de ne pas baisser les bras - ni de lever le pied - après l'expulsion de Zlatan Ibrahimovic, c'est avant tout parce que leur adversaire ne leur a jamais mis une pression insoutenable.

Les joueurs de Chelsea ont semblé refuser de profiter pleinement de l'avantage que leur offrait leur domination numérique. Le prisme défensif de Chelsea, une constante des équipes entraînées par Mourinho et qui lui a valu parfois des succès pas toujours mérités, est cette fois-ci devenu le meilleur allié des coéquipiers de Blaise Matuidi. « On mérite d'être punis », a d'ailleurs reconnu le coach des Blues.

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Enfin, la performance des Parisiens mérite d'être contextualisée. En obtenant un match nul au goût de victoire à Londres, les Parisiens n'ont fait « que » se qualifier pour les quarts de finale. Un joli parcours, certes, d'autant plus remarquable que le Paris des Qataris n'avait jusqu'alors connu que des éliminations frustrantes – sans être honteuses, loin de là – en Coupe d'Europe.

Mais le trophée de la Ligue des champions, objectif assumé du club d'ici à 2018, reste encore lointain. A partir de quel stade de la compétition peut-on parler d'exploit ? Le débat reste ouvert. Ceux qui utilisent ce terme soulignent en creux que Paris n'est pas encore devenu un « grand d'Europe » : utiliserait-on le même mot si Barcelone, le Real Madrid ou le Bayern Munich, même réduits à dix, parvenaient à éliminer Chelsea en huitièmes ? La réponse est évidente : non.

Définir la qualification de Paris face à Chelsea comme un exploit participe de la généralisation des superlatifs. On glorifie, on « héroïse » – un « Héroïques », en majuscules taille XXL, barre la « une » de L'Equipe du jour pour saluer le « Monumental exploit » des Parisiens – en oubliant parfois qu'il reste encore cinq matchs à disputer avant un hypothétique titre continental, et que les Parisiens ne tomberont pas toujours sur une équipe aussi prudente que Chelsea.

Parler d'exploit revient à galvauder le terme, déjà utilisé face au Barça, en phase de poules. Le sport invite souvent à ces excès de langage. Mais quels mots nous restera-t-il si les hommes de Laurent Blanc parviennent en finale après avoir éliminé le Bayern et le Barça ?

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