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Directeur adjoint de la rédaction et cofondateur de Marianne, Nicolas Domenach s'en va. Il vient de rendre publique cet après-midi une lettre qui officialise son départ. La nouvelle direction de l'hebdomadaire lui avait demandé de cesser ses collaborations télévisuelles (La Nouvelle Édition sur Canal+ et Ça se dispute sur i>télé). Une façon de le pousser vers la sortie, tant ce journaliste de 60 ans était depuis des années la voix de Marianne dans les médias. Dans sa missive, il tient d'abord à saluer tous ceux qui ont contribué à faire le succès de ce magazine iconoclaste et libre.
"Nous avons inventé et porté haut un hebdo indépendant, innovant, d'une incroyable liberté de ton et de plume contre toutes les puissances installées. Elles ont eu peur de nous, et nous pouvons en être fiers, tous, de la rédaction à l'administration, de la diffusion à la maquette en passant par la correction, des abonnements à la pub, de la photo au SR, sans oublier notre veilleur de nuit !"
Plus loin, Nicolas Domenach lève un coin du voile sur la lourde ambiance qui règne au sein du journal. "La direction aurait fait courir le bruit insane que j'aurais méprisé, et pire encore détesté, ceux qui ont participé à ce journal, à cette entreprise salvatrice. Rien de plus faux, rien de plus éloigné de mon esprit, j'ai travaillé main dans la main avec cette rédaction, à presque tous les échelons, et j'ai toujours obéi à toute demande, à toute commande. J'ai simplement regretté, c'est vrai, qu'on ne salue pas avec un peu de chaleur ceux qui avaient lancé notre journal et qui en sont partis, quels que soient les conflits et les torts respectifs..." Et de conclure par une phrase chargée de sens : "Sachez que, comme vous, je me fais un sang d'encre."
Après Maurice Szafran et Laurent Neumann, Nicolas Domenach est le troisième de l'équipe fondatrice de Marianne à quitter le navire. Aude Lancelin, ancienne patronne des pages culture, a été nommée au printemps numéro deux de la rédaction du Nouvel Observateur.
Voici l'intégralité de la lettre de départ de Nicolas Domenach :
Cher(e)s ami(e)s,
Merci et salut,
Comme vous le savez, la direction a voulu m'interdire de parole sur Canal+. Au nom de nos valeurs fondatrices, je n'avais donc plus d'autre choix que de reprendre ma liberté. La rupture n'est pas de mon fait, mais la situation était devenue insupportable.
Ce choix, sachez-le, m'est douloureux, et j'ai longtemps hésité. Car, dans le sillon de L'Événement du Jeudi, que j'ai aussi tant aimé, la création et la réussite de Marianne, avec Jean-François Kahn, avec Maurice Szafran, avec Laurent Neumann, avec vous et tant d'autres encore, furent pour nous un rêve. Un rêve que nous avons mené à bien. Reconnaissons-le : jamais nous n'avions osé imaginer une telle réussite. Nous l'avons fait, tous ensemble. Soyons-en heureux, et même orgueilleux. D'un humble orgueil, car il faut toujours tout recommencer, repenser, réimaginer !
Nous avons inventé et porté haut un hebdo indépendant, innovant, d'une incroyable liberté de ton et de plume contre toutes les puissances installées. Elles ont eu peur de nous, et nous pouvons en être fiers, tous, de la rédaction à l'administration, de la diffusion à la maquette en passant par la correction, des abonnements à la pub, de la photo au SR, sans oublier notre veilleur de nuit ! Tous ensemble, oui..., nous avons créé une communauté d'esprit qui a compté dans l'histoire médiatique, intellectuelle et politique. Si certains l'oublient, Nicolas Sarkozy, lui, s'en souvient encore. La lutte contre la pensée unique, la défense acharnée de l'idéal européen, la dénonciation du nationalisme et de l'extrême droite, c'est tout cela, et bien d'autres choses encore, Marianne. Bien plus qu'une marque, une aspiration, un défi, un appel à l'imaginaire comme à l'espérance concrète. Une exigence : ne nous laissons pas, ne nous laissons jamais abuser.
La direction aurait fait courir le bruit insane que j'aurais méprisé, et pire encore détesté, ceux qui ont participé à ce journal, à cette entreprise salvatrice. Rien de plus faux, rien de plus éloigné de mon esprit, j'ai travaillé main dans la main avec cette rédaction, à presque tous les échelons, et j'ai toujours obéi à toute demande, à toute commande. J'ai simplement regretté, c'est vrai, qu'on ne salue pas avec un peu de chaleur ceux qui avaient lancé notre journal et qui en sont partis, quels que soient les conflits et les torts respectifs... Car c'est tous ensemble que nous avons investi tant d'énergie depuis ce garage mal éclairé, tant de jours, tant de nuits, tant de week-ends pour écrire l'histoire et la faire avec notre esprit frondeur et collectif. Bien sûr, il y eut des orages, des grêles de disputes, des tempêtes claniques, mais nous avons toujours su nous rassembler, quand il le fallait, et donner le meilleur de nous-mêmes dans les instants décisifs. Notre âme transcendait les clivages. Qu'elle puisse demain, cette âme, continuer d'animer notre communauté, c'est tout ce que je souhaite.
Je vous salue avec amitié et fidélité. Fidélité à tout ce que nous avons défendu. En cédant à des oukases absurdes, j'aurais abdiqué, et cela, ce n'était pas possible.
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Cette rupture m'attriste et m'affecte. Mais elle m'a été imposée. Je sais, et j'en suis heureux, que je n'ai pas oeuvré en vain au milieu de vous. Vous pouvez être certains que je ne renoncerai jamais à nos idéaux. Je vous remercie pour ce qui fut avant tout une belle histoire d'amour. Sachez que, comme vous, je me fais un sang d'encre.
Nicolas Domenach
On ne peut qu'être catastrophé des commentaires plus médiocres les uns que les autres qui s'expriment dans ces courriers..., tout en espérant qu'ils ne reflètent pas l'opinion des lecteurs du Point. Le qualificatif Bobo est devenu une insulte ! JM Domenach est un grand journaliste et ses tribunes avec Zemour étaient amusantes, iconoclastes et instructives.
Un non évènement ! Qui est-il et à quoi sert -il ? à l'évidence il va rejoindre l'équipe d'éternels adolescents de canal... et sera sans doute mieux payé. Celà ne justifait pas une lettre publique et tant de fausses émotions ! Ces gens ne maîtrisent pas leur égo et feraient mieux de se poser cette question simple : en dehors d'amuser le peuple tel un comédien à quoi je sert ?
Le jeudi 24 juillet 2014 nous quitte et que personne ne le pleure ? Il ne reviendra plus.