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Présentée lors du salon Navexpo de Lorient, au printemps dernier, la toute nouvelle pilotine en composite de 14.5 mètres développée par le chantier finistérien Sibiril Technologies et l’architecte Pierre Delion vient de remporter son premier succès commercial. C’est la station de la Seine qui a été séduite par le dernier-né d’une gamme équipée d’une propulsion IPS de Volvo Penta et conçue pour pouvoir effectuer par tous les temps les missions d’une unité plus grande. La future pilotine normande, livrable au printemps 2018, a ainsi pour ambition d’égaler les performances d’une vedette d'au moins 16 mètres.

Succès de la première vedette cherbourgeoise

Le premier modèle de ce type dessiné par Pierre Delion et réalisé par Sibiril Technologies a été livré en 2014 aux pilotes de Cherbourg. Une vedette de 12 mètres optimisée pour pouvoir effectuer le travail d’un bateau de 14 mètres. « La CH4 a été imaginée pour pouvoir sortir par beau et mauvais temps, avec comme objectif que ce soit la dernière vedette à rentrer au port quand les conditions météo sont difficiles. Les pilotes de Cherbourg avaient initialement prévu de s’en servir en appui de leurs plus grosses vedettes mais, finalement, la CH4 est utilisée 70% du temps et la station a réalisé une économie de carburant de 50% par an », se félicite Tristan Pouliquen, président du Directoire de Sibiril Technologies.

 

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© SIBIRIL TECHNOLOGIES

La pilotine CH4 de la station de Cherbourg (© SIBIRIL TECHNOLOGIES)

Un bateau sûr, robuste et économe

Pour y parvenir, un important travail a été mené sur le design, avec une carène adaptée à la navigation par tous les temps, une judicieuse répartition des masses offrant au bateau une excellente assise et lui permettant de bien franchir la mer. « Le dessin de la carène ne doit pas être dicté par ce que l’on a envie de voir mais ce dont on a besoin. Le centre de gravité est par exemple très important sur le longitudinal et, quand on conçoit un bateau, on commence par positionner ce centre de gravité, autour duquel on dessine la carène en fonction des caractéristiques souhaitées », souligne Pierre Delion. Si la nouvelle gamme développée en collaboration avec Sibiril constitue une belle avancée, l’architecte, comme tout professionnel de la mer, aime la technologie mais avant tout la sécurité, l’efficacité et la robustesse : « Les professionnels ont besoin de bateaux performants, économes et fiables, dans lesquels ils ont confiance. Les innovations doivent donc s’intégrer dans l’expérience acquise et il ne peut y avoir aucune concession sur les fondamentaux. Avec ces nouvelles pilotines, nous avons travaillé sur design optimisé, une carène tous temps et la recherche des bons compromis entre la taille, la robustesse, la motorisation et la tenue à la mer. Le résultat, ce sont des bateaux compacts,  plus économes à la construction et offrant des coûts d’exploitation réduits tout en conservant de l’espace à bord avec, par exemple, la possibilité d’être debout partout à l’intérieur ».

Pour pouvoir présenter les mêmes qualités que des bateaux plus gros, ces nouvelles pilotines sont, en fait, légèrement plus lourdes que des unités de taille équivalente. La CH4 affiche par exemple une masse de 11.8 tonnes à pleine charge. « Pour obtenir une bonne assise et permettre de bien passer les vagues, le déplacement est très réfléchi. Ce ne sont pas des bateaux légers, ils sont un peu plus lourds que les autres dans cette catégorie afin de pouvoir être utilisés par tous les temps ».

Ce poids supérieur n’est, cependant, pas rédhibitoire en termes de consommation, bien au contraire explique Tristan Pouliquen : « L’objectif est de pouvoir utiliser des bateaux plus petits donc les gains de consommation se font par rapport aux unités plus grandes auparavant utilisées, comme les 14.5 mètres à Cherbourg, remplacées la majorité du temps par la CH4 de 12 mètres ».

 

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© VOLVO PENTA

(© VOLVO PENTA)

Les atouts de l'IPS de Volvo Penta 

La motorisation est, également, l’une des clés de ces pilotines de nouvelle génération, équipées de l’IPS 2. Développé par de Volvo Penta il y a une douzaine d’années, ce concept consiste en un pod monté sur une embase en forme de Z, qui permet de se dispenser de safrans et génère un encombrement moindre dans la coque du fait de l’absence de lignes d’arbres. Doté d’une double hélice contrarotative, le système est conçu pour offrir la même poussée qu’une hélice classique au diamètre deux fois plus important. « C’est une propulsion qui apporte une vivacité et une manoeuvrabilité exceptionnelles. Elle permet aux bateaux d’aller très vite et d’être extrêmement agiles, ce qui est aussi un gage de sécurité », insiste Tristan Pouliquen. Les gains en consommation sont également très appréciables, puisqu’ils atteindraient 25 à 30%. « Ces moteurs sont puissants et bons en consommation car ils présentent une bonne courbe et un bon régime économique entre 60 et 85% de charge, le matériel respire, la transmission n’est pas sollicitée outre mesure… Une grosse motorisation permet aux équipements de moins fatiguer, de mieux vieillir et donc d’avoir une longévité accrue, ce qui est aussi source d’économies », précise Joël Haber, de Volvo Penta.

Réduire la consommation de 30%

C’est donc sur la base de tous ces atouts que les pilotes de la Seine ont décidé de commander le premier modèle de 14.5 mètres de la gamme Sibiril/Delion. Equipée de deux IPS 2 avec moteurs D11 d’une puissance de 510 cv, elle pourra atteindre 30 nœuds, avec l’objectif de réduire la consommation de 30% par rapport à une pilotine de même taille équipée de lignes d’arbres. « Nous avons une collaboration de longue date avec Sibiril qui remonte à l’après-guerre et trouve son origine dans le fait que le fondateur du chantier et des pilotes de la Seine avaient été faits Compagnons de la Libération », rappelle en préambule le pilote d’armement de la station de la Seine, qui travaille de Rouen à l’estuaire du fleuve, ainsi qu’à Caen-Ouistreham et Dieppe, avec en tout 10 vedettes, 56 pilotes et 46 salariés, dont 30 marins. « Nous avons régulièrement besoin de renouveler nos moyens et lorsque nous avons vu la carène de la pilotine de 12 mètres réalisée pour Cherbourg, cela nous a titillé », sourit Jérémy Gounet.

 

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© FABIEN MONTREUIL

La pilotine Phaeton, livrée par Sibiril en 2015 (© FABIEN MONTREUIL)

Vers une standardisation de la flotte

La station a, en plus, la volonté d’homogénéiser son matériel afin d’optimiser les achats et la maintenance. « Nous essayons de standardiser notre flotte et nous espérons que ce nouveau modèle conviendra, sachant que nous faisons en moyenne construire une nouvelle pilotine tous les trois ans ». En attendant de pouvoir décliner une flotte basée sur une même gamme, la station a, dans un premier temps, entrepris de standardiser sa propulsion autour de la solution IPS. Elle a en effet été la première, en France, à adopter le système de Volvo avec le Colibri, pilotine de 12 mètres livrée en 2012 par le chantier Alumarine de Couëron, près de Nantes. Forts de cette première expérience, les pilotes ont ensuite commandé à Sibiril la Phaeton (16.8 mètres), entrée en service en 2015 et adoptant un design Geronimo. « Le retour fut très bon et nous avons réalisé de vraies économies. Au début, nous avions d’ailleurs choisi l’IPS pour les gains en gasoil mais nous nous sommes rendu compte à l’usage qu’il y avait aussi un réel avantage en termes de maintenance. Le changement d’un pied d’IPS cela ne prend que quatre heures et, en une journée seulement, on peut tout démonter et remettre le bateau à l’eau. En cas de problème, le temps d’indisponibilité de la vedette est donc très réduit ».

 

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© SIBIRIL TECHNOLOGIES - ARCHI DELION

La pilotine de 12 mètres commandée par la station du Havre (© SIBIRIL TECHNOLOGIES / ARCHI DELION)

Mutualisations avec d’autres stations

En dehors de la Seine, l’IPS est donc en service à Cherbourg, mais aussi à Dunkerque depuis 2016 et la livraison par Sibiril d’une pilotine de 13.5 mètres. Le Havre adoptera également cette technologie cette année avec un modèle de 12 mètres dérivé de la CH4 cherbourgeoise, que le chantier de Carantec doit livrer fin mars. Le développement de la propulsion IPS incite d’ailleurs certaines stations à collaborer pour mettre en place un soutien commun. « Il y a un vrai enjeu sur ce mode de propulsion innovant et nous réfléchissons à pouvoir mutualiser les coûts de maintenance sur différentes stations. Nous avons dans cette perspective beaucoup d’échanges avec Dunkerque et Cherbourg », explique Jérémy Gounet, sachant que la station de la Seine vient de conclure un accord avec Volvo pour sa base de Rouen. « L’objectif est d’apporter un soutien logistique et de former les équipes techniques de la station pour qu’elles aient la connaissance du produit et puissent en assurer la maintenance courante », précise Joël Haber.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Pierre Delion, Jérémy Gounet, Joël Haber et Tristan Pouliquen (© MER ET MARINE - V. GROIZELEAU)

Un marché très prometteur

Alors que l’IPS, qui va bientôt compter un quatrième modèle, équipe désormais selon Volvo 60% des bateaux de plaisance neufs, une communauté est donc en train d’émerger en France au niveau des professionnels, qui sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à cette propulsion pour les unités rapides, et pour lesquels le motoriste développe des modèles adaptés. Une tendance sur laquelle Sibiril et Pierre Delion ont bien l’intention de surfer, notamment grâce à leur nouvelle gamme commune de pilotine. Avec non seulement le marché hexagonal en ligne de mire, mais aussi l’export, confirme Tristan Pouliquen. « Nous regardons avec beaucoup d’attention ce qui se passe à l’international et la pilotine de 14.5 mètres commandée par la station de la Seine sera une nouvelle référence pour la gamme que nous développons avec Pierre Delion. En plus, on constate que cette longueur correspond à la taille des bateaux utilisés dans de nombreux pays ».

 

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