Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Après avoir censuré une photo de la guerre du Vietnam, Facebook fait machine arrière

La première ministre norvégienne et le plus grand quotidien norvégien avaient reproché au réseau social d’avoir supprimé unilatéralement la célèbre photographie.

Par  et

Publié le 09 septembre 2016 à 10h41, modifié le 10 septembre 2016 à 12h40

Temps de Lecture 4 min.

La « une » du journal norvégien « Aftenposten » accusant Facebook de censure.

« Alors que j’étais dans l’avion entre Oslo et Trondheim, Facebook a supprimé un post de ma page Facebook. » Vendredi 9 septembre dans l’après-midi, la première ministre norvégienne, Erna Solberg, a fait état sur le réseau social d’un nouveau cas de censure de la part de Facebook, dans une affaire qui commence à prendre des proportions importantes en Norvège. Elle avait voulu, en publiant une photo, soutenir une démarche hors du commun du plus prestigieux quotidien norvégien.

Le matin, la « une » de l’Aftenposten était barrée d’une accusation grave. Espen Egil Hansen, son rédacteur en chef, s’adressait à Mark Zuckerberg, le patron du réseau social, pour avoir censuré la photographie de la « fillette au napalm ».

Cette image, prise il y a quarante-quatre ans par le photographe Nick Ut quelques semaines avant la fin de la guerre du Vietnam, tout le monde la connaît. Un groupe d’enfants court sur une route, près de Trang Bang, au nord de Saïgon, fuyant un bombardement au napalm. Au centre, une fillette, nue, gravement brûlée, le visage tordu par la douleur. La photo fera le tour du monde et vaudra à son auteur un prix Pulitzer, la récompense la plus prestigieuse du journalisme américain.

Vendredi en fin de journée, le réseau social a finalement choisi de faire machine arrière. « Nous reconnaissons l’importance historique et mondiale de cette image », a dit un porte-parole. « Nous avons décidé de rétablir l’image sur Facebook là où nous sommes au courant qu’elle avait été retirée », a-t-il ajouté, précisant que des ajustements pourrait prendre quelques jours avant que la photo puisse être de nouveau partagée. Samedi, Facebook avait rétabli la publication de protestation de la première ministre norvégienne.

« Vous abusez de votre pouvoir »

Tout commence il y a quelques semaines, lorsqu’un écrivain norvégien partage l’image, ainsi que plusieurs autres, sur Facebook. L’image est retirée par le réseau social et l’écrivain est même temporairement banni après avoir critiqué la décision de retirer l’image.

L’Aftenposten publie ensuite la même image. Mercredi, un message de Facebook parvient au quotidien, rappelant que le réseau social « place des limites sur la nudité, afin de limiter l’exposition des différentes personnes utilisant Facebook à du contenu sensible » et lui demandant de « retirer ou de pixéliser » l’image. « Moins de vingt-quatre heures » plus tard, écrit M. Egil Hansen, Facebook a supprimé de lui-même la photo du compte du journal norvégien.

« Je vous écris cette lettre pour vous avertir que je n’obéirai pas à votre demande de retrait, écrit le rédacteur en chef. Pas aujourd’hui, ni dans le futur. Je pense que vous abusez de votre pouvoir et j’ai du mal à croire que vous y avez vraiment réfléchi. » Et de poursuivre : « Je suis fâché, déçu, et même effrayé de ce que vous êtes sur le point de faire subir à un pilier de notre société démocratique. (…) Les médias ont la responsabilité de réfléchir à ce qu’ils publient, au cas par cas. Cela peut être une lourde responsabilité. (…) Ce droit et ce devoir, que tous les journalistes du monde doivent exercer, ne devraient pas être sapés par un algorithme codé dans votre bureau californien. »

Après la publication de l’Aftenposten, la première ministre, Erna Solberg, avait soutenu la démarche du quotidien et défié Facebook en publiant, à son tour, la fameuse photo. « Ce que Facebook fait en supprimant des photos de ce type, aussi bonnes soient leurs intentions, c’est d’éditer notre histoire commune », a-t-elle écrit après avoir vu son billet supprimé. « J’espère que Facebook saisira cette occasion pour examiner sa politique rédactionnelle. »

Le Monde
Offre spéciale étudiants et enseignants
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 9,99 €/mois au lieu de 11,99 €.
S’abonner

L’entreprise a tenté de son côté de se défendre. « Si nous reconnaissons que cette photo est iconique, il est difficile de faire une distinction et d’autoriser la photo d’un enfant nu dans un cas et pas dans d’autres », a déclaré une porte-parole de Facebook.

Cette virulente charge du quotidien norvégien survient à un moment très particulier pour Facebook, dont le rapport avec l’information et les médias est au centre des attentions.

Récemment, Facebook a décidé de se séparer des humains qui sélectionnaient les sujets apparaissant dans la section montrant les informations les plus discutées sur le réseau pour confier cette tâche à des algorithmes (et qui ont déjà laissé passer une information fausse).

La politique de modération des contenus est régulièrement pointée du doigt pour sa rigidité et son incohérence, notamment en ce qui concerne la nudité.

Plus largement, le pouvoir de Facebook dans l’accès à l’information et son rôle dans la formation des idées politiques ou dans la propagation de fausses informations effraient de plus en plus. Il est reproché au réseau social d’enfermer ses utilisateurs dans une bulle en ne les exposant qu’à des idées ou à des informations dont ils se sentent déjà proches, jouant un rôle de « rédacteur en chef » qui relaierait non pas des informations pertinentes, mais celles qui sont le plus susceptibles d’être partagées.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.