En mars, il arpentait les murs immergés d’un barrage hydro-électrique. Début novembre, il était jeté dans le grand bain, en Méditerranée, au-dessus de la Lune, l’épave d’un vaisseau de Louis XIV perdu en 1664. Quelques semaines plus tard, le voilà de retour au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (Lirmm), coincé dans une piscine de jardin à l’eau douteuse qu’il partage avec un autre prototype… pour le moment. Car l’un de ses inventeurs, Vincent Creuze, parle déjà de le remplacer. Il voit plus gros, plus fort, différent. Et ce, dès l’année prochaine.
Ainsi donc, celui qu’en novembre Michel L’Hour, directeur du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm), a surnommé Speedy n’est pas près de revoir la Lune. Qu’importe, il restera dans les annales comme le premier robot archéologue sous-marin de l’histoire. Le premier d’une lignée appelée à proliférer et à se développer d’ici 2020.
« L’idée de créer un robot archéologue sous-marin est ancienne », attaque Michel L’Hour. Elle a germé en 1998, non loin de Bornéo, lors de la fouille d’une épave du XVe siècle, au sultanat de Brunei. « Elle était située à 64 mètres de fond, dans une eau particulièrement turbide. » Ce chantier, très complexe, mobilisa 172 spécialistes, un robot et des submersibles pendant trois mois. Un succès, mais qui, par effet de contraste, pointe à l’époque les défauts de l’archéologie sous-marine un peu profonde qui manque de matériels et d’autonomie.
Aussi, lorsque Michel L’Hour prend la direction du Drassm, il fait construire un navire apte à servir de support pour des fouilles robotisées. Ce sera le Malraux, mis en service en 2012. Mais ce n’est pas tout. Il voit plus profond. « Aujourd’hui, pour effectuer des fouilles sous-marines dignes de ce nom, il faut nécessairement recourir à des plongeurs. » Un travail de longue haleine qui, après 60 mètres, n’est plus vraiment envisageable à cause des paliers de décompression qui allongent la durée des plongées et raccourcissent le temps de présence au fond.
« Pendant longtemps, cette limite n’était pas problématique : il y avait déjà tant à faire à faible profondeur, explique Michel L’Hour. Le patrimoine profond pouvait bien encore attendre quelques décennies. » Mais c’était sans compter la pression exercée par le chalutage qui laboure le fond des océans, jusqu’à 1 800 mètres et le développement de la plongée sportive jusqu’à 150 mètres. « Depuis quelques années, on observe aussi des cas de pillage d’épaves reposant à plus de 300 mètres de profondeur, poursuit Michel L’Hour. Le milieu profond n’est plus le sanctuaire inviolable qu’il a été. »
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