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La Silicon Valley révulsée par le #MuslimBan

Les employés d’origine étrangère des grandes entreprises se sentent visés par la mesure de Donald Trump.

Par  (San Francisco, correspondante)

Publié le 29 janvier 2017 à 13h33, modifié le 30 janvier 2017 à 09h26

Temps de Lecture 4 min.

A San Francisco, le 28 janvier.

Donald Trump pourra se vanter d’avoir fait descendre dans la rue des milliardaires de la Silicon Valley. Sergueï Brin, le cofondateur de Google, 13e fortune des Etats-Unis selon le classement Forbes, se trouvait, samedi 28 janvier, au milieu de la foule qui manifestait à l’aéroport de San Francisco contre le décret Trump. Une vision rare pour un homme qui ne passe pas pour être particulièrement grégaire.

Brin s’est laissé photographier avec un bébé dans sa poussette portant un écriteau : « Je veux que mes grands-parents reviennent d’Iran. » Né à Moscou, l’inventeur est arrivé en 1979 aux Etats-Unis, à l’âge de 6 ans, lorsque sa famille a fui l’antisémitisme en URSS. « Je suis ici parce que je suis moi-même un réfugié », a-t-il expliqué.

Retour en arrière atterrant

Parmi le millier de manifestants se trouvait une autre figure de la Silicon Valley : Sam Altman, 31 ans, qui dirige Y combinator, l’une des pépinières de start-up les plus courues. « Il est temps que les sociétés high-tech prennent position, explique-t-il sur son blog. Nous sommes maintenant à ce stade où quelque chose est en train de se mettre en place qui sera enseigné dans les livres d’histoire, et pas dans un sens positif (…). C’est une brèche ouverte dans le contrat de l’Amérique avec tous les immigrants du pays. »

Dans la Silicon Valley, où on se préoccupe peu de nationalités, le décret de Donald Trump sur les étrangers a fait l’effet d’un retour en arrière atterrant. Nombre d’employés ont des cartes vertes qui donnent le droit de travailler aux Etats-Unis. Quand ils ont découvert que les mesures « antiterroristes » de Trump s’appliquaient aussi à eux ou que leur situation serait examinée au cas par cas, selon le bon vouloir des agents de l’immigration, les entrepreneurs ont été sidérés. « Je croyais qu’on avait passé le point où le lieu de naissance comptait plus que l’éducation et les choix de vie, confie Reza Malekzadeh, investisseur d’origine iranienne, et ancien membre de l’équipe fondatrice de la société de logiciels VMware. Je suis attristé et je ne comprends pas. Je contribue à l’économie et à la société américaines. A croire que tout ce que j’ai fait dans ma vie ne compte plus. » Comme lui, beaucoup ont préféré mettre leurs déplacements en attente.

Par la voix de Sundar Pichai, son PDG (né en Inde), Google a demandé à la centaine d’employés originaires de l’un des sept pays de la liste noire et se trouvant en voyage de rentrer immédiatement aux Etats-Unis. Satya Nadella, le PDG de Microsoft (également d’origine indienne), a fait état de 76 employés affectés.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont publié la photo de Steve Jobs, dont le père était syrien. Ou reproduit la liste des entreprises phares de la Vallée fondées par des immigrants de la première ou deuxième génération : Google, Facebook, Amazon, Oracle, IBM, Uber, eBay, Tesla… Sous le hashtag #MuslimBan, les enfants ou petits-enfants de réfugiés ont partagé leur émotion. Les commentaires assimilent souvent réfugiés, migrants, détenteurs de cartes vertes, dans un même élan généreux : « Let them in » (« Laissez-les entrer »). Jusqu’à faire référence à l’Holocauste, et au refus en 1939 des Etats-Unis d’accueillir les juifs fuyant l’Allemagne nazie.

Culpabilité

Sam Altman a appelé les PDG des grandes entreprises à s’exprimer « sans équivoque », et quel que soit le « risque commercial ». Parmi les patrons, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, qui est marié à une médecin d’origine chinoise, a été le premier à se manifester. « Si nous avions fermé les portes aux réfugiés il y a quelques décennies, la famille de Priscilla [Chan, sa femme] ne serait pas là aujourd’hui. » Ses collègues ont réagi avec des degrés variables de fermeté. « Apple ne pourrait pas exister sans l’immigration, encore moins prospérer et innover », a rappelé Tim Cook, le successeur de Steve Jobs. Le PDG de Netflix, Reed Hastings, a été le plus percutant : « Les actions de Trump causent du tort aux employés de Netflix autour du monde. Et elles sont tellement non américaines qu’elles nous font de la peine à tous. »

Mais Elon Musk, de Tesla, qui est lui-même d’origine sud-africaine et dont le New York Times a récemment vanté la « bromance » avec Donald Trump, a été plus mesuré. Comme Travis Kalanik, le fondateur de Uber, il a accepté un poste de membre du conseil économique du président-businessman. Pour les PDG du high-tech, la situation est un peu compliquée. L’industrie est sur la défensive. Symbole de la globalisation honnie par la Rust Belt et de la robotisation dévoreuse d’emplois, elle se sent légèrement coupable de la coupure avec l’Amérique profonde. Le ministre français de l’économie, Michel Sapin, récemment en déplacement dans la Silicon Valley, racontait avoir été frappé par la prudence de ses interlocuteurs. Certains étaient terrorisés à l’idée que s’ébruitent leurs projets d’investissements en Europe. De peur d’être la cible d’un tweet rageur de l’occupant de la Maison Blanche.

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