La Suisse, qui n'avait pas été conviée au sommet du G20, peut souffler : elle échappe à la "liste noire" des Etats fiscalement non coopératifs établie, jeudi soir 2 avril, par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Mais la 7e place financière mondiale - la 3e pour la gestion de fortune - où sont déposés quelque 1 400 milliards d'euros d'avoirs étrangers reste sous pression, placée sur une liste intermédiaire "grise" : celle des pays qui ont pris des engagements en matière de coopération fiscale et dont le G20 attend des actes concrets. Condition indispensable pour rejoindre la "liste blanche" des pays qui coopèrent.
Le 13 mars, dans le sillage du Liechtenstein, du Luxembourg et de l'Autriche, Berne décidait de se plier aux normes de l'OCDE en matière d'assistance administrative fiscale. Le Conseil fédéral (gouvernement) promettait d'abandonner pour les résidents étrangers la distinction entre évasion et fraude fiscale, et d'accepter un échange élargi d'informations, au cas par cas, basé sur des demandes fondées.
UN "PROCÉDÉ" CRITIQUÉ
Reste à savoir dans quels délais ces engagements seront mis en oeuvre. Pour y parvenir, la Suisse doit en principe réviser avec les Etats qui le souhaitent les accords de double imposition. Ces conventions fiscales - au nombre de 70 - devront ensuite être approuvées par le Parlement fédéral, et éventuellement soumises à un référendum.
Berne a déjà annoncé que les Etats-Unis et le Japon seraient les premiers servis. Pourraient ensuite venir la France et l'Allemagne. En visite à Berlin, mercredi, Micheline Calmy-Rey, la ministre des affaires étrangères, assurait que la Suisse agirait avec "rapidité et sérieux". Elle qualifiait cependant de "complètement contreproductives" les critiques répétées du ministre des finances allemand, Peer Steinbrück, estimant qu'elles pouvaient braquer les électeurs suisses.
Déjà à Bruxelles, un groupe de travail réfléchit sur la manière dont l'Union européenne (UE) pourrait renégocier de manière globale un accord de double imposition pour ses Etats membres, pour "faciliter et accélérer" les choses, comme l'a expliqué Michael Reiterer, l'ambassadeur de l'UE à Berne.
Jeudi soir, dans un communiqué, le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, disait déplorer le "procédé" d'une liste établie sans discussions avec la Suisse qui est pourtant membre de l'OCDE. Quelques heures auparavant, à la Télévision suisse romande (TSR), il avait expliqué qu'il fallait s'attendre à de nouvelles pressions. "La France et l'Allemagne voudraient abandonner le secret bancaire en passant à l'échange automatique d'informations (entre administrations fiscales)", expliquait-il.
M. Merz ajoutait qu'il fallait rester vigilant sur le sort réservé aux autres places financières fiscalement attractives, citant les Etats-Unis (avec leurs paradis fiscaux comme le Delaware) et la Grande-Bretagne, pourtant rangés par l'OCDE parmi les Etats coopératifs.
Plus surprenant encore pour les Suisses : la présence sur cette "liste blanche" de Jersey, Guernesey et l'Ile de Man, trois dépendances de la Couronne britannique, depuis longtemps dénoncés pour l'opacité de leurs circuits financiers.
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