La question, sensible dans l’opinion, des salaires des politiques a opposé mardi 8 novembre le gouvernement – qui s’en tient au gel annoncé la veille par François Fillon – à François Hollande, mais aussi à certains députés de droite, qui préconisent une baisse.
Le candidat PS à la présidentielle a promis lundi une baisse de 30 % du salaire du président et des ministres s’il était élu en 2012, jugeant « choquant » que le gouvernement annonce le gel d’une rémunération que Nicolas Sarkozy avait fortement augmentée en arrivant à l’Elysée.
A l’automne 2007, le passage de 7 084 euros net à 19 331 euros de la rémunération du chef de l’Etat (via un alignement de son mode de calcul sur celle du Premier ministre) avait été critiquée dans l’opposition et dans certains rangs de la majorité.
Cette promesse de François Hollande a suscité elle-même une vive réplique de Valérie Pécresse, qui l’a accusé de « démagogie ». « Si c’est la seule mesure que François Hollande propose pour réduire 1 700 milliards de dettes, vous voyez à quel point c’est dérisoire », a lancé la ministre du Budget.
Et son collègue chargé de l’Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, a mis au défi François Hollande de baisser son salaire de président du conseil général de la Corrèze.
Un gel déjà effectif – Le député de l’Aisne René Dosière (apparenté-PS), spécialiste des comptes de l’Etat a estimé en outre que la rémunération des ministres et du président était en réalité « déjà gelée depuis un bout de temps ».
Depuis 2002, explique-t-il, la rémunération des ministres et secrétaires d’Etat est calculée sur la base de la moyenne du traitement le plus élevé et du traitement le plus bas perçu par les fonctionnaires occupant des emplois de l’Etat classés dans la catégorie « hors échelle ».
Elle est majorée de manière plus ou moins importante selon le poste : 1,9 fois en moyenne pour un secrétaire d’Etat, 2 fois pour un ministre. Le Premier ministre et le président touchent le salaire d’un ministre plus 60 %.
Or, le traitement des fonctionnaires n’évolue pas depuis deux ans, car le gouvernement a gelé en 2010 et 2011 la valeur du point d’indice salarial, à la base du calcul de ce traitement, souligne M. Dosière.
– 10 % pour les députés ? – Mais une offensive a été lancée sur un thème proche, au sein même de la majorité, par le député UMP de la Droite populaire, Lionnel Luca, qui, avec une trentaine de ses collègues, a déposé un amendement au projet de budget visant à baisser de 10 % les indemnités des députés et réaliser ainsi 5 millions d’économies.
« Il serait inconvenant que les élus du peuple imposent des sacrifices à leurs concitoyens sans y participer eux-mêmes et ne témoignent pas de leur solidarité dans ces moments difficiles », expliquent ces parlementaires dans l’exposé des motifs de leur amendement.
L’indemnité des députés français s’élève à 5 200 euros net. S’y ajoutent :
- une indemnité pour leurs frais de représentation et de secrétariat de 5 800 euros nets,
- et un crédit mensuel de 9 000 euros, géré par l’Assemblée, pour rémunérer leurs assistants.
Mais cette proposition s’est heurtée à un refus des responsables de la majorité et de nombreux députés qui s’en tiennent à l’appel lancé lundi par François Fillon, qui a demandé aux responsables politiques et aux grands patrons de geler leurs salaires.
Alignement sur les fonctionnaires – Le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, comme le ministre du Travail, Xavier Bertrand, ont souligné que les salaires des députés étant alignés sur ceux des fonctionnaires, il n’était pas question de les baisser tant que les rémunérations des agents de l’Etat restaient stables.
M. Accoyer a en outre souligné que l’Assemblée avait réalisé en cinq ans « 180 millions d’euros d’économies en stabilisant son budget et en le diminuant cette année de 3 % ».
Le député UMP Jacques Myard a étrillé Lionnel Luca, dont il est pourtant proche. « C’est une c.. monumentale. On est en train de ressusciter Pierre Laval qui avait baissé les salaires en 1935. Arrêtons la démagogie de café du commerce! », s’est-il exclamé dans les couloirs de l’Assemblée.
Une accusation de « démagogie » reprise à gauche par le député écologiste Yves Cochet, pour lequel le sujet est « anecdotique » au regard de l’enjeu de la dette et du déficit de la France.
Politique fiscale – De son côté, le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault s’est dit prêt à « participer plus » car sa rémunération est « au-dessus du salaire médian ou moyen des Français ». Mais, il préfère le faire « par la politique fiscale ».
Et pourquoi pas réduire le nombre de parlementaires ? « S’il y a des mesures symboliques qui doivent être prises » face aux déficits publics, Yves Jégo, le vice-président du Parti radical, a estimé dans les couloirs de l’Assemblée nationale « qu’il n’y a jamais de limite, c’est toujours la course à celui qui en fera le plus ».
« Ce que j’ai entendu de M. Hollande pue trop la démagogie pour qu’on puisse s’enfermer dans ce genre de course à l’échalote », a critiqué M. Jégo, un centriste qui soutient la candidature de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle.
Moins de parlementaires ? – « La France compte 900 parlementaires (577 à l’Assemblée, 348 au Sénat, ndlr), peut-être qu’on pourrait diminuer de 250 ou 300 le nombre de ces parlementaires », a suggéré M. Jégo.
On aurait ainsi, selon lui, « des élus qui seraient tout aussi actifs et qui globalement diminueraient » les coûts.
Autre sujet sous-jacent : le cumul des mandats. « Si M. Luca considère qu’un député en situation de cumul des mandats, disposant de moyens dans l’exécutif local où il siège, veut abandonner une part des indemnités qui sont les siennes, il peut le faire, il y a d’ailleurs un certain nombre de parlementaires qui l’ont fait », a souligné Bernard Accoyer.
+ 27,8 % dans les intercos – Plusieurs documents dévoilés sur son blog en octobre par René Dosière dénoncent aussi une explosion des indemnités des élus dans les structures intercommunales : + 27,8 % en 2009, par rapport à 2007. Alors que le nombre de ces intercommunalités est resté stable (environ 2 600). Cette augmentation situe l’ensemble des indemnités des présidents et vice-présidents d’interco à 207,6 millions d’euros, soit davantage que les indemnités des élus des conseils généraux et régionaux réunis.
En cause aussi : le « nombre accru » de vice-présidents… qui ne risque pas d’être réglé rapidement. Dans la nuit du 3 au 4 novembre, les sénateurs ont remisé leurs différents pour plébisciter le report, aux lendemains des municipales, des règles limitant le nombre de vice-présidences des intercommunalités à fiscalité propre.
Pour l’après 2014, la gauche a élargi la fourchette de 8 à 30, contre 4 à 15 dans la loi du 16 décembre 2010. Les pieux engagements ont du plomb dans l’aile. « Des postes, des voitures, des indemnités ! », a fini par ironiser le sénateur (UMP) Christian Cambon.
Références
- Evolution 2007/2009 des indemnités locales - Document de René Dosière
- Les indemnités réelles des élus locaux - Document de René Dosière
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