Crème "miracle" antirides ou complément alimentaire, il faut que je vous raconte comment se déroule une conférence de presse de lancement d'un nouveau produit de santé ou de bien-être. Celle à laquelle j'ai assisté, le 3 mars, fut un modèle du genre. Un laboratoire français présentait une "innovation" dans la gamme des substituts nicotiniques. Soit une pastille à sucer superdosée à 2,5 mg de nicotine.
Quelques semaines avant, des travaux scientifiques français, publiés dans le Journal of Neuroscience, avaient remis en cause l'efficacité des aides au sevrage tabagique à base de nicotine, parce que la nicotine seule ne suffit pas à expliquer la dépendance au tabac.
Qu'en pensait l'un des principaux fabricants de patchs et autres gommes à mâcher ? "L'étude n'apporte pas d'information nouvelle mais précise des mécanismes", fit valoir Etienne André, présenté comme médecin de santé publique, mais - se fait-on préciser en aparté - également conseiller du laboratoire. "En réalité, c'est la prescription qui est imparfaite, pas les substituts", ajouta le pneumologue Jean Pierrot, caution médicale - il en faut toujours une - pour le lancement du nouveau produit.
Le lieu est choisi avec soin, pour un petit-déjeuner de presse raffiné. Ce fut cette fois au restaurant "lounge" du Grand Palais. Décor branché, jolis bouquets de fleurs, savoureuses viennoiseries, belle vaisselle. Tout le confort pour écouter la bonne parole. A tel point que, à l'issue de certaines interventions, des journalistes allèrent jusqu'à applaudir. Curieuse ambiance... Car il s'agissait de nous "vendre" l'intérêt d'associer deux types de substituts nicotiniques (patch + pastilles).
"Les professionnels de santé ne pratiquent pas assez cette association, alors qu'elle permet d'apporter la bonne dose de nicotine", insistait le pharmacien du laboratoire. Pendant trois mois, il est conseillé au patient de sucer 8 à 12 pastilles par jour. Lorsqu'on apprend que, grâce à son "agent innovant" augmentant sa dureté, la pastille met jusqu'à une demi-heure pour se déliter, cela équivaut à en consommer près de six heures quotidiennement ! Et dire que l'équipe de chercheurs du CNRS dirigée par Jean-Pol Tassin a découvert pourquoi tant de fumeurs ayant recours à des substituts nicotiniques rechutent...
En 2008, le marché des patchs a accusé une baisse de 25 % par rapport à 2007. Seuls les comprimés et gommes à mâcher se maintiennent. Faciles à utiliser, ils compensent surtout le manque quand l'envie de fumer surgit dans tous les lieux désormais interdits à la cigarette. Les prix de tous ces médicaments en vente libre d'aide au sevrage tabagique ont augmenté. "Les pharmacothérapies seules s'avèrent d'illusoires béquilles malgré le matraquage promotionnel", constate, dans son blog (unairneuf.org), le consultant en tabagisme Luc Dussart.
Courriel : blanchard@lemonde.fr.
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