Quand l'Oise abritait une fabrique de bébés nazis

 Quand l'Oise abritait  une fabrique de bébés nazis

    C'est un chapitre encore méconnu de la politique nazie. A partir de 1935, plusieurs maternités SS, les Lebensborn (fontaine de vie en français), ont essaimé en Europe. L'objectif : créer des « enfants parfaits », grands, blonds aux yeux bleus, qui devaient former la future élite du IIIe Reich. Un seul a été créé en France : il se situait à Lamorlaye.

    C'est le décor qu'a choisi Mano Gentil pour poser l'intrigue de son dernier roman*. Une histoire d'amour « fou », celle d'une jeune paysanne picarde éprise d'un officier SS qui intègre les Mésanges, unique foyer français de l'organisation eugéniste mise en place par Himmler. Elle y mettra au monde l'un de ces bébés nazis. « J'ai voulu montrer ce que l'on peut faire de pire par amour. Comment on peut perdre la tête. Marthe est intelligente, mais elle ne saisit pas le drame qui se noue autour d'elle. »

    Ce sujet grave, l'auteur, originaire de Grenoble (Isère), s'en est emparé par hasard. « Il y a une quinzaine d'années, j'ai hébergé chez moi une étudiante allemande. J'ai rencontré sa mère, qui m'a expliqué que son mari était obstétricien, en précisant : Attention, pas dans un Lebensborn! Je n'avais jamais entendu ce mot. Quand j'ai su, j'étais atterrée. Inquiète, même. »

    Mano Gentil, ancienne journaliste, mène alors ses propres recherches. Les informations disponibles sont rares. Elle s'appuie sur le livre « Au nom de la race », de Marc Hillel et Clarissa Henry (1975, Fayard), le tout premier à détailler le programme de « procréation dirigée » des Nazis. Elle consulte également une historienne italienne.

    « Dans mes romans, il y a un paysage sociopolitique. J'ai voulu instiller des éléments vérifiables, sans tomber dans le voyeurisme. On a souvent comparé les Lebensborn à des bordels ou des haras humains. Ce n'était pas ça. Il y avait une vraie idéologie politique derrière ces naissances abominables. On ne peut pas passer cela sous silence. J'ai situé l'histoire en France pour faire réagir. Dire au lecteur : ça a existé, près de chez vous. »

    Elle n'a pas souhaité se rendre sur place, dans l'Oise. « Par peur que les choses [lui] explosent au visage, de ne plus pouvoir recoller les morceaux. » « J'ai imaginé, j'ai brodé. La trame historique n'est qu'une décoration pour rendre le gâteau plus appétissant. Car le Berceau de la honte est avant tout le roman de l'amour. Mais un amour horrible. »

    « Le Berceau de la honte », Editions Calmann-Lévy, en vente à partir d'aujourd'hui, 16,50 â?¬.