Stéphane Hessel est nominé pour le prix Nobel de la paix. Il est évident qu'il se trouve depuis fort longtemps parmi les personnalités qui, par leur engagement, leur courage ont "le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix", selon la définition léguée par Alfred Nobel.
Choisir un homme dans sa 94e année devient, par les temps qui courent, hautement symbolique. Force est de constater une présence accrue des anciens, qui deviennent au travers de leurs ouvrages récents des messagers de cette "ruse de la raison" hégélienne.
Rien de plus fort que de distinguer un passé exemplaire pour préserver et promouvoir un avenir digne.
Qui d'autre que cet homme, Stéphane Hessel, peut autant incarner cette chaîne de générations ? Depuis le grand ébranlement de la seconde guerre mondiale, il a travaillé sans relâche pour mettre avec force de l'éthique dans les relations internationales et insuffler à la société civile mondiale un dynamisme transgénérationnel plus que jamais nécessaire aujourd'hui. Selon ses propres termes : "Résister, c'est précisément se dire que l'Histoire est une création permanente des sociétés humaines. Les hommes sont capables de changer le déroulement de l'Histoire, c'est ça leur création de citoyens responsables."
Toutes les communautés humaines honorent les plus anciens parmi elles, détenteurs de la mémoire, porteurs de sagesse et éclaireur de l'avenir. Stéphane Hessel est de ceux-là, sa vie en témoigne, mais il est par surcroît la voix du soulèvement des consciences, d'une étonnante jeunesse du monde, dont le message connaît un impact planétaire. Les peuples, qui brandissent actuellement le drapeau de la liberté, de l'émancipation, ont besoin pour réussir leur métamorphose de paroles éclairées.
Stéphane Hessel a toujours choisi le bon camp, il a toujours été dans le courant qui allait dans le sens de la paix. Résistant contre la barbarie nazie, diplomate à l'ONU participant à sa création lorsque s'inventaient les instruments de règlement des conflits, portant haut et fort le message humaniste et internationaliste qui fut celui de René Cassin, le dernier Prix Nobel français. Il a représenté l'ONU pour oeuvrer au côté du comité qui élaborait la Déclaration universelle des droits de l'homme, ambassadeur de son pays quand la décolonisation s'accomplissait, dirigeant des grands programmes internationaux de développement, défenseur infatigable et intraitable des démunis sociaux et des populations bafouées dans leurs droits légitimes.
Jamais il ne s'est résigné, transmettant haut et fort ce message humaniste et internationaliste qui fut celui des pionniers de l'ONU. Les droits de l'homme sont pour lui une arme de pacification massive. La route a été accidentée, elle reste escarpée, mais c'est la seule route possible.
C'est par la parole, l'échange et la réflexion que la conscience se forme pour s'adapter à des nouvelles exigences et permettre l'émergence d'une nouvelle conscience. En cette période de désarroi, d'angoisses et d'incertitudes, Stéphane Hessel régénère l'espérance en régénérant la résistance à toutes les barbaries. Par cela même, il nous indique un chemin pour construire un avenir d'humanité.
Alors oui, deux fois oui au prix Nobel de la paix à Stéphane Hessel.
Edgar MorinMichel RocardPeter SloterdijkRichard von Weizsäcker
, philosophe ;
, ancien premier ministre ;
, philosophe ;
, ancien président de la République fédérale d'Allemagne de 1984 à 1994.
Tous les signataires sont membres du Collegium International.
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