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"Référendum Grec : Que faire pour que le oui l'emporte ?"

L'annonce par le premier ministre grec, Georges Papandréou, de la tenue d'une consultation populaire sur le plan d'aide du 27 octobre divise les opinions européennes. Insolence ou résistance démocratique ?

Publié le 03 novembre 2011 à 13h24, modifié le 03 novembre 2011 à 16h40 Temps de Lecture 4 min.

Un accord pour assurer la sauvegarde de la zone euro devait être trouvé. Il l'a été, laborieusement certes, dans la nuit du 26 au 27 octobre. L'économie de cet accord semblait avoir convaincu, jusqu'au rebondissement grec provoqué par un Georges Papandréou, courageux, mais pris à la gorge et devenu imprévisible, ce qui nous rappelle qu'il y a toujours des peuples souverains dans la "fédération d'Etats-nations". Si le référendum a lieu, et que le oui l'emporte, on en sera quitte pour trois mois de confusion supplémentaires. Si c'est le non, il restera à organiser la sortie de la Grèce de l'euro.

Que faire pour que le oui l'emporte ? Ne pas suspendre l'aide, et surtout, ne pas accabler le peuple grec d'injonctions ! Mis à part la question de la restructuration (enfin réaliste) de la dette grecque, l'accord du 27 reste donc fondamental, même avec un non en Grèce : soutien amplifié par un fonds renforcé aux pays solvables rencontrant des difficultés de refinancement, l'Italie en premier ; participation des banques ; recapitalisation bancaire, là où elle est nécessaire.

L'ambition ne peut pas être seulement de "rassurer" les marchés. Elle doit être de leur imposer à nouveau la légitimité d'une union monétaire dont la force soit à la hauteur de sa très grande puissance collective, économique et financière.

De ce point de vue, l'accord présente dans sa conception même deux faiblesses notables. Il laisse peser un doute inutile et malsain sur la capacité de l'eurozone à compter sur ses propres forces ; pour avoir trop pesamment souhaité une solution française garantie par l'Allemagne, nous semblons finalement accepter une solution allemande en partie financée par la Chine et d'autres émergents. D'où l'inquiétude : l'interdépendance en Europe sera-t-elle équilibrée ? L'indépendance de l'Europe sera-t-elle préservée ?

Au lieu de desserrer l'étau sur les responsables publics, il semble accentuer l'assujettissement de leur régulation aux normes imposées par les acteurs privés. Consacrer aujourd'hui le fait que la dette souveraine de l'union monétaire doit être "marquée au marché" dans le bilan de nos banques, c'est confier dangereusement au marché le soin de juger au jour le jour de la qualité de ce qui fait le socle fondateur de notre système bancaire et financier : les gouvernements rendent ainsi un peu plus la main au moment où ils prétendent la reprendre.

D'autres grandes questions restent à trancher : dire qui - entre gouvernements et responsables européens d'une part, dans une proportion à définir, entre politiques et marché d'autre part - décidera demain en dernier ressort dans la zone euro ; et trouver - entre rigueur récessive et laisser-aller destructeur - le chemin qui combinera assainissement et croissance.

En France, les appels au "fédéralisme", présenté comme la panacée, fleurissent. Mais ce mot a des sens contradictoires, souhaitables ou inacceptables, selon les cas. Cela ne peut se faire furtivement. Le fédéralisme politique et institutionnel n'a presque aucune chance d'être accepté et ratifié, même au terme d'une très périlleuse, et bien imprudente, renégociation des traités. Si celle-ci devait avoir lieu malgré tout, à la demande des Allemands, il faudra refuser tout automatisme punitif supplémentaire dont on commence à voir les ravages politiques : refuser de confier un rôle de surveillance à la Cour de justice, demander l'élargissement des statuts et de la mission de la Banque centrale.

Mais dépassons la querelle sur le mot : la zone euro impose à l'évidence plus d'intégration, d'harmonisation, de coordination véritables des politiques économiques et de synchronisation des procédures budgétaires. C'était déjà prévu dans Maastricht. On a cru pouvoir s'en dispenser. C'est fini, il faut le faire sérieusement. Le "paquet législatif" récent et le "semestre européen" ont été conçus et adoptés pour cela. On peut, si on veut, appeler cela du fédéralisme économique. Ce sont des engagements très exigeants. Faut-il vraiment aller plus loin ? La zone euro n'est déjà que trop associée à "surveillance" et à "sanction". En tout cas ce gouvernement économique devra être efficace, et démocratique : pourquoi ne pas confier un rôle aux Parlements des Etats membres de la zone euro ?

Il serait absurde que tout ce dispositif de convergence ne serve qu'à généraliser en Europe une rigueur "récessionniste". Ce serait rendre impossible la réduction des dettes souveraines. Il nous faut donc, au niveau européen, combiner subtilités de la politique économique à court terme et vision stratégique à long terme.

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A court terme, nous allons connaître une période conjoncturelle extrêmement difficile. La vraie intégration économique consisterait à ce qu'un pays comme l'Allemagne, qui dispose de marges budgétaires, ait une stratégie de croissance active contrebalançant les pays à situation budgétaire plus difficile, comme la France.

De même, l'intégration économique se doit de doter la zone euro d'une vraie capacité d'intervention déterminante sur les changes, en prévision des difficultés qui s'annoncent pour 2012.

A plus long terme, dans la compétition multipolaire, il nous faut reprendre l'initiative, reconquérir une avance technologique et commerciale perdue. Nous devons être imaginatifs pour retrouver de la croissance, notamment en l'associant au processus d'"écologisation". On ne comblera pas sans cela le fossé élites/populations. Ce défi est clairement européen. Il suppose de vraies politiques d'investissement communes dans des secteurs porteurs, de développement, de savoir-faire coordonnés.

Il nous faut combiner mieux des règles claires, des projets, des canaux de financement communs au sein d'une politique de croissance. La première utilisation des eurobonds qui verront le jour devrait être le financement de la croissance européenne des années à venir. La crise exige de l'Europe qu'elle devienne ce qu'elle voulait être, une union monétaire indiscutée et un projet économique commun : une Puissance et une Substance, mais toujours bien sûr une Démocratie.


Charles-Henri FilippiL'Argent sans maître Jean-Hervé LorenziLe Fabuleux Destin d'une puissance intermédiaireHubert VédrineLe Temps des chimères

, banquier, est l'auteur de

(Descartes & Cie, 2009).

, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine, a publié

(Grasset, 2011) et

, ancien ministre des affaires étrangères,

(Fayard, 2009).

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