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Villiers-le-Bel : la parole policière mise en cause

Le 25 novembre 2007, deux adolescents à moto sont morts dans une collision avec une voiture de police. Des expertises techniques battent en brèche la version donnée par les policiers. Leur véhicule aurait par exemple roulé plus vite qu'annoncé.

Par Luc Bronner et Isabelle Mandraud

Publié le 01 juillet 2008 à 11h04, modifié le 01 juillet 2008 à 16h27

Temps de Lecture 4 min.

Pour Jean-Pierre Mignard, il n'y a plus de "version anodine" à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise). L'avocat des familles des deux adolescents décédés dans la collision entre leur moto et une voiture de police, le 25 novembre 2007, qui avait provoqué deux nuits d'émeutes, est désormais convaincu qu'il ne s'agissait pas d'un "banal accident" mais qu'il pourrait y avoir eu "mise en danger délibérée de la vie d'autrui" du fait d'une conduite imprudente des policiers.

LA POLICE ROULAIT A PLUS DE 64 KM/H

Sept mois après le début de l'information judiciaire, l'avocat, qui devait s'exprimer à Villiers-le-Bel en présence des familles, mardi 1er juillet, estime que l'enquête infirme une partie des déclarations policières, notamment sur la vitesse du véhicule au moment du choc et sur le fait que les fonctionnaires se trouvaient en intervention. Une expertise technique, ordonnée par la juge d'instruction et achevée il y a quelques semaines, apporte en effet des indications plus précises sur les conditions de la collision. Selon les calculs effectués par l'expert judiciaire, cités par M.Mignard, la voiture de police se déplaçait à la vitesse de 64,3 km/h au moment du choc – alors que les policiers ont toujours déclaré avoir circulé entre 40 et 50 km/h, la vitesse limite en agglomération. L'analyse du système d'antiblocage des roues (ABS) a permis de constater que les policiers se trouvaient en phase d'accélération au moment de la collision. Dans la seconde qui a précédé le choc, l'expert a ainsi pu estimer que le véhicule était passé de 59 km/h à un peu plus de 64km/h sur les seize derniers mètres avant le choc. Il conclut aussi que l'absence de visibilité au carrefour a probablement empêché les policiers de voir le deux-roues arriver.

L'analyse des trajectoires et des dégâts sur les deux véhicules montre que c'est la voiture qui a percuté la moto de plein fouet alors que celle-ci arrivait par la gauche à une vitesse de 66km/h. Ni le pilote ni le passager ne portaient de casque. "Les policiers roulaient sans gyrophare et devaient donc respecter le code de la route. C'est au minimum une sérieuse infraction au code de la route avec mise en danger délibéré de la vie d'autrui" (par non respect des consignes de sécurité), souligne M.Mignard. L'avocat précise toutefois qu'à ce stade, "aucune indication ne montre que les policiers auraient volontairement percuté la moto". Au vu de l'enquête, M.Mignard conteste aussi l'affirmation de la police selon laquelle le véhicule ne se trouvait pas en intervention au moment de la collision. Selon les éléments révélés par Le Monde (daté du 20 février), le centre d'information et de commandement avait appelé une voiture de la brigade anticriminalité (BAC) à se diriger vers un quartier où un vol de GPS venait d'être commis. Entendant le message à la radio, le chef de bord du véhicule avait alors fait part de sa volonté de se "rapprocher des lieux". Devant l'inspection générale de la police nationale (IGPN), ce gardien de la paix avait indiqué qu'il était resté à la même vitesse, entre 40 et 50km/h. "Juridiquement, ils se trouvaient en opération de police judiciaire", et non en patrouille, martèle M.Mignard.

"LES POLICIERS ONT FAIT UNE ERREUR"

L'avocat critique l'attitude de la hiérarchie policière après l'accident. Il l'accuse d'avoir cherché à "banaliser ce qui ne l'était pas", en référence à des déclarations "assénées avec superbe", dit-il, du directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Péchenard, qui avait décrit "un banal et tragique accident de la route". "Il a été établi que les policiers ne roulaient pas vite, qu'ils étaient en patrouille, ils n'étaient pas en gyrophare deux tons, lorsque leur véhicule a été heurté par la minimoto qui s'est encastrée à vive allure", avait déclaré M.Péchenard dans un entretien au Monde cinq jours après l'accident.

Contacté mardi matin, M. Péchenard déclare : "L'enquête, en cours, ne laisse pas apparaître une responsabilité des policiers. Mais si, comme je l'ai toujours dit, les policiers ont fait une erreur et que la procédure le démontre, ils seront sanctionnés." Le DGPN ajoute : "Cela ne justifie en rien ce qui s'est produit après [la collision], les scènes d'émeute, de pillage et de violence contre les policiers." Au cours des affrontements qui avaient suivi l'accident mortel, 82 policiers avaient été blessés et parfois pris pour cible par des tirs de fusils de chasse. M.Mignard, qui assure aussi la défense des familles dans l'affaire du décès de deux jeunes à Clichy-sous-Bois, en octobre 2005, électrocutés après avoir voulu échapper à un contrôle de police, propose de rendre systématique l'ouverture d'une information judiciaire dans ce type d'affaires. "Comme à Clichy, c'est d'abord la version policière qui s'est imposée, affirme-t-il. Dans les quartiers où les relations entre les jeunes et la police sont tendues, tout incident devrait, dans les heures qui suivent, déboucher sur la désignation d'un juge d'instruction." Pour Clichy, un juge avait été désigné après huit jours d'émeutes. A Villiers-le-Bel, Nicolas Sarkozy avait annoncé sa saisine trois jours après le début des violences.

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