Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-03-31
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 123753 Nombre total de vues : 123753
Description : 31 mars 1913 31 mars 1913
Description : 1913/03/31 (Numéro 10625). 1913/03/31 (Numéro 10625).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5704770
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/06/2008
2
̃ LE MATIN
«̃̃? 31 3 13
Oéecupez ce sol et conservez.le scigneusement
offre à ses lecteurs
ni MILLION EN 1913
250.000 FRANCS en ESPÈCES
̃ SIX CONCOURS.
Découpez en suivant te pointait
PROCHAIN concours AVRlL
"LES BRAVES GENS"
(2OO.ÛOO1r. de prix dont 60.008 fr. en espèces)
CONSERVEZ SOIGNEUSEMENT la
sétie de ces bons qui pourront être
«*f;1am*y pour l'un quelconque des
Concours du Million
{SOTIE DE NOTRE ARTICLE DE l^PAGE, 8'COMMUE!
que copieuses. Successivement défilèrent de-
vant le président de la République le conseil
général, la cour d'appel, l'université, le
conseil municipal, les tribunaux de pre-
mière instance et de commerce, les cham-
bres de commerce, les fonctionnaires des
contributions, des douanes, de l'enregistre-
ment, des postes, les instituteurs, les insti-
tutrices, l'armée enfin, sans compter les mul-
tipfôs délégations d'innombrables corps et
sociétés.
'A tous les compliments qu'on lui adres-
sait, M. Poincaré répondit par quelques pa-
roles heureuses. Il rappela aux magistrats
qu'il avait plaidé devant eux. Il évoqua de-
vant les universitaires le glorieux passé de
tour école de médecine,' de leur école de' droit
et'.le temps où lui-même, ministre de l'ins-
truction publique, organisait les facultés pro-
vittciales. Il félicita les instituteurs de res-
pecter cette chose sacrée la conscience de
l'enfant et vanta leur fidélité à la Républiqüe
et leuf culte de la patrie. Au général Fau-
rie qui saluait en lui le populaire capitaine de
chasseurs, il dit quels liens profonds l'atta-
«shaient à l'armée et combien il était heureux
.d'avoir appris à la caserne le dévouement à
la patrie, à laquelle nul ne ménagerait les
sacrifices le jour où elle serait attaquée dans
son territoire, son honneur ou ses droits. Il
embrassa sur ses deux joues émerillonnées
ime petite fille qui lui apportait, avec un pur
accent de terroir, les vœux des dames de la
halle et des fleurs pour Mme Poincaré. Il as-
sura enfin les maires du département, venus
en députation, de la reconnaissance du gou-
vernement pour leur zèle et leur dévoue-
ment aux institutions républicaines. Les
maires répondirent par des cris nourris de
« Vive le président Poincaré I »
Un joli geste
.La deuxième station de la matinée eut lieu
au théâtre. Toutes les sociétés étaient mas-
sées avec leurs bannières sur la grand'place.
M. Poincaré parut au balcon. Des applaudis-
sements frénétiques l'accueillirent. Il se
pencha alors vers la foule et, de sa ferme
voix aux sonorités métalliques, il cria
chers anais, de ce spectacle j'empor-
terai un souvenir tttoubliable ,dans mes
yeux et dans mon coeur. Vive la mutualité
Vive la République Vive la Fiance
Il faut renoncer à décrire quelle ovation
suivit ces paroles.
Le prince de Monaco, sur ces entrefaites,
était arrivé en automobile et il vint prendre
place à la droite de- M. Poincaré' sur la
scène du théâtre. Les mutualistes faisaient
,salle comble. De dix heures et demie à midi
et quart, ils entendirent sept discours.
Le maire, M. Pezet, salua ses hôtes au-
gustes et notamment le président de la Ré-
publique, qu'il qualifia d'apôtre éloquent
de l'association dans la liberté. M. War-
itery, président du congrès, retraça l'œuvre
féconde accomplie par la mutualité dans ses
diverses assises à Nantes, à Nancy, à Mont-
pellier. M. Léopold Mabilieâu, président de
la Fédération nationale, obtint un vif suc-
cès en rappelant que le président de la Ré-
publique est, de droit et de tradition, le pre
mier mutualiste de France, et en accrochant
au revers d'habit de M. Poincaré la médaille
d'or qu'il porta jusqu'au soir. M. Lairolle,
rapporteur général du congrès, recueillit de
particuliers applaudissements lorsqu'il af-
firma que l'élection de M. Poincaré répon-
dait au vœu unanime du pays. M. Chéron,
ministre du travail, voulut prouver par des
chiffres le magnifique essor de la mutualité
française- Il. dit les bienfaits de la loi du
1*r avril 1898, qui permit aux sociétés de se-
cours mutuel, qui étaient à peine onze mille,
d'approcher aujourd'hui de vingt-cinq mille,
de grouper près de six millions de membres,
de disposer de 612.000.000 de francs et de
réaliser la belle parole de Waldeck-Rous-
seau :•<( Apprendre aux hommes à s'aimer
et à s'aider. » Il termina en passant en re-
vue les questions traitées au présent
congrès invalidité, collaboration de la mu-
tualité aux retraites, habitations à bon mar-
ché, chômage involontaire, assistance.
Le prince de Monaco parla à son tour. Il
vanta les deux influences les plus moralisa-
trices et généreuses de l'esprit moderne
l'arbitrage et la mutualité.
LE PRINCE DE MONACO
FAIT UNE COMPARAISON ÉDIFIANTE
ENTRE LES PEUPLES
Il montra la continuité de l'oeuvre de ci-
vilisation et de science qu'il avait lui-même
entreprise eh créant l'institut océanogra-
phique.
Et je suis venu chez vous, dit le prince de
Monaco, séduit par l'exemple d'une grande
nation qui sait, tout à la fois, marcher vers
'a solution des problème spciaux et répon-
dre aux agitations qu'une mentalité moins
sereine fait maître chez des peuples faible-
ment éclairés sur le véritable sens de la vie
internationale chez ceux qui n'ont pas en-
core compris que le préstige, la gloire et une
prospérité solide viénnent plutôt par l'adou-
cissemerct des mceurs que par t'vsage de la
force..
Je suis veltu contempler le spectacle viril
de vos masses, gagnées aux devoirs nou-
veaux que l'esprit de sotiddrité impose, et
assez courageuses pour affirmer, devant les
ambitions déchaînées, en tant de lieux où le
sang et la ruine des hommes ne comptent
plus, l'énergique résotution de continuer vo-
tre lutte avec l'erreur, l'ignorance et l'in-
justice.
Mutualistes, stimulez
les énergies
Enfin M. Poincaré se leva Il se félicita
d'être, au début de sa carrière présidentielle,
enveloppé de sympathies mutualistes et de
se retremper dans le courant de la fraternité.
Sorti des profondeurs mêmes du peuple, il
salua le prince dont la pensée, attentive à
toutes les forces du progrès, se partage en-
tre la science de la nature et la recherche
des améliorations sociales. Il affirma aux
mutualistes qu'il leur apportait mieux que
lé témoignage un peu froid d'une sollicitude
officielle et dit combien, au cours de sa car-
rière politique, il avait toujours pris une
part effective et directe aux œuvres mutua-
listes. Après avoir, dans le haut et noble
langage dont il est coutumier, défini l'âme
de la mutualité, le président de la Républi-
que rappela l'aide prêtée au gouvernement
par les sociétés mutuelles dans l'applica-
tion de la loi des retraités ouvrières et il
les félicita de leur lutte généreuse contre les
fléaux sociaux tuberculose, paupérisme,
dépopulation, alcoolisme, logis insalubres. Il
conclut au milieu des applaudissements pro-
longés
Poursuivez, messieurs, votre campagne ci-
vilisatrice, expliquez partout les mérites de
la prévoyance et les bienfaits de la mutualité,
échauffez les coeurs, éclairez les esprits, sti-
,mule-- les énergies. La République qui vous
connait et qui vous voit à l'œuvre attend
encore beaucaup de votre expérience et de
votre bonne volonté. Reconnaissante de vos
services passés, elle a foi en vous et es-
compte avec une gratitude nouvelle,
vos services futurs. Je suis heureux de vous
exprimer ses remercierrténts pour hier et
pour demain, ses encouragements.
Un banquet monstre
Sur le parcours du théâtre, au manège
d'artillerie, où devait avoir lieu le banquet,
se trouvait la clinique de la mutualité. M.
Poincaré s'y arrêta quelques instants, puis
il se rendait dans la vaste salle où 2.500
convives l'attendaient et l'acclamèrent avec
cette vivacité dont le tempérament méridio-
nal possède le secret.
Là encore, au dessert, des discours furent
prononcés. On entendit de nouveau le mai-
re, M. Pezet, dire à M. Poincaré qu'avant
d'être rélu de l'Assemblée nationale, il était
celui du peuple tout entier et saluer en lui
le grand citoyen ardemment épris de paix,
mais résolu à faire respecter jalousement
notre honneur national.
On applaudit aussi l'évocation d'une au-
tre visite présidentielle, celle dé M. Fal-
lières, qui, pour n'avoir donné lieu à au-
cune réjouissance publique, apporta néan-
moins le réconfort aux malheureux vigne-
rons frappés par l'un des plus cruels fléaux
qui puissent atteindre l'agriculture.
De nouveau aussi, M. Warnery, pré-
sident du congrès, se félicita d'avoir, pen-
dant ces quelques jours, dirigé des travaux
si utiles a l'expansion de la mutualité.
Ce. n'est pas sans émotion et sans fierté
que le président du 11e congrès se fait le
porte-parole et d'interprète des sentiments
cours mutuels et des 6 millions de mutua-
listes « pour le grand citoyen que des ser-
vices éminents ont appelé à la première
magistrature de la République, pour l'ami
de la mutualité qui leur donne une marque
éclatante de .sa sympathie H.
C'est, a-t-il ajouté, cette armée d'élite,
unanime dans son loyalisme, unanime dans
son désir de • bien faire, et de faire le bien,
que vous apportez aujourd'hui un témoi-
gnagP précieux de votre estime et de votre
confiance.
Estime pour les services qu'elle a essayé
de rendre, mais surtout pour avoir contri-
bvaé à t'éducation nationale en exaltant t'ef-
fort combiné et discipliné, naais au service
de la prévoyance et de l'esprit de sacrifice
c'est bien là en effet L'enseignement mu-
tualiste, et si dans des heures difficiles,
comme belles que nous traversons, de nou-
veaux efforts doivent étre dentandés au
paors, le gouvernement de la République
peut être assuré que ce n'est pas dans les
rangs des mutualistes que se produiront des
défections. Tous ils feront avec joie tes ef-
forts nécessaires à Vlumneur et au salut de
la patrie.
LEDISCOURS DE M. POINGARE
AU BANQUET DES MUTUALISTES
Le brouhaha inévitable d'une si nombreuse
assemblée couvrit quelquefois la, parole des
orateurs, "mais seulement jusqu'au mom'ent
où le président de la ilépublique se leva. On
vit alors, des tables les plus lointaines, les
mutualistes accourir vers la table d'honneur
et se dresser en foule recue:llie et silencieu-
se pour ne rien perdre des paroles du chef
de l'Etat Ils eurent raison, car M. Poincaré
lui-même prononça rarement un discours
plus élevé de pensée, plus achevé de forme
et peut-être jamais n avait-il obtenu d'une
foule populaire un plus grand, un plus en-
thousiasté succès.
Messieurs,
Je suis profondément ému du chaleu-
reux accueil que m'ont fait, depuis ce
matin, en même temps que les membres
du congrès mutualiste, les habitants de
Montpellier et les républicains de l'Hé-
rault.
Malgré les éloges qu'ont bien voulu me
décerner, tour à tour, en termes trop flat-
teurs, M. le maire Pezet et M. le prési-
dent Warnery, je sens bien que ces ma-
nifestations de sympathie dépassent de
beaucoup ma personne et s'adressent sur-
tout à la magistrature que j'exerce. Dans
une démocratie maîtresse de ses desti-
nées et justement flère de se gouverner
elle-même, les hommes ne sont jamais
que les images momentanées des idées
et si le président de la République
trouve parmi vous une bienveillance si
empressée, c'est surtout parce qu'il re-
présente à vos yeux, sous une forme
presque impersonnelle et anonyme, un
régime qui a donné à la France plus de
quarante années de paix et de prospé-
rité. Au poste de confiance que lui assi-
gne l'Assemblée nationale, il n'est que
le premier serviteur de la Constitution
et des lois.
Jamais mieux qu'aujourd'hui, mes-
sieurs, jamais mieux qu'après le magni-
fique congrès qui vient de $e tenir à,
Montpellier, nous ne serons à même de
mesurer les étapes du progrès républi-
cain.
Les sociétés mutuelles, filles de l'or-
dre et de la liberté, n'ont pu grandir
qu'au plein air. Comparez-les aux vieux
compagnonnages, qui traînaient jadis
une existence inquiète et misérable et
qui étouffaient sous le poids d'une ré-
glementatiop tracassière. Comparez-les
aux malheureuses associations qui cher-
i chaient à naître dans la première moitié
du dix-neuvième siècle et qui se heur-
taient aux prohibitions du code pénal.
Comparez-les même aux mutuelles qui
ont commencé d'apparaître à l'abri de
la loi de 1850 et qui étaient encore si
timides, si chétives et si dispersées.
Opposez à ces pauvres souvenirs la
réalité vivante et voyez ce que, sous les
auspices d'un gouvernement libre, a pu
devenir une institution qui avait si long-
temps végété.
La mutualité, qui porte en elle l'em-
bryon d'une organisation sociale spon-
tanée et à qui seul l'instinct populaire
donne le frémissement de la vie, ne
reçoit son développement naturel que
dans un milieu propice aux. initiatives
privées, et les efforts individuels, qui
risquent de se briser dans une sociétés
hostile ou indifférente, ne déploient
toute leur puissance qu'à la chaleur du
1 sentiment public.
Aujourd'hui que lève, de toutes parts,
la riche moisson que vous avez semée,
vous rendez largement à la République
ce qu'elle vous a donné.
Partout où vous passez, vous ensei-
gnez les vertus qui peuvent le mieux
cimenter l'union nationale et vous faites
souffler, dans toutes les provinces, l'es-
prit de concorde et de fraternité.
Certes, vous avez tous vos convictions
politiques, car des hommes qui. n'au-'
`raient pas d'opinion précise sur les cho-
ses de leur temps seraient indignes du
titre de citoyen. Certes, en dehors.de vos
sociétés, vous défendez parfois vos idées
avec passion et vivacité car l'ardeur
des controverses, est l'inévitable rançon
de l'activité intellectuelle d'un pays. Mais
dans vos œuvres mutualistes vous ou-
bliez tout ce qui vous divise, vous vous
souvenez seulement de ce qui vous rap-
proche.
Pour mieux travailler à l'unité de la
France, vous vous êtes constitués sur le
modèle de la France. Chacun de vous
aime la petite société dont il fait partie.
comme le paysan aime son village, com-
me l'ouvrier aime son faubourg mais
chacun de vous s'est attaché à la Fédé-
ration nationale comme à la grande pa-
trie de la mutualité.
Bien loin que ces affections, en se su-
perposant dans vos cœurs, s'y détrui-
sent ou s'y affaiblissent, elles s'y sou-
tiennent réciproquement et s'y fort.ifient.
Vous parliez tout à l'heure, monsieur
le maire, de ma chère Lorraine. Là-bas,
sous un ciel un peu plus pâle que le
vôtre, derrière la ligne bleue des forêts,
par-delà les coteaux modérés où se
meurt une vigne amaigrie, j'ai, sans
doute, laissé des souvenirs que rien ja-
mais n'effacera. Mais si fidèle qu'il soit
à son pays natal, le Lorrain a toujours
devant les yeux la lumineuse vision de
la France.
Et vous, messieurs, vous qui vivez ici
sous un climat plus favorisé, vous qui
habitez cette belle cité et qui êtes fiers
de sa glorieuse histoire, vous qui culti-
vez la terre de Languedoc et qui, après
de si cruelles épreuves, avez enfin triom-
phé de la fortune contraire, vous restez
tous,attachés à votre sol par des racines
profondes et, dans les coutumes mêmes
que vous ressuscitez gracieusement
pour fêter ma présence, je retrouve les
,origines lointaines de vos sentiments
traditionnels.
ilais, si solides que soient ces attaches
séculaires, elles vous lient moins à vo-
tre petite patrie qu'à la France elle-
même et, plus celle-là vous est chère,
plus vous sentez celle-ci proche de vos
cœurs, plus elle vous paraît vivante,
douce et familière.
Puissent, messieurs, ne jamais tarir
les sources du patriotisme local C'est
dans leur eau limpide que votre con-
fiance a vu se refléter les traits de la
France maternelle c'est là que nous
avons appris à reconnaître et à aimer
l'image de notre commune patrie.
Je bois, messieurs, à la ville de Mont-
pellier je bois au département de l'Hé-
rault je bois à la France républicaine
une et indivisible
M. Poincaré quitta la salle du banquet
parmi la plus vibrante, la plus exubérante
des ovations.
Visites charitables
et fêtes champêtres
Il restait encore au programme deux cé-
rémonies, cérémonies prévues l'une gra-
cieuse et pittoresques, l'autre charitable
une fête champêtre et une visite à l'hôpital
suburbain. La fête eut pour cadre la fameuse
promenade du Peyrou, d'où, lorsque .o;
temps -est clair, on aperçoit la mer. Sous des
arceaux de verdure et de fleurs entrelacées,
des groupes de jeunes garçons et de jeunes
filles dansèrent, des grisettes en costume
languedocien récitèrent un compliment en
patois. Les grisettes montpell éraines sont
les sœurs des midinettes parisiennes. :A.
Poincaré les remercia en rappelant spiri-
tuellement l'étymologie qu'on voulut quel-
quefois donner il Montpellier Mons puella-
rurn « le mont des jeunes filles » et, quand
1 il voulut sortir du Peyrou, une telle foule
enthousiaste l'entourait et cherchait à le re-
tenir, que la rude bonhomie de M. Chéron et
l'autorté inquiète de M. Mollard eurent
grand'peine à lui frayer un passage.
De cinq à six heures, le président de la
République accorda sa sollicitude aux mala-
des de l'hôpital suburbain. il leur apporta
i les paroles de réconfort qui ont déjà fait si
grande sa popularité dans les hôpitaux de
Paris et il laissa cinq cents francs pour
1 l'amélioration de leur ordinaire. Il avait, au
cours de la journée, laissé déjà 3.000 francs
pour le bureau de bienfaisance de la ville.
Enfin M. Poincaré revenait à la préfecture
et, après quelques instants de repos les
premiers de la journée il reprenait, ji sept
heures son train spécial, encore acclamé et
fêté par une population telle que Montpellier
ne sé souvient pas d'en avoir jamais contenu
en un jour de si considérable.
i LES CONGRÈS
L'Amicale de la magistrature
L'Association amicale de la magistrature,
j qui compte aujourd'hui 1.376 membres, a tenu
1 hier son assemblée générale annuelle, sous la
présidence de M. Maurice Braibant, député,
président de l'association.
Huit cents magistrats étaient présents ou re-
présentés.
Le comité de l'association est composé com-
me suit, pour l'année 1913-1914
MM. Maurice Braibant, député, président
Albanel, conseiller à la cour d'appel de Paris
Meusmier, juge d'instruction à Montdidier
Proteau, procureur de la République à Arras,
vice.présidents Christophe, président hono-
raire du tribunal civil, secrétaire général Ra-
vier, juge au tribunal civil de Chàlons-sur-
Marie, trésorier général.
Membres du comité MM. Berger, ancien dé-
puté, procureur à Beauvais Brosson,juge à
Clermont-Ferrand Cabanes, procureur à Ar-
bois Camatte, vice-président à Marseilie
Cambacédès, conseiller à Bordeaux Char-
don, juge à Brest Chavartelop, conseil-
ler à Riom Coudert,< ancien directeur du
personnel au ministère de la justice,
conseiller à la cour d'appel de Paris
Drioux, juge d'instruction à Paris Fra-
chat, conseiller à la cour d'Amiens Haz, pro-
cureur de la République à Falaise Larnaudie,
président de chambre à la cour de Toulouse
Lespès, juge au tribunal civil d'Alger Mar-
neur, juge au tribunal civil d'Alger Maurice,
conseiller à la cour d'appel de Poitiers Pra-
det-Balade, juge d'instruction à Paris Prou-
haram, substitut à Paris Prenard, substitut
à Paris Robe, président de chambre à là cour
d'Alger Robardt, président à Montdidier.
Un banquet de clôture, présidé par le garde
des sceaux, aura lieu ce soir à l'hôtel Conti-
Les professeurs adjoints
Les professeurs adjoints et répétiteurs des
lycées viennent de tenir leur congrès au lycée
Louis-le-Grand.
Le nouveau bureau comprend M. Chaton,
président M. Fontaine, secrétaire général
M. Doumerc. trésorier, etc.
Les congressistes ont émis le vœu que la ré-
forme Ribot-Bourgeois soit rendue générale,
au'ils soient admis à prendre leur retraite à
cinquante-cinq ans et que les répétiteurs des
collèges bénéficient d'une situation identique
à celle de leurs collègues des lycées.
Dp FETE PATRIOTIQUE
au Grand-Palais
Présentation des cavaliers
du raid hippique
L'Union des sociétés d'équitation militaire
de France donnait hier, au Grand-Palais, sa
neuvième fête fédérale. Ce fut l'occasion
pour un public immense de manifester son
patriotisme comme son admiration pour les
remarquables cavaliers que sont les officiers
des troupes de réserve. La présentation des
concurrents du raid autour de Paris, qui s'é-
tait triomphalement achevé la veille à Baga-
telle, fut motif à des acclamations ardentes,
et de même furent fêtés avec enthousiasme
les officiers de l'active, ceux prestigieux
de l'école de Saumur et les élèves cava-
liers des sociétés fédérales.
En la présence de Mme Poincaré et sous
la présidence de M. Etienne, ministre de la
guerre, qu'entouraient les généraux Duches-
ne, Michel, Ménestrel, Kirgener de Planta,
de Sesmaisons, de Vibraye, Poulleau, Cler-
gerie, Graziani, Bigot, Silvestre, Ebener, de
Noue, Lachouque, Leddet- Marion, Pau, Bri-
doux, Gaillard-Bournazel, Perruchon, Cha-
pel et de Lastours, la fête commença,
à deux heures, par une reprise fédérale
que dirigeait le lieutenant de réserve de Cu-
verville, du 1- chasseurs puis les huit so-
ciétés classées premières dans 'chacune des
divisions du concours de voltige exécutèrent,
de pied ferme d'abord et ensuite au galop,
les plus périlleux^ exercices d'agilité et de
souplesse.
La foule compacte des tribunes les récom-
pensa d'une longue ovation. La présentation'
dcs concurrents du raid fut, nous l'avons dit,
le prétexte à de frénétiques bravos et les
spectateurs furent rendus attentifs par les
pathétiques finales de la coupe de sabre à
cheval. D'impavides officiers s'abordèrent
avec impétuosité comme dans ces corps à.
corps héroïques que fixa avec tant de fou-
gue le peintre Détaille. Un lancier fut, pour
finir, attaqué par deux sabreurs et ce duel
émouvant dans lequel le lancier succomba
sous le choc furieux du lieutenant Escudier,
du le" cuirassiers ce même lieutenant qui
remporta la victoire l'an dernier, dans le
raid organisé par le ministre de la guerre
avec le concours du Mati& fut vigoureuse-
ment applaudi.
Une reprise de manège par des officiers de
réserve, sous la conduite du chef d'escadrons
Godeâu et à laquelle participèrent quarante-
huit officiers des diverses armes à cheval,
nous a permis d'admirer leur science et.la
discipline de leurs montures. Des officiers
d'artillerie et de cavalerie de l'armée active,
commandés par le lieutenant-colonel.de Col-
bert-Turgis, en une reprise de haute école,
furent acclamés avec chaleur par le public
dont l'enthousiasme s'exaspéra.lorsqu'appa-
rurent impeccables sur leurs magnifiques
chevaux et officiers et sous-officiers de l'éco-
le d'application de Saumur.
La séance prit' fin sur une reprise de sauts
de haies par des officiers de réserve sous la
conduite de M. Godeau, écuyer en chef de
l'Ecole de guerre, qui montrèrent de précieu-
ses qualités d'ensemble.
La musique du 5° régiment d'infanterie
prêtait son concours à cette belle fête de
l'armée et disons que si les spectateurs pro-
diguèrent des louanges à ceux qui leur don-
naient ce spectacle rare, le ministre et les
généraux ne leur ménagèrent pas les féli-
citations.
LES DIMANCHES
DU CITOYEN COCHON
Celui qui voua sa vie à rendre la vie im-
possible aux concierges ignore les loisirs
dominicaux et les repos fériés.
Quoiqu'ils eussent régulièrement payé leur
terme, deux locataires de la rue Chabanais
s'étaient récemment vu refuser l'autorisation
de déménager.
Ils s'adressèrent au citoyen Cochon. La
concierge ne voulut point écouter ses
conseils.
Houspillée, la providence des locataires »
demanda à s'expliquer au commissariat de
police. Là elle obtint gain de cause, et ce fut
sous la protection de trois agents qu'elle re-
vint rue Chabanais, se fit ouvrir la porte et
effectua le déménagement
Ceci, c'est le premier exploit de la journée
d'hier. Voici les quelques autres.
A la tête de sa fanfare, M. Cochon orga-
nisa ensuite trois « raffuts » contre d'autres
concierges récalcitrantes qui sévissent, 73,
avenue d'Allemagne, 19, rue Burnouf et rue
de l'Ourcq.
Amené au commissariat ponr scandale
sur la voie publique- il fut relâché aussitôt
et regagna ses pénates avec sa musique.
Drame dans une maison de santé
Un ancien antiquaire, M. de Vergne, en
traitement dans une maison de santé, rue
de la Mairie, à Iyry, recevait hier la visite
de sa femme, qui demeure à Paris, 42, rue
d'Artois.
Pris soudain d'un accès de folie furieuse,
le malade saisit une pince de fer qui se trou-
vait sous sa main et en porta un coup terri-
ble à Mme de Vergne.
On se précipita. Le dément fut maîtrisé
l'état de la victime est des plus graves.
Mort subite d'un prêtre devant l'autel
Toulouse, 30 mars. Dépêche particulière
du « Matin ». Cet après-midi, à Rabastens,
avait lieu lieu la remise de la médaille com-
mémorative aux combattants de 1870. Une
cérémonie religieuse avait été organisée à l'é-
glise Notre-Dame. Le curé doyen venait de ter-
,miner sa patriotique harangue quand soudain,
regagnant sa place, il tomba foudroyé d'une
attaque d'apoplexie devant le maître-autel.
0 a a. a a tXstlUD
& NOUVELLES
INDISCRÉTIONS COMMUNIQUÉS
LE concours Lépine. On sait l'inté-
rêt que portait M. Lépine à l'Asso-
ciation des petits fabricants et inventeurs
français, fondée en 1901 par les exposants
du concours auquel le préfet de police
avait ¡onné son nom.
Ces modestes et industrieux créateurs
s'inquiétèrent fort quand ils apprirent la
retraite de leur mécène. Qui, désormais,
s'intéresserait à eux ?
Les voici maintenant tranquillisés, et
c'est M. Lépine lui-même qui a tenu à leur
rendre le calme.
Ma sympathie vous demeure, tout.
aussi vigilante, a-t-il déclaré aux délégués.
de la société. Du reste, celle de mon suc- K
cesseur vous est acquise, sachez-le, et un
autre ami vous reste à la préfecture en la
personne de M. Laurent, le secrétaire gé-
néral.
Les petits fabricants s'en furent, tout
émus.
UhE FERMIÈRE du Caret, dans la banlieue
de Marseille, Mme Campourcy, pos-
sède une petite poule, âgée d'un mois et
demi, qui est un véritable phénomène.
Elle a quatre pattes et deux cloaques, v
D'autre part, à Niverville, par Saint4
Cloud-en-Dunois (Eure-et-Loir), chez Ml
Désiré Chaillou, une vache aurait mis an
monde um veau faut-il dire un veau ? –4
avec des pattes et une tête de mouton et
une « toison M mélangée laine et. soié.
DEUIL
On annonce la mort "H
m De M. Louis Pierson, décédé à Paris, à
l'âge de quatre-vingt-onze ans, et qui avait été
le collaborateur de l'inventeur Daguerre et
l'un des premiers vulgarisateurs de l'industrie
photographique 1
vw Du marquis Gonzalac d'Exéa, ancien f
officier, décédé à Lézignan, à l'âge de soixan- ̃
te-quinze ans y
vw Du colonel en retraite Henri Blanc, com- {
mandeur de la Légion d'honneur, décédé 'a
Monistrol-sur-Loire (Haute-Loire).
vw On annonce la mort de M. Salomon J.
Halfon, décédé à Bucarest, dans sa 68" année.
De la part de Mme S.-J. Halfon, M. et Mme Ma-
nolo Halfon, M. et Mme .Edmond Cahen, M. et
Mme Henri Fuchs et leurs filles, Mme Auguste
Mende et sa fille, M. Raphael Halfon, Mlle
Lalla Halfon, Mme Isidore Halfon sa femme j
et ses fils, filles, belle-fille, gendre, petites-fil-
les et belle-sœur.
vw Les familles Bloch, de Paris et de.Nîmes;
Ulmo, de Nimes Lévy, de Lyon, font part du t
décès de leur père, M. Cerf-Bloch, négociant à
Nîmes, survenu le 23 courant.
Il n'a pas été envoyé de lettre.
Avant de commander vos vêtements,
passez boulevard des Italiens, voir
les nouveautés de la saison chez le tailleur
Lejeune. Ses complets et pardessus à 80 f )
francs sont des merveilles d'élégance.
L'administration Dufayel vend par abon*
neinent au même prix qu'au comptant
dans plus de sept cents magasins de Paris
et de province. La brochure explicative est L
envoyée franco. ni
CHÉRI-BlBI.
Walk upstairs.
« Mais avez-vous jamais vu une huître
monter les escaliers ? dit un refrain po-
pulaire du Kentucky.
Il semble, en effet, que pour un lameffi-
branche, si entreprenant soit-il, cet. exer-
cice, cependant si banal, représente le com-
ble de la difficulté.
Hélas i l'huître aurait plus t6t fait d'at-
teindre le suprême degré'de l'impossible
échelle, que les forçats encaqués dans leur
cage grillée, sous l'œil à bout portant et
le revolver perçant des artoupans, de pro-
férer une parole, ébaucher un geste qui
passent inaperçus.
Et cependant, bravant les cadenas et les
grilles, les revolvers et la mort certaine,
quelqu'un mais qui ? ange, femme
ou oiseau? s'est introduit dans la cage
pour y apporter, quoi ?. la chose la plus
extraordinaire, la plus impossible à devi- •'
ner.–
/Concours DES BRAVES GENS. En cin-
w quième page la liste des prix.
/concours DE L'ALPHABET. L'cnvc-
loppe et sa solution sont inséparables.
(Voir en sixième page.)
Les avantages de Wood-Milne
Une démarche souple et élégante ajoutée
au bon état constant de la chaussure. Exi-
ger Wood Milne spécial imprimé sur chaque
talon caoutchouc pour avoir la' première qua-
lité. Hommes, 1,50 dames, 1,25 la paire.
Le « TIP » remplace le beurre
dont il a l'apparence et la saveur
Le tt Tip » se conserve mieux que le beurre
Livraison à domicile dans tout Paris
AUGUSTE Pellerin, 82, rue Rambuteau, Paris.
FEUILLETON DU «MATIN»
DU 31 MARS 1913
Pardaillan,
et Fausta
GRAND ROMAN INÉDIT
par Michel ZÉVACO
'XXXVI
-LE TRIOMPHE DU CHKO
(Suite)
Le moins qui pouvait lui arriver était
'd'aller méditer durant quelques mois dans
les casas satlias ou prisons de l'inquisition,
lesquelles regorgeaient toujours de monde.
Aussi le peuple avait-il adopté d'instinct la
tactique qui lui paraissait la plus simple et
la meilleure il attendait que les courti-
sans, généralement bien renseignés, lui in-
diquassent ce qu'il avait à faire sans
crainte de froisser la susceptibilité royale.
Selon que les courtisans applaudissaient
ou restaient froids, selon qu'ils approu-
vaient ou huaient, le peuple faisait chorus,
en exagérant, bien entendu.
Les courtisans savaient que le Torero était
condamné. Lorsque sa silhouette élégante se
détacha, seule au milieu de l'arène, au lieu
de l'accueillir par des paroles encouragean-
au lieu de l'exciter à bien combattre,
comme on le faisait habituellement pour les
autres champions, un silence mortel s'éta-
blit soudain.
Tous droits de reproduction, de traduction, est
à adaptation réservés pour tous pays.
Copyright fcy Michel Zevaeo 1912.
Le peuple, lui, ignorait que le Torero fut
condamné ou non. Ceux qui savaient étaient
des hommes à Fausta ou au duc de Castra-
na, et ceux-là étaient bien résolus à le soute-
nir. Or pour ceux qui savaient, comme pour
ceux qui ne savaient pas, le Torero était une
idole. C'était lui surtout que depuis de lon-
gues heures ils attendaient avec une impa-
tience sans cesse grandissante. Le silence
glacial qui pesa sur les rangs de la noblesse
déconcerta tout d'abord les rangs serrés du
populaire. Puis l'amour du Torero fut le plus
fort puis l'indignation de le voir si mal
accueilli, enfin le désir impérieux de le ven-
ger séance tenante de ce que plus d'un consi-
dérait comme un outrage dont il prenait sa
part..
Le Torero, immobile au milieu de la pistes
perçut cette sourde hostilité d'une part, cette
sorte d'irritation d'autre part. Il eut un sou-
rire dédaigneux mais, quoi qu'il en eût, cet
accueil, auquel il n'était pas accoutumé, lui.
fut très pénible.
Comme s'il eût deviné ce qui se passait en
lui, le peuple se ressaisit et bientôt une ru-
meur sourde s'éleva, timidement d'abord,
puis se propagea, gagna de proche en pro-
che, s'enfla et finalement éclata en un ton-
nerre d'acclamations délirantes. Ce fut la ré-
ponse populaire au silence dédaigneux des
courtisans.
Réconforté par cette manifestation de
sympathie, le Torero tourna le dos aux gra-
dins et à la loge royale et salua, d'un geste
gracieux de son épée, ceux qui lui procu-
raient cette minute de joie sans mélange.
Après quoi, il fIt face au balcon royal et
d un geste large, un peu théâtral un
geste à la Pardaillan, qui amena un sourire
d'approbation sur les lèvres de celui-ci
il salua le roi qui, rigide observateur des
règles de la plus méticuleuse des étiquettes,
se vit dans la nécessité de rendre le salut à
celui qui, peut-être, allait mourir. Ce qu'il
fit avec d'autant plus àe froideur qu'il avait
été plus sensible à l'affront- du Torero sa-
luant la vile populace avant de le saluer, lui,
le roi.
Ce geste du Torero, froidement prémédité,
qui dénotait chez lui une audace rare, ne,
fut pas compris que du roi et de ses courti-
sans, lesquels firent entendre un murmure
réprobateur. Il le fut aussi de la foule, qui
redoubla ses acclamations. Il le fut surtout
de Pardaillan qui, trouvant là l'occasion
d'une de ces bravades dont il avait le se-
cret, s'écria au milieu de l'attention géné-
rale j
Bravo, don César
Et le Torero répondit à cette approbation
précieuse pour lui par un sourire signifi
catif.
Ces menus incidents, qui passeraient
inaperçus aujourd'hui, avaient alors une
importance considérable. Rien n'est, plus
fier et plus ombrageux qu'un gentilhomme
espagnol. Le roi étant le premier des gen-
tilshommes, narguer ou insulter le roi c'é-
tait insulter toute la gentilhommerie. C'était
un crime insupportable, dont la répression
devait être immédiate. Or cet aventurier de
Torero, qui n'avait même pas un nom, dont
la noblesse tenait uniquement à sa profes-
sion. de ganadero qui anoblissait alors, ce
misérable aventurier s'était permis de vou.
loir humflier le roi. Cette tourbe de vils ma-
qui piétinaient, là-bas, sur la place,
s'était permis d'appuyer et de souligner de
ses bravos l'insolence de son favori. Enfin
cet autre aventurier étranger, ce Français
que faisait-il en Espagne, celui-là, et de
quoi se mêlait-il ? était venu à la res-
I cousse. Par la Vierge immaculée par -la
Trinité sainte par le sang du Christ voici
qui était intolérable et réclamait du sang
Les têtes s'échauffaient, les yeux fulgii-
raient, les poings se çrispaient sur les poi-
gnées. dès ragues et des épées, les lèvres
frémissantes proféraient des menaces et des
insultes. Si une diversion puissante ne se
produisait à l'instant même, c'en était fait
les courtisans se ruaient le fer à la maiu
sur la populace, et la bataille s'engageait
autrement que n'avait décidé d'Espinosa.
Cette diversion, ce fut le Chico qui, sâns
le vouloir, la produisit par sa seule pré-
sence.
A défaut d'autre mérite, sa taille minus-
cule suffisant à le. signaler à l'attention de
tous, le nain était connu de tout Sévilîe.
Mais si, sous ses haillons, sa joliesse na- j
turelle et l'harmonie parfaite de ses formes;)
de miniature forçaient l'attention au pont
qu'une artiste raffinée comme Fausta avait
pu déclarer qu'il était beau, on imagine ai- j
sèment .l'effet qu'il devait produire,' ses
charmes étant encore rehaussés par l'éclat
du somptueux costume qu'il portait avec
cette élégance native et cette fière aisance
qui lui étaient particulières. Il devait être
remarqué. Il le fut. Il avait dit naïvement
qu'il espérait faire honneur à son nobl"
maître. Il lui fit honneur, en effet. Et, qui
mieua est, il conquit d'emblée les faveurs
d'un .public railleur et sceptique qui n'ap-
préciait réel'ement, que la force et la bra-
voure. Pour détourner l'orage prêt à écla- j
ter, il suffit qu'une voix, partie on ne sait j
d'où, criât Mais c'est El Chico Et
tous les yeux se portèrent sur lui. Et no-
blés et vilains, sur lé point de s'entre-dé-
chirer, oublièrent leur ressentiment et, unis
dans le sentiment du beau, se trouvèrent
d'accord dans l'admiration.
L'incident du salut du Torero fut oublié.
Le Torero lui-même se trouva, un instant,
éclipsé par son page. Le branle étant danné
par la voix inconnue, le roi ayant daigné i
sourire à la gracieuse réduction d'homme, j
les exclamations admiratives fusèrent de
toutes parts. Et les nobles dames qui s'ex-
tasiaient n'étaient pas les dernières ni les
moins ardentes. Et le mot qui voltigeait sur
toutes les lèvres féminines était le même,
répété par toutes les bouches « Poupée
Mignonne poupée Poupée adorable Pou-
pée encore, toujours.
Jamais le Chico n'avait osé rêver un tel
succès. Jamais il ne s'était trouvé à pareille
fête. Car il était assez glorieux le petit bout
d'homme, et sur ce point il était, malgré ses
vingt ans, un peu enfant. Faut-il lui jeter
la pierre pour si peu ?
S'il était ainsi et non autrement, nous,n'y
sommes pour rien et c'est tant pis pour lui
s'il perd dans l'esprit du lecteur.
Aussi fallait-il voir comme il se redressait
et de quel air crâne il tourmentait la poi-
gnée de sa dague. Et cependant dans son
esprit une seule pensée, toujours la même,
passait et repassait avec l'obstination d'une
obsession
Oh si ma petite maîtresse était là 1
Si elle pouvait voir et entendre Si elle
pouvait comprendre enfin que je suis hom-
me et que je l'aime de toutes les forces de
mon cour d'homme Si elle était là, la ma-
done que j'adore, celle qui est toute ma vie
et pour qui je donnerais jusqu'à la dernière
goutte de mon sang Si elle était là 1
Elle était là pourtant, la petite Juana Là,
perdue dans la foule, et si le Chico ne pou-
vait la voir, elle, du moins, elle le voyait
très bien. Elle était là, et elle voyait tout et
entendait tout ce qui se disait, tous les com-
pliments qui tombaient dru comme gréle sur,
son trop timide amoureux Et elle voyait les
jolies lèvres des nobles et hautes et si bel-
les damas qui s'extasiaient. Et elle voyait
même très bien ce que ne voyait pas le naïf
Chico, perdu qu'il était dans son rêve d'ado-
ration c'est;.à-diro les coups d'oeil langou-
reux que ces mêmes belles dames ne crai-
gnaient pas de jeter effrontément sur son
pâtirais.
Ce jour-là, en vue de la course que pour
rien au monde elle n'eût voulu manquer, en
bonne Andalouse qu'elle était, la petite et
toute mignonne Juana avait endossé sa plus
belle et sa plus riche toilette des grandes
fêtes carillonnées. Et comme nous savons
-combien elle était coquette, comme son di-
gne père ne regardait pas à la dépense dès
1 qu'il s'agissait de cette enfant gâtée, joie et
¡prospérité de la maison, c'est dire si elle
était resplendissante.
Parée comme une madone, elle avait ren-
contré le sire de Pardaillan, lequel, sans
paraître remarquer sa rougeur- et sa confu-
sion ni son émotion, pourtant très visible,
l'avait doucement prise par la main, l'avait
entraînée dans ce petit cabinet où elle était
chez elle et s'y était enfermé seul à seule.
Que dit Pardaillan à la petite Juana; qui
paraissait si émue quand il l'entraîna ainsi' ♦*
C'est ce que la suite des événements nous
apprendra peut-être. Tout ce que nous pou-
vons dire pour l'instant, c'est que l'entre-
tien fut plutôt long et que la petite Juana
avait les yeux singulièrement rouges en
sortant du cabinet.
Du moins la nourrice Barbara en jugea
ainsi. Cette nourrice adorait sa maltresse,
ne la quittait pas d'une semelle et faisait
toutes ses volontés. Mais elle avait ceci de
particulier, c'est que .quoi que dit ou fît
Juana. les choses les plus futiles ou les
plus naturelles, Barbara grondait, grognait,
en appelait aux saintes et à ta Vierge, est
se refusait obstinément à admettre ce
qu'elle lui disait. Juana paraissait-elle re-
noncer ou se rétracter, immédiatement la
matrone grondait de plus belle, se répandait
en imprécations, en vitupérations farou-
ches, sans s'apercevoir qu'elle défendait
avec acrimonie ce qu'elle avait combattu imk_
l'instant d'avant, ou inversement. Juana
connaissait cette manie. Elle connaissai
aussi l'affection et le dévouement sinçèreà
de la brave femme. Elle souriait doucement,
laissait dire et agissait à sa guise.
(A suivre.)
̃ LE MATIN
«̃̃? 31 3 13
Oéecupez ce sol et conservez.le scigneusement
offre à ses lecteurs
ni MILLION EN 1913
250.000 FRANCS en ESPÈCES
̃ SIX CONCOURS.
Découpez en suivant te pointait
PROCHAIN concours AVRlL
"LES BRAVES GENS"
(2OO.ÛOO1r. de prix dont 60.008 fr. en espèces)
CONSERVEZ SOIGNEUSEMENT la
sétie de ces bons qui pourront être
«*f;1am*y pour l'un quelconque des
Concours du Million
{SOTIE DE NOTRE ARTICLE DE l^PAGE, 8'COMMUE!
que copieuses. Successivement défilèrent de-
vant le président de la République le conseil
général, la cour d'appel, l'université, le
conseil municipal, les tribunaux de pre-
mière instance et de commerce, les cham-
bres de commerce, les fonctionnaires des
contributions, des douanes, de l'enregistre-
ment, des postes, les instituteurs, les insti-
tutrices, l'armée enfin, sans compter les mul-
tipfôs délégations d'innombrables corps et
sociétés.
'A tous les compliments qu'on lui adres-
sait, M. Poincaré répondit par quelques pa-
roles heureuses. Il rappela aux magistrats
qu'il avait plaidé devant eux. Il évoqua de-
vant les universitaires le glorieux passé de
tour école de médecine,' de leur école de' droit
et'.le temps où lui-même, ministre de l'ins-
truction publique, organisait les facultés pro-
vittciales. Il félicita les instituteurs de res-
pecter cette chose sacrée la conscience de
l'enfant et vanta leur fidélité à la Républiqüe
et leuf culte de la patrie. Au général Fau-
rie qui saluait en lui le populaire capitaine de
chasseurs, il dit quels liens profonds l'atta-
«shaient à l'armée et combien il était heureux
.d'avoir appris à la caserne le dévouement à
la patrie, à laquelle nul ne ménagerait les
sacrifices le jour où elle serait attaquée dans
son territoire, son honneur ou ses droits. Il
embrassa sur ses deux joues émerillonnées
ime petite fille qui lui apportait, avec un pur
accent de terroir, les vœux des dames de la
halle et des fleurs pour Mme Poincaré. Il as-
sura enfin les maires du département, venus
en députation, de la reconnaissance du gou-
vernement pour leur zèle et leur dévoue-
ment aux institutions républicaines. Les
maires répondirent par des cris nourris de
« Vive le président Poincaré I »
Un joli geste
.La deuxième station de la matinée eut lieu
au théâtre. Toutes les sociétés étaient mas-
sées avec leurs bannières sur la grand'place.
M. Poincaré parut au balcon. Des applaudis-
sements frénétiques l'accueillirent. Il se
pencha alors vers la foule et, de sa ferme
voix aux sonorités métalliques, il cria
chers anais, de ce spectacle j'empor-
terai un souvenir tttoubliable ,dans mes
yeux et dans mon coeur. Vive la mutualité
Vive la République Vive la Fiance
Il faut renoncer à décrire quelle ovation
suivit ces paroles.
Le prince de Monaco, sur ces entrefaites,
était arrivé en automobile et il vint prendre
place à la droite de- M. Poincaré' sur la
scène du théâtre. Les mutualistes faisaient
,salle comble. De dix heures et demie à midi
et quart, ils entendirent sept discours.
Le maire, M. Pezet, salua ses hôtes au-
gustes et notamment le président de la Ré-
publique, qu'il qualifia d'apôtre éloquent
de l'association dans la liberté. M. War-
itery, président du congrès, retraça l'œuvre
féconde accomplie par la mutualité dans ses
diverses assises à Nantes, à Nancy, à Mont-
pellier. M. Léopold Mabilieâu, président de
la Fédération nationale, obtint un vif suc-
cès en rappelant que le président de la Ré-
publique est, de droit et de tradition, le pre
mier mutualiste de France, et en accrochant
au revers d'habit de M. Poincaré la médaille
d'or qu'il porta jusqu'au soir. M. Lairolle,
rapporteur général du congrès, recueillit de
particuliers applaudissements lorsqu'il af-
firma que l'élection de M. Poincaré répon-
dait au vœu unanime du pays. M. Chéron,
ministre du travail, voulut prouver par des
chiffres le magnifique essor de la mutualité
française- Il. dit les bienfaits de la loi du
1*r avril 1898, qui permit aux sociétés de se-
cours mutuel, qui étaient à peine onze mille,
d'approcher aujourd'hui de vingt-cinq mille,
de grouper près de six millions de membres,
de disposer de 612.000.000 de francs et de
réaliser la belle parole de Waldeck-Rous-
seau :•<( Apprendre aux hommes à s'aimer
et à s'aider. » Il termina en passant en re-
vue les questions traitées au présent
congrès invalidité, collaboration de la mu-
tualité aux retraites, habitations à bon mar-
ché, chômage involontaire, assistance.
Le prince de Monaco parla à son tour. Il
vanta les deux influences les plus moralisa-
trices et généreuses de l'esprit moderne
l'arbitrage et la mutualité.
LE PRINCE DE MONACO
FAIT UNE COMPARAISON ÉDIFIANTE
ENTRE LES PEUPLES
Il montra la continuité de l'oeuvre de ci-
vilisation et de science qu'il avait lui-même
entreprise eh créant l'institut océanogra-
phique.
Et je suis venu chez vous, dit le prince de
Monaco, séduit par l'exemple d'une grande
nation qui sait, tout à la fois, marcher vers
'a solution des problème spciaux et répon-
dre aux agitations qu'une mentalité moins
sereine fait maître chez des peuples faible-
ment éclairés sur le véritable sens de la vie
internationale chez ceux qui n'ont pas en-
core compris que le préstige, la gloire et une
prospérité solide viénnent plutôt par l'adou-
cissemerct des mceurs que par t'vsage de la
force..
Je suis veltu contempler le spectacle viril
de vos masses, gagnées aux devoirs nou-
veaux que l'esprit de sotiddrité impose, et
assez courageuses pour affirmer, devant les
ambitions déchaînées, en tant de lieux où le
sang et la ruine des hommes ne comptent
plus, l'énergique résotution de continuer vo-
tre lutte avec l'erreur, l'ignorance et l'in-
justice.
Mutualistes, stimulez
les énergies
Enfin M. Poincaré se leva Il se félicita
d'être, au début de sa carrière présidentielle,
enveloppé de sympathies mutualistes et de
se retremper dans le courant de la fraternité.
Sorti des profondeurs mêmes du peuple, il
salua le prince dont la pensée, attentive à
toutes les forces du progrès, se partage en-
tre la science de la nature et la recherche
des améliorations sociales. Il affirma aux
mutualistes qu'il leur apportait mieux que
lé témoignage un peu froid d'une sollicitude
officielle et dit combien, au cours de sa car-
rière politique, il avait toujours pris une
part effective et directe aux œuvres mutua-
listes. Après avoir, dans le haut et noble
langage dont il est coutumier, défini l'âme
de la mutualité, le président de la Républi-
que rappela l'aide prêtée au gouvernement
par les sociétés mutuelles dans l'applica-
tion de la loi des retraités ouvrières et il
les félicita de leur lutte généreuse contre les
fléaux sociaux tuberculose, paupérisme,
dépopulation, alcoolisme, logis insalubres. Il
conclut au milieu des applaudissements pro-
longés
Poursuivez, messieurs, votre campagne ci-
vilisatrice, expliquez partout les mérites de
la prévoyance et les bienfaits de la mutualité,
échauffez les coeurs, éclairez les esprits, sti-
,mule-- les énergies. La République qui vous
connait et qui vous voit à l'œuvre attend
encore beaucaup de votre expérience et de
votre bonne volonté. Reconnaissante de vos
services passés, elle a foi en vous et es-
compte avec une gratitude nouvelle,
vos services futurs. Je suis heureux de vous
exprimer ses remercierrténts pour hier et
pour demain, ses encouragements.
Un banquet monstre
Sur le parcours du théâtre, au manège
d'artillerie, où devait avoir lieu le banquet,
se trouvait la clinique de la mutualité. M.
Poincaré s'y arrêta quelques instants, puis
il se rendait dans la vaste salle où 2.500
convives l'attendaient et l'acclamèrent avec
cette vivacité dont le tempérament méridio-
nal possède le secret.
Là encore, au dessert, des discours furent
prononcés. On entendit de nouveau le mai-
re, M. Pezet, dire à M. Poincaré qu'avant
d'être rélu de l'Assemblée nationale, il était
celui du peuple tout entier et saluer en lui
le grand citoyen ardemment épris de paix,
mais résolu à faire respecter jalousement
notre honneur national.
On applaudit aussi l'évocation d'une au-
tre visite présidentielle, celle dé M. Fal-
lières, qui, pour n'avoir donné lieu à au-
cune réjouissance publique, apporta néan-
moins le réconfort aux malheureux vigne-
rons frappés par l'un des plus cruels fléaux
qui puissent atteindre l'agriculture.
De nouveau aussi, M. Warnery, pré-
sident du congrès, se félicita d'avoir, pen-
dant ces quelques jours, dirigé des travaux
si utiles a l'expansion de la mutualité.
Ce. n'est pas sans émotion et sans fierté
que le président du 11e congrès se fait le
porte-parole et d'interprète des sentiments
cours mutuels et des 6 millions de mutua-
listes « pour le grand citoyen que des ser-
vices éminents ont appelé à la première
magistrature de la République, pour l'ami
de la mutualité qui leur donne une marque
éclatante de .sa sympathie H.
C'est, a-t-il ajouté, cette armée d'élite,
unanime dans son loyalisme, unanime dans
son désir de • bien faire, et de faire le bien,
que vous apportez aujourd'hui un témoi-
gnagP précieux de votre estime et de votre
confiance.
Estime pour les services qu'elle a essayé
de rendre, mais surtout pour avoir contri-
bvaé à t'éducation nationale en exaltant t'ef-
fort combiné et discipliné, naais au service
de la prévoyance et de l'esprit de sacrifice
c'est bien là en effet L'enseignement mu-
tualiste, et si dans des heures difficiles,
comme belles que nous traversons, de nou-
veaux efforts doivent étre dentandés au
paors, le gouvernement de la République
peut être assuré que ce n'est pas dans les
rangs des mutualistes que se produiront des
défections. Tous ils feront avec joie tes ef-
forts nécessaires à Vlumneur et au salut de
la patrie.
LEDISCOURS DE M. POINGARE
AU BANQUET DES MUTUALISTES
Le brouhaha inévitable d'une si nombreuse
assemblée couvrit quelquefois la, parole des
orateurs, "mais seulement jusqu'au mom'ent
où le président de la ilépublique se leva. On
vit alors, des tables les plus lointaines, les
mutualistes accourir vers la table d'honneur
et se dresser en foule recue:llie et silencieu-
se pour ne rien perdre des paroles du chef
de l'Etat Ils eurent raison, car M. Poincaré
lui-même prononça rarement un discours
plus élevé de pensée, plus achevé de forme
et peut-être jamais n avait-il obtenu d'une
foule populaire un plus grand, un plus en-
thousiasté succès.
Messieurs,
Je suis profondément ému du chaleu-
reux accueil que m'ont fait, depuis ce
matin, en même temps que les membres
du congrès mutualiste, les habitants de
Montpellier et les républicains de l'Hé-
rault.
Malgré les éloges qu'ont bien voulu me
décerner, tour à tour, en termes trop flat-
teurs, M. le maire Pezet et M. le prési-
dent Warnery, je sens bien que ces ma-
nifestations de sympathie dépassent de
beaucoup ma personne et s'adressent sur-
tout à la magistrature que j'exerce. Dans
une démocratie maîtresse de ses desti-
nées et justement flère de se gouverner
elle-même, les hommes ne sont jamais
que les images momentanées des idées
et si le président de la République
trouve parmi vous une bienveillance si
empressée, c'est surtout parce qu'il re-
présente à vos yeux, sous une forme
presque impersonnelle et anonyme, un
régime qui a donné à la France plus de
quarante années de paix et de prospé-
rité. Au poste de confiance que lui assi-
gne l'Assemblée nationale, il n'est que
le premier serviteur de la Constitution
et des lois.
Jamais mieux qu'aujourd'hui, mes-
sieurs, jamais mieux qu'après le magni-
fique congrès qui vient de $e tenir à,
Montpellier, nous ne serons à même de
mesurer les étapes du progrès républi-
cain.
Les sociétés mutuelles, filles de l'or-
dre et de la liberté, n'ont pu grandir
qu'au plein air. Comparez-les aux vieux
compagnonnages, qui traînaient jadis
une existence inquiète et misérable et
qui étouffaient sous le poids d'une ré-
glementatiop tracassière. Comparez-les
aux malheureuses associations qui cher-
i chaient à naître dans la première moitié
du dix-neuvième siècle et qui se heur-
taient aux prohibitions du code pénal.
Comparez-les même aux mutuelles qui
ont commencé d'apparaître à l'abri de
la loi de 1850 et qui étaient encore si
timides, si chétives et si dispersées.
Opposez à ces pauvres souvenirs la
réalité vivante et voyez ce que, sous les
auspices d'un gouvernement libre, a pu
devenir une institution qui avait si long-
temps végété.
La mutualité, qui porte en elle l'em-
bryon d'une organisation sociale spon-
tanée et à qui seul l'instinct populaire
donne le frémissement de la vie, ne
reçoit son développement naturel que
dans un milieu propice aux. initiatives
privées, et les efforts individuels, qui
risquent de se briser dans une sociétés
hostile ou indifférente, ne déploient
toute leur puissance qu'à la chaleur du
1 sentiment public.
Aujourd'hui que lève, de toutes parts,
la riche moisson que vous avez semée,
vous rendez largement à la République
ce qu'elle vous a donné.
Partout où vous passez, vous ensei-
gnez les vertus qui peuvent le mieux
cimenter l'union nationale et vous faites
souffler, dans toutes les provinces, l'es-
prit de concorde et de fraternité.
Certes, vous avez tous vos convictions
politiques, car des hommes qui. n'au-'
`raient pas d'opinion précise sur les cho-
ses de leur temps seraient indignes du
titre de citoyen. Certes, en dehors.de vos
sociétés, vous défendez parfois vos idées
avec passion et vivacité car l'ardeur
des controverses, est l'inévitable rançon
de l'activité intellectuelle d'un pays. Mais
dans vos œuvres mutualistes vous ou-
bliez tout ce qui vous divise, vous vous
souvenez seulement de ce qui vous rap-
proche.
Pour mieux travailler à l'unité de la
France, vous vous êtes constitués sur le
modèle de la France. Chacun de vous
aime la petite société dont il fait partie.
comme le paysan aime son village, com-
me l'ouvrier aime son faubourg mais
chacun de vous s'est attaché à la Fédé-
ration nationale comme à la grande pa-
trie de la mutualité.
Bien loin que ces affections, en se su-
perposant dans vos cœurs, s'y détrui-
sent ou s'y affaiblissent, elles s'y sou-
tiennent réciproquement et s'y fort.ifient.
Vous parliez tout à l'heure, monsieur
le maire, de ma chère Lorraine. Là-bas,
sous un ciel un peu plus pâle que le
vôtre, derrière la ligne bleue des forêts,
par-delà les coteaux modérés où se
meurt une vigne amaigrie, j'ai, sans
doute, laissé des souvenirs que rien ja-
mais n'effacera. Mais si fidèle qu'il soit
à son pays natal, le Lorrain a toujours
devant les yeux la lumineuse vision de
la France.
Et vous, messieurs, vous qui vivez ici
sous un climat plus favorisé, vous qui
habitez cette belle cité et qui êtes fiers
de sa glorieuse histoire, vous qui culti-
vez la terre de Languedoc et qui, après
de si cruelles épreuves, avez enfin triom-
phé de la fortune contraire, vous restez
tous,attachés à votre sol par des racines
profondes et, dans les coutumes mêmes
que vous ressuscitez gracieusement
pour fêter ma présence, je retrouve les
,origines lointaines de vos sentiments
traditionnels.
ilais, si solides que soient ces attaches
séculaires, elles vous lient moins à vo-
tre petite patrie qu'à la France elle-
même et, plus celle-là vous est chère,
plus vous sentez celle-ci proche de vos
cœurs, plus elle vous paraît vivante,
douce et familière.
Puissent, messieurs, ne jamais tarir
les sources du patriotisme local C'est
dans leur eau limpide que votre con-
fiance a vu se refléter les traits de la
France maternelle c'est là que nous
avons appris à reconnaître et à aimer
l'image de notre commune patrie.
Je bois, messieurs, à la ville de Mont-
pellier je bois au département de l'Hé-
rault je bois à la France républicaine
une et indivisible
M. Poincaré quitta la salle du banquet
parmi la plus vibrante, la plus exubérante
des ovations.
Visites charitables
et fêtes champêtres
Il restait encore au programme deux cé-
rémonies, cérémonies prévues l'une gra-
cieuse et pittoresques, l'autre charitable
une fête champêtre et une visite à l'hôpital
suburbain. La fête eut pour cadre la fameuse
promenade du Peyrou, d'où, lorsque .o;
temps -est clair, on aperçoit la mer. Sous des
arceaux de verdure et de fleurs entrelacées,
des groupes de jeunes garçons et de jeunes
filles dansèrent, des grisettes en costume
languedocien récitèrent un compliment en
patois. Les grisettes montpell éraines sont
les sœurs des midinettes parisiennes. :A.
Poincaré les remercia en rappelant spiri-
tuellement l'étymologie qu'on voulut quel-
quefois donner il Montpellier Mons puella-
rurn « le mont des jeunes filles » et, quand
1 il voulut sortir du Peyrou, une telle foule
enthousiaste l'entourait et cherchait à le re-
tenir, que la rude bonhomie de M. Chéron et
l'autorté inquiète de M. Mollard eurent
grand'peine à lui frayer un passage.
De cinq à six heures, le président de la
République accorda sa sollicitude aux mala-
des de l'hôpital suburbain. il leur apporta
i les paroles de réconfort qui ont déjà fait si
grande sa popularité dans les hôpitaux de
Paris et il laissa cinq cents francs pour
1 l'amélioration de leur ordinaire. Il avait, au
cours de la journée, laissé déjà 3.000 francs
pour le bureau de bienfaisance de la ville.
Enfin M. Poincaré revenait à la préfecture
et, après quelques instants de repos les
premiers de la journée il reprenait, ji sept
heures son train spécial, encore acclamé et
fêté par une population telle que Montpellier
ne sé souvient pas d'en avoir jamais contenu
en un jour de si considérable.
i LES CONGRÈS
L'Amicale de la magistrature
L'Association amicale de la magistrature,
j qui compte aujourd'hui 1.376 membres, a tenu
1 hier son assemblée générale annuelle, sous la
présidence de M. Maurice Braibant, député,
président de l'association.
Huit cents magistrats étaient présents ou re-
présentés.
Le comité de l'association est composé com-
me suit, pour l'année 1913-1914
MM. Maurice Braibant, député, président
Albanel, conseiller à la cour d'appel de Paris
Meusmier, juge d'instruction à Montdidier
Proteau, procureur de la République à Arras,
vice.présidents Christophe, président hono-
raire du tribunal civil, secrétaire général Ra-
vier, juge au tribunal civil de Chàlons-sur-
Marie, trésorier général.
Membres du comité MM. Berger, ancien dé-
puté, procureur à Beauvais Brosson,juge à
Clermont-Ferrand Cabanes, procureur à Ar-
bois Camatte, vice-président à Marseilie
Cambacédès, conseiller à Bordeaux Char-
don, juge à Brest Chavartelop, conseil-
ler à Riom Coudert,< ancien directeur du
personnel au ministère de la justice,
conseiller à la cour d'appel de Paris
Drioux, juge d'instruction à Paris Fra-
chat, conseiller à la cour d'Amiens Haz, pro-
cureur de la République à Falaise Larnaudie,
président de chambre à la cour de Toulouse
Lespès, juge au tribunal civil d'Alger Mar-
neur, juge au tribunal civil d'Alger Maurice,
conseiller à la cour d'appel de Poitiers Pra-
det-Balade, juge d'instruction à Paris Prou-
haram, substitut à Paris Prenard, substitut
à Paris Robe, président de chambre à là cour
d'Alger Robardt, président à Montdidier.
Un banquet de clôture, présidé par le garde
des sceaux, aura lieu ce soir à l'hôtel Conti-
Les professeurs adjoints
Les professeurs adjoints et répétiteurs des
lycées viennent de tenir leur congrès au lycée
Louis-le-Grand.
Le nouveau bureau comprend M. Chaton,
président M. Fontaine, secrétaire général
M. Doumerc. trésorier, etc.
Les congressistes ont émis le vœu que la ré-
forme Ribot-Bourgeois soit rendue générale,
au'ils soient admis à prendre leur retraite à
cinquante-cinq ans et que les répétiteurs des
collèges bénéficient d'une situation identique
à celle de leurs collègues des lycées.
Dp FETE PATRIOTIQUE
au Grand-Palais
Présentation des cavaliers
du raid hippique
L'Union des sociétés d'équitation militaire
de France donnait hier, au Grand-Palais, sa
neuvième fête fédérale. Ce fut l'occasion
pour un public immense de manifester son
patriotisme comme son admiration pour les
remarquables cavaliers que sont les officiers
des troupes de réserve. La présentation des
concurrents du raid autour de Paris, qui s'é-
tait triomphalement achevé la veille à Baga-
telle, fut motif à des acclamations ardentes,
et de même furent fêtés avec enthousiasme
les officiers de l'active, ceux prestigieux
de l'école de Saumur et les élèves cava-
liers des sociétés fédérales.
En la présence de Mme Poincaré et sous
la présidence de M. Etienne, ministre de la
guerre, qu'entouraient les généraux Duches-
ne, Michel, Ménestrel, Kirgener de Planta,
de Sesmaisons, de Vibraye, Poulleau, Cler-
gerie, Graziani, Bigot, Silvestre, Ebener, de
Noue, Lachouque, Leddet- Marion, Pau, Bri-
doux, Gaillard-Bournazel, Perruchon, Cha-
pel et de Lastours, la fête commença,
à deux heures, par une reprise fédérale
que dirigeait le lieutenant de réserve de Cu-
verville, du 1- chasseurs puis les huit so-
ciétés classées premières dans 'chacune des
divisions du concours de voltige exécutèrent,
de pied ferme d'abord et ensuite au galop,
les plus périlleux^ exercices d'agilité et de
souplesse.
La foule compacte des tribunes les récom-
pensa d'une longue ovation. La présentation'
dcs concurrents du raid fut, nous l'avons dit,
le prétexte à de frénétiques bravos et les
spectateurs furent rendus attentifs par les
pathétiques finales de la coupe de sabre à
cheval. D'impavides officiers s'abordèrent
avec impétuosité comme dans ces corps à.
corps héroïques que fixa avec tant de fou-
gue le peintre Détaille. Un lancier fut, pour
finir, attaqué par deux sabreurs et ce duel
émouvant dans lequel le lancier succomba
sous le choc furieux du lieutenant Escudier,
du le" cuirassiers ce même lieutenant qui
remporta la victoire l'an dernier, dans le
raid organisé par le ministre de la guerre
avec le concours du Mati& fut vigoureuse-
ment applaudi.
Une reprise de manège par des officiers de
réserve, sous la conduite du chef d'escadrons
Godeâu et à laquelle participèrent quarante-
huit officiers des diverses armes à cheval,
nous a permis d'admirer leur science et.la
discipline de leurs montures. Des officiers
d'artillerie et de cavalerie de l'armée active,
commandés par le lieutenant-colonel.de Col-
bert-Turgis, en une reprise de haute école,
furent acclamés avec chaleur par le public
dont l'enthousiasme s'exaspéra.lorsqu'appa-
rurent impeccables sur leurs magnifiques
chevaux et officiers et sous-officiers de l'éco-
le d'application de Saumur.
La séance prit' fin sur une reprise de sauts
de haies par des officiers de réserve sous la
conduite de M. Godeau, écuyer en chef de
l'Ecole de guerre, qui montrèrent de précieu-
ses qualités d'ensemble.
La musique du 5° régiment d'infanterie
prêtait son concours à cette belle fête de
l'armée et disons que si les spectateurs pro-
diguèrent des louanges à ceux qui leur don-
naient ce spectacle rare, le ministre et les
généraux ne leur ménagèrent pas les féli-
citations.
LES DIMANCHES
DU CITOYEN COCHON
Celui qui voua sa vie à rendre la vie im-
possible aux concierges ignore les loisirs
dominicaux et les repos fériés.
Quoiqu'ils eussent régulièrement payé leur
terme, deux locataires de la rue Chabanais
s'étaient récemment vu refuser l'autorisation
de déménager.
Ils s'adressèrent au citoyen Cochon. La
concierge ne voulut point écouter ses
conseils.
Houspillée, la providence des locataires »
demanda à s'expliquer au commissariat de
police. Là elle obtint gain de cause, et ce fut
sous la protection de trois agents qu'elle re-
vint rue Chabanais, se fit ouvrir la porte et
effectua le déménagement
Ceci, c'est le premier exploit de la journée
d'hier. Voici les quelques autres.
A la tête de sa fanfare, M. Cochon orga-
nisa ensuite trois « raffuts » contre d'autres
concierges récalcitrantes qui sévissent, 73,
avenue d'Allemagne, 19, rue Burnouf et rue
de l'Ourcq.
Amené au commissariat ponr scandale
sur la voie publique- il fut relâché aussitôt
et regagna ses pénates avec sa musique.
Drame dans une maison de santé
Un ancien antiquaire, M. de Vergne, en
traitement dans une maison de santé, rue
de la Mairie, à Iyry, recevait hier la visite
de sa femme, qui demeure à Paris, 42, rue
d'Artois.
Pris soudain d'un accès de folie furieuse,
le malade saisit une pince de fer qui se trou-
vait sous sa main et en porta un coup terri-
ble à Mme de Vergne.
On se précipita. Le dément fut maîtrisé
l'état de la victime est des plus graves.
Mort subite d'un prêtre devant l'autel
Toulouse, 30 mars. Dépêche particulière
du « Matin ». Cet après-midi, à Rabastens,
avait lieu lieu la remise de la médaille com-
mémorative aux combattants de 1870. Une
cérémonie religieuse avait été organisée à l'é-
glise Notre-Dame. Le curé doyen venait de ter-
,miner sa patriotique harangue quand soudain,
regagnant sa place, il tomba foudroyé d'une
attaque d'apoplexie devant le maître-autel.
0 a a. a a tXstlUD
& NOUVELLES
INDISCRÉTIONS COMMUNIQUÉS
LE concours Lépine. On sait l'inté-
rêt que portait M. Lépine à l'Asso-
ciation des petits fabricants et inventeurs
français, fondée en 1901 par les exposants
du concours auquel le préfet de police
avait ¡onné son nom.
Ces modestes et industrieux créateurs
s'inquiétèrent fort quand ils apprirent la
retraite de leur mécène. Qui, désormais,
s'intéresserait à eux ?
Les voici maintenant tranquillisés, et
c'est M. Lépine lui-même qui a tenu à leur
rendre le calme.
Ma sympathie vous demeure, tout.
aussi vigilante, a-t-il déclaré aux délégués.
de la société. Du reste, celle de mon suc- K
cesseur vous est acquise, sachez-le, et un
autre ami vous reste à la préfecture en la
personne de M. Laurent, le secrétaire gé-
néral.
Les petits fabricants s'en furent, tout
émus.
UhE FERMIÈRE du Caret, dans la banlieue
de Marseille, Mme Campourcy, pos-
sède une petite poule, âgée d'un mois et
demi, qui est un véritable phénomène.
Elle a quatre pattes et deux cloaques, v
D'autre part, à Niverville, par Saint4
Cloud-en-Dunois (Eure-et-Loir), chez Ml
Désiré Chaillou, une vache aurait mis an
monde um veau faut-il dire un veau ? –4
avec des pattes et une tête de mouton et
une « toison M mélangée laine et. soié.
DEUIL
On annonce la mort "H
m De M. Louis Pierson, décédé à Paris, à
l'âge de quatre-vingt-onze ans, et qui avait été
le collaborateur de l'inventeur Daguerre et
l'un des premiers vulgarisateurs de l'industrie
photographique 1
vw Du marquis Gonzalac d'Exéa, ancien f
officier, décédé à Lézignan, à l'âge de soixan- ̃
te-quinze ans y
vw Du colonel en retraite Henri Blanc, com- {
mandeur de la Légion d'honneur, décédé 'a
Monistrol-sur-Loire (Haute-Loire).
vw On annonce la mort de M. Salomon J.
Halfon, décédé à Bucarest, dans sa 68" année.
De la part de Mme S.-J. Halfon, M. et Mme Ma-
nolo Halfon, M. et Mme .Edmond Cahen, M. et
Mme Henri Fuchs et leurs filles, Mme Auguste
Mende et sa fille, M. Raphael Halfon, Mlle
Lalla Halfon, Mme Isidore Halfon sa femme j
et ses fils, filles, belle-fille, gendre, petites-fil-
les et belle-sœur.
vw Les familles Bloch, de Paris et de.Nîmes;
Ulmo, de Nimes Lévy, de Lyon, font part du t
décès de leur père, M. Cerf-Bloch, négociant à
Nîmes, survenu le 23 courant.
Il n'a pas été envoyé de lettre.
Avant de commander vos vêtements,
passez boulevard des Italiens, voir
les nouveautés de la saison chez le tailleur
Lejeune. Ses complets et pardessus à 80 f )
francs sont des merveilles d'élégance.
L'administration Dufayel vend par abon*
neinent au même prix qu'au comptant
dans plus de sept cents magasins de Paris
et de province. La brochure explicative est L
envoyée franco. ni
CHÉRI-BlBI.
Walk upstairs.
« Mais avez-vous jamais vu une huître
monter les escaliers ? dit un refrain po-
pulaire du Kentucky.
Il semble, en effet, que pour un lameffi-
branche, si entreprenant soit-il, cet. exer-
cice, cependant si banal, représente le com-
ble de la difficulté.
Hélas i l'huître aurait plus t6t fait d'at-
teindre le suprême degré'de l'impossible
échelle, que les forçats encaqués dans leur
cage grillée, sous l'œil à bout portant et
le revolver perçant des artoupans, de pro-
férer une parole, ébaucher un geste qui
passent inaperçus.
Et cependant, bravant les cadenas et les
grilles, les revolvers et la mort certaine,
quelqu'un mais qui ? ange, femme
ou oiseau? s'est introduit dans la cage
pour y apporter, quoi ?. la chose la plus
extraordinaire, la plus impossible à devi- •'
ner.–
/Concours DES BRAVES GENS. En cin-
w quième page la liste des prix.
/concours DE L'ALPHABET. L'cnvc-
loppe et sa solution sont inséparables.
(Voir en sixième page.)
Les avantages de Wood-Milne
Une démarche souple et élégante ajoutée
au bon état constant de la chaussure. Exi-
ger Wood Milne spécial imprimé sur chaque
talon caoutchouc pour avoir la' première qua-
lité. Hommes, 1,50 dames, 1,25 la paire.
Le « TIP » remplace le beurre
dont il a l'apparence et la saveur
Le tt Tip » se conserve mieux que le beurre
Livraison à domicile dans tout Paris
AUGUSTE Pellerin, 82, rue Rambuteau, Paris.
FEUILLETON DU «MATIN»
DU 31 MARS 1913
Pardaillan,
et Fausta
GRAND ROMAN INÉDIT
par Michel ZÉVACO
'XXXVI
-LE TRIOMPHE DU CHKO
(Suite)
Le moins qui pouvait lui arriver était
'd'aller méditer durant quelques mois dans
les casas satlias ou prisons de l'inquisition,
lesquelles regorgeaient toujours de monde.
Aussi le peuple avait-il adopté d'instinct la
tactique qui lui paraissait la plus simple et
la meilleure il attendait que les courti-
sans, généralement bien renseignés, lui in-
diquassent ce qu'il avait à faire sans
crainte de froisser la susceptibilité royale.
Selon que les courtisans applaudissaient
ou restaient froids, selon qu'ils approu-
vaient ou huaient, le peuple faisait chorus,
en exagérant, bien entendu.
Les courtisans savaient que le Torero était
condamné. Lorsque sa silhouette élégante se
détacha, seule au milieu de l'arène, au lieu
de l'accueillir par des paroles encouragean-
au lieu de l'exciter à bien combattre,
comme on le faisait habituellement pour les
autres champions, un silence mortel s'éta-
blit soudain.
Tous droits de reproduction, de traduction, est
à adaptation réservés pour tous pays.
Copyright fcy Michel Zevaeo 1912.
Le peuple, lui, ignorait que le Torero fut
condamné ou non. Ceux qui savaient étaient
des hommes à Fausta ou au duc de Castra-
na, et ceux-là étaient bien résolus à le soute-
nir. Or pour ceux qui savaient, comme pour
ceux qui ne savaient pas, le Torero était une
idole. C'était lui surtout que depuis de lon-
gues heures ils attendaient avec une impa-
tience sans cesse grandissante. Le silence
glacial qui pesa sur les rangs de la noblesse
déconcerta tout d'abord les rangs serrés du
populaire. Puis l'amour du Torero fut le plus
fort puis l'indignation de le voir si mal
accueilli, enfin le désir impérieux de le ven-
ger séance tenante de ce que plus d'un consi-
dérait comme un outrage dont il prenait sa
part..
Le Torero, immobile au milieu de la pistes
perçut cette sourde hostilité d'une part, cette
sorte d'irritation d'autre part. Il eut un sou-
rire dédaigneux mais, quoi qu'il en eût, cet
accueil, auquel il n'était pas accoutumé, lui.
fut très pénible.
Comme s'il eût deviné ce qui se passait en
lui, le peuple se ressaisit et bientôt une ru-
meur sourde s'éleva, timidement d'abord,
puis se propagea, gagna de proche en pro-
che, s'enfla et finalement éclata en un ton-
nerre d'acclamations délirantes. Ce fut la ré-
ponse populaire au silence dédaigneux des
courtisans.
Réconforté par cette manifestation de
sympathie, le Torero tourna le dos aux gra-
dins et à la loge royale et salua, d'un geste
gracieux de son épée, ceux qui lui procu-
raient cette minute de joie sans mélange.
Après quoi, il fIt face au balcon royal et
d un geste large, un peu théâtral un
geste à la Pardaillan, qui amena un sourire
d'approbation sur les lèvres de celui-ci
il salua le roi qui, rigide observateur des
règles de la plus méticuleuse des étiquettes,
se vit dans la nécessité de rendre le salut à
celui qui, peut-être, allait mourir. Ce qu'il
fit avec d'autant plus àe froideur qu'il avait
été plus sensible à l'affront- du Torero sa-
luant la vile populace avant de le saluer, lui,
le roi.
Ce geste du Torero, froidement prémédité,
qui dénotait chez lui une audace rare, ne,
fut pas compris que du roi et de ses courti-
sans, lesquels firent entendre un murmure
réprobateur. Il le fut aussi de la foule, qui
redoubla ses acclamations. Il le fut surtout
de Pardaillan qui, trouvant là l'occasion
d'une de ces bravades dont il avait le se-
cret, s'écria au milieu de l'attention géné-
rale j
Bravo, don César
Et le Torero répondit à cette approbation
précieuse pour lui par un sourire signifi
catif.
Ces menus incidents, qui passeraient
inaperçus aujourd'hui, avaient alors une
importance considérable. Rien n'est, plus
fier et plus ombrageux qu'un gentilhomme
espagnol. Le roi étant le premier des gen-
tilshommes, narguer ou insulter le roi c'é-
tait insulter toute la gentilhommerie. C'était
un crime insupportable, dont la répression
devait être immédiate. Or cet aventurier de
Torero, qui n'avait même pas un nom, dont
la noblesse tenait uniquement à sa profes-
sion. de ganadero qui anoblissait alors, ce
misérable aventurier s'était permis de vou.
loir humflier le roi. Cette tourbe de vils ma-
qui piétinaient, là-bas, sur la place,
s'était permis d'appuyer et de souligner de
ses bravos l'insolence de son favori. Enfin
cet autre aventurier étranger, ce Français
que faisait-il en Espagne, celui-là, et de
quoi se mêlait-il ? était venu à la res-
I cousse. Par la Vierge immaculée par -la
Trinité sainte par le sang du Christ voici
qui était intolérable et réclamait du sang
Les têtes s'échauffaient, les yeux fulgii-
raient, les poings se çrispaient sur les poi-
gnées. dès ragues et des épées, les lèvres
frémissantes proféraient des menaces et des
insultes. Si une diversion puissante ne se
produisait à l'instant même, c'en était fait
les courtisans se ruaient le fer à la maiu
sur la populace, et la bataille s'engageait
autrement que n'avait décidé d'Espinosa.
Cette diversion, ce fut le Chico qui, sâns
le vouloir, la produisit par sa seule pré-
sence.
A défaut d'autre mérite, sa taille minus-
cule suffisant à le. signaler à l'attention de
tous, le nain était connu de tout Sévilîe.
Mais si, sous ses haillons, sa joliesse na- j
turelle et l'harmonie parfaite de ses formes;)
de miniature forçaient l'attention au pont
qu'une artiste raffinée comme Fausta avait
pu déclarer qu'il était beau, on imagine ai- j
sèment .l'effet qu'il devait produire,' ses
charmes étant encore rehaussés par l'éclat
du somptueux costume qu'il portait avec
cette élégance native et cette fière aisance
qui lui étaient particulières. Il devait être
remarqué. Il le fut. Il avait dit naïvement
qu'il espérait faire honneur à son nobl"
maître. Il lui fit honneur, en effet. Et, qui
mieua est, il conquit d'emblée les faveurs
d'un .public railleur et sceptique qui n'ap-
préciait réel'ement, que la force et la bra-
voure. Pour détourner l'orage prêt à écla- j
ter, il suffit qu'une voix, partie on ne sait j
d'où, criât Mais c'est El Chico Et
tous les yeux se portèrent sur lui. Et no-
blés et vilains, sur lé point de s'entre-dé-
chirer, oublièrent leur ressentiment et, unis
dans le sentiment du beau, se trouvèrent
d'accord dans l'admiration.
L'incident du salut du Torero fut oublié.
Le Torero lui-même se trouva, un instant,
éclipsé par son page. Le branle étant danné
par la voix inconnue, le roi ayant daigné i
sourire à la gracieuse réduction d'homme, j
les exclamations admiratives fusèrent de
toutes parts. Et les nobles dames qui s'ex-
tasiaient n'étaient pas les dernières ni les
moins ardentes. Et le mot qui voltigeait sur
toutes les lèvres féminines était le même,
répété par toutes les bouches « Poupée
Mignonne poupée Poupée adorable Pou-
pée encore, toujours.
Jamais le Chico n'avait osé rêver un tel
succès. Jamais il ne s'était trouvé à pareille
fête. Car il était assez glorieux le petit bout
d'homme, et sur ce point il était, malgré ses
vingt ans, un peu enfant. Faut-il lui jeter
la pierre pour si peu ?
S'il était ainsi et non autrement, nous,n'y
sommes pour rien et c'est tant pis pour lui
s'il perd dans l'esprit du lecteur.
Aussi fallait-il voir comme il se redressait
et de quel air crâne il tourmentait la poi-
gnée de sa dague. Et cependant dans son
esprit une seule pensée, toujours la même,
passait et repassait avec l'obstination d'une
obsession
Oh si ma petite maîtresse était là 1
Si elle pouvait voir et entendre Si elle
pouvait comprendre enfin que je suis hom-
me et que je l'aime de toutes les forces de
mon cour d'homme Si elle était là, la ma-
done que j'adore, celle qui est toute ma vie
et pour qui je donnerais jusqu'à la dernière
goutte de mon sang Si elle était là 1
Elle était là pourtant, la petite Juana Là,
perdue dans la foule, et si le Chico ne pou-
vait la voir, elle, du moins, elle le voyait
très bien. Elle était là, et elle voyait tout et
entendait tout ce qui se disait, tous les com-
pliments qui tombaient dru comme gréle sur,
son trop timide amoureux Et elle voyait les
jolies lèvres des nobles et hautes et si bel-
les damas qui s'extasiaient. Et elle voyait
même très bien ce que ne voyait pas le naïf
Chico, perdu qu'il était dans son rêve d'ado-
ration c'est;.à-diro les coups d'oeil langou-
reux que ces mêmes belles dames ne crai-
gnaient pas de jeter effrontément sur son
pâtirais.
Ce jour-là, en vue de la course que pour
rien au monde elle n'eût voulu manquer, en
bonne Andalouse qu'elle était, la petite et
toute mignonne Juana avait endossé sa plus
belle et sa plus riche toilette des grandes
fêtes carillonnées. Et comme nous savons
-combien elle était coquette, comme son di-
gne père ne regardait pas à la dépense dès
1 qu'il s'agissait de cette enfant gâtée, joie et
¡prospérité de la maison, c'est dire si elle
était resplendissante.
Parée comme une madone, elle avait ren-
contré le sire de Pardaillan, lequel, sans
paraître remarquer sa rougeur- et sa confu-
sion ni son émotion, pourtant très visible,
l'avait doucement prise par la main, l'avait
entraînée dans ce petit cabinet où elle était
chez elle et s'y était enfermé seul à seule.
Que dit Pardaillan à la petite Juana; qui
paraissait si émue quand il l'entraîna ainsi' ♦*
C'est ce que la suite des événements nous
apprendra peut-être. Tout ce que nous pou-
vons dire pour l'instant, c'est que l'entre-
tien fut plutôt long et que la petite Juana
avait les yeux singulièrement rouges en
sortant du cabinet.
Du moins la nourrice Barbara en jugea
ainsi. Cette nourrice adorait sa maltresse,
ne la quittait pas d'une semelle et faisait
toutes ses volontés. Mais elle avait ceci de
particulier, c'est que .quoi que dit ou fît
Juana. les choses les plus futiles ou les
plus naturelles, Barbara grondait, grognait,
en appelait aux saintes et à ta Vierge, est
se refusait obstinément à admettre ce
qu'elle lui disait. Juana paraissait-elle re-
noncer ou se rétracter, immédiatement la
matrone grondait de plus belle, se répandait
en imprécations, en vitupérations farou-
ches, sans s'apercevoir qu'elle défendait
avec acrimonie ce qu'elle avait combattu imk_
l'instant d'avant, ou inversement. Juana
connaissait cette manie. Elle connaissai
aussi l'affection et le dévouement sinçèreà
de la brave femme. Elle souriait doucement,
laissait dire et agissait à sa guise.
(A suivre.)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.53%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.53%.

×
GallicaPix est une expérimentation d'indexation hybride de différentes collections de Gallica à contenu iconographique. Les illustrations y sont indexées selon les modalités habituelles de Gallica mais aussi selon des critères (type d'illustration, objets détectés dans l'illustration, couleurs, etc.) obtenus par l'application de techniques d'intelligence artificielle. Obtenir plus d'information sur GallicaPix
- Collections numériques similaires La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
- Auteurs similaires Edwards Alfred Edwards Alfred /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Edwards Alfred" or dc.contributor adj "Edwards Alfred")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 2/8
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k5704770/f2.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k5704770/f2.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k5704770/f2.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k5704770/f2.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k5704770
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k5704770
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k5704770/f2.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest