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Bertrand Badie : "ONU-Palestine : Obama est K.O. debout"

Dans un chat, mercredi 28 septembre, Bertrand Badie analyse la question palestinienne à l'examen du Conseil de sécurité des Nations unies en vue de la reconnaissance d'un Etat palestinien. Selon lui, ce dossier révèle surtout un échec de la diplomatie de Barack Obama

Le Monde

Publié le 28 septembre 2011 à 16h35, modifié le 28 septembre 2011 à 17h13

Temps de Lecture 16 min.

Salam : Le Proche-Orient parviendra-t-il un jour à s'affranchir des logiques de violence ou est-il condamné à ne vivre que de crises profondes (guerres, révolutions, coup d'Etat) ? Autrement dit, sommes-nous à la veille d'une nouvelle flambée de violence dans la région ?

Bertrand Badie : Nul doute que le champ de bataille du monde s'est déplacé de l'Europe vers le Moyen-Orient. C'est une manière de rappeler que lorsque l'Europe était à l'origine des conflits internationaux, ceux-ci étaient récurrents et ne laissaient que peu de temps à la trêve. La question consiste bien entendu à se demander comment s'est constitué ce nouveau centre de gravité du jeu conflictuel mondial. Tant que les facteurs qui ont présidé à sa naissance demeureront, nul doute que cette région connaîtra cette violence renouvelée, de manière peut-être encore plus profonde et complexe, puisque la violence internationale aujourd'hui n'est pas seulement produite par les Etats, mais également par les sociétés et les acteurs qui les composent.

Je vois pour ma part trois facteurs dont il faut surveiller l'évolution. Le premier est incontestablement d'ordre interne : le Moyen-Orient souffre d'un grave déficit d'institutionnalisation qui favorise autant les poussées autoritaires et dictatoriales que les jeux sociopolitiques autonomes ranimant périodiquement les conflits. Même si le printemps arabe a ouvert la voie à une reconstruction institutionnelle, on est encore loin d'un aboutissement qui se révélerait probant.

Le deuxième facteur tient probablement au fait que cette région du monde a été parmi celles qui ont le plus mal vécu le processus de décolonisation. Le cas palestinien est un exemple qui n'a pas son pareil ailleurs. Mais on retrouve les mêmes incertitudes du Soudan jusqu'à l'Irak, à travers des configurations territoriales dessinées selon des rapports de force extérieurs et qui viennent ainsi brouiller la mise en place de formes efficaces de contrat social.

J'ajoute enfin un troisième facteur particulièrement grave et durable : pour différentes raisons, le Moyen-Orient s'est imposé davantage comme l'instrument d'une politique internationale que comme un espace réalisant en lui-même et par lui-même sa propre histoire. Le monde arabe dans son entier, au-delà donc du seul Moyen-Orient, reste le seul lieu de l'espace mondial où les raisonnements diplomatiques s'expriment encore selon des logiques instrumentales, voire de manipulation : sociétés et régimes n'existent que pour se mettre au service de l'approvisionnement énergétique mondial, pour contenir les flux migratoires, pour assurer la sécurité en Méditerranée orientale, ou pour conforter celle d'Israël.  Aucun plan d'ensemble sur la région n'a jamais reçu sa propre finalité, celle d'assurer le développement humain de toute une région dont, justement, le PNUD a su il y a déjà de nombreuses années mettre en évidence les performances négatives. Au total, cet ensemble de blocages, de frustrations et d'humiliations sont les meilleurs terreaux que l'on puisse concevoir pour produire et reproduire de la violence.

José : L'échec en cours des Palestiniens à l'ONU marque-t-il un tournant du Printemps arabe ? Est-ce que les nouveaux régimes arabes vont jouer la carte de la tolérance à l'égard d'Israël ou enclencher un virage plus ferme ? L'Occident qui a soutenu ces révolutions arabes va-t-il les lâcher si les nouveaux régimes qui y naissent se tournent contre Israël ?

Bertrand Badie : Il n'est pas sûr du tout qu'on soit dès à présent face à une situation d'échec. Après tout, Mahmoud Abbas a déjà obtenu deux victoires, et non des moindres : replacer la question palestinienne au centre de l'agenda international, position qu'elle avait perdue depuis déjà un certain temps, et contraindre les diplomaties, surtout occidentales, enferrées dans leurs contradictions et leurs ambiguïtés, à prendre des positions claires. Au-delà encore, rien n'indique que la démarche palestinienne n'obtiendra aucun résultat concret et qu'un vote de l'assemblée générale, en particulier, n'aboutisse pas à montrer que la cause est majoritairement soutenue dans le monde, ce qui en même temps lui redonnerait toute sa légitimité et pourrait contraindre la "communauté internationale" à faire un geste.

Cela étant posé, je vous rejoins pour envisager un blocage, au moins juridique, du processus, et pour mesurer d'ores et déjà tous les effets de tensions, voire de violences, qui découleront de cette nouvelle frustration. D'une part, preuve aura été faite que toutes les voies de la diplomatie auront été épuisées, ce qui risque de donner une prime à ceux qui se réclament d'autres formes de recours. On notera que de ce point de vue, le Hamas, déjà, prend date. D'autre part, on a trop vite fait de dire que le printemps arabe était détaché de la question palestinienne : d'un certain point de vue, c'était tout le contraire. Il y a une évidente continuité entre le fait de réagir aux humiliations que des régimes dictatoriaux imposaient à leurs peuples et la démarche qui consiste à s'insurger contre les humiliations venues de l'extérieur.

Les récents événements qui se sont déroulés au Caire autour de l'ambassade d'Israël sont là pour le démontrer, tandis qu'une chose est plus que jamais évidente : jamais un dirigeant du monde arabe ne prendra désormais le risque de s'engager dans le même type de coopération avec Israël que celui mené par Moubarak et qui lui coûte aujourd'hui si cher. Plus encore, dans une situation de réponse aux demandes sociales, un dirigeant du monde arabe a peu de marge sur le plan économique comme sur celui des réformes institutionnelles. Il va fort à parier que l'essentiel de sa manoeuvre portera sur le plan de la politique étrangère et des concessions, symboliques ou plus, qu'il pourra faire aux sociétés qui se mobilisent aujourd'hui.

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Du côté occidental, la marge n'est pas non plus très grande : les hésitations dont font preuve l'Europe et l'Amérique du Nord face à la demande palestinienne risquent de décevoir, de relancer une opinion publique arabe déjà fortement antiaméricaine, et surtout, de rendre peu cohérentes les politiques élaborées à l'égard du monde arabe depuis Paris, Londres ou Washington. Le soutien de ces capitales au printemps arabe a déjà été complexe et contrasté ; il risque bien vite de devenir carrément contradictoire.

Inchallah : Mahmoud Abbas est-il vraiment revenu dans le jeu international ou s'agit-il plus d'un baroud d'honneur sachant que ce n'est pas la première fois qu'il avale une couleuvre alors que sa cause était déjà à l'agenda international ?

Bertrand Badie : Mahmoud Abbas n'avait plus aucune carte dans son jeu. Il avait plus qu'épuisé les ressources que les accords d'Oslo avaient données aux dirigeants de l'Autorité palestinienne.
Cette démarche en direction des Nations unies était la seule voie possible, en même temps pour rentrer dans le jeu diplomatique et pour regagner une popularité minimale auprès des populations palestiniennes. D'un certain point de vue, sa démarche est exemplaire comme étant le résultat logique d'une sorte de non-choix : rester dans le jeu du processus de paix et de la négociation n'avait plus aucune crédibilité, tandis que l'immobilisme ou le silence le ruinaient définitivement.
En ignorant qu'un partenaire puisse, dans certaines conditions, se trouver dans une situation lui enlevant toute marge de manoeuvre, le gouvernement israélien a comme mécaniquement conduit à un processus dont il a maintenant beaucoup de mal à s'émanciper, et dans lequel, fatalement, il perdra un certain nombre d'avantages.

Olivier : Pourquoi cette demande de reconnaissance à l'ONU n'intervient-elle que maintenant ?

Bertrand Badie : Précisément, le choix de Mahmoud Abbas était de parvenir à une reconnaissance par une autre voie, celle que dessinaient les accords d'Oslo et qui devait conduire Israël à procéder de lui-même à cette reconnaissance. Ce choix stratégique, qui était déjà celui de Yasser Arafat, était a priori infiniment plus confortable : une reconnaissance directe par les autorités israéliennes donnait à la nouvelle entité palestinienne plus de sécurité et de confort.
De même, la communauté internationale n'aurait alors d'autre choix que celui d'un suivisme passif.

Convaincu au bout de presque vingt ans que ce chemin ne menait nulle part, Mahmoud Abbas était face au dilemme que j'exposais plus haut : ou il se retirait en laissant la place à la violence, ou il relançait la diplomatie par une tout autre entrée, celle de la démarche auprès des institutions multilatérales. L'erreur était peut-être de pécher par excès d'optimisme en pensant que le processus issu d'Oslo avait des chances suffisamment sérieuses d'aboutir. Le Hamas, qui avait fait le pari inverse (et qui n'était pas loin de le modifier lorsqu'il avait gagné les élections en 2006), tente maintenant de tirer les dividendes de ce qui apparaît comme sa clairvoyance d'antan.
La marge de manoeuvre est ainsi très étroite, et le pire risque encouru par Mahmoud Abbas est de ne pas recevoir un soutien suffisamment net des puissances occidentales.

Berhouchi Goulmima : Peut-on parler d'un Printemps des libertés lorsque le référent religieux est toujours présent dans le discours des révolutionnaires ?

Bertrand Badie : Le printemps des libertés est plus qu'évident lorsqu'on prend en compte les demandes exprimées depuis les sociétés du monde arabe, de Tunis à Damas, de Tripoli à Sanaa, de Bahreïn jusqu'en Palestine. Il est gravement posé lorsqu'on sait que des milliers d'hommes et de femmes, probablement des dizaines de milliers, y ont laissé la vie. Le référent religieux n'a rien à voir dans cette demande d'émancipation, de libération et de reconquête de la dignité. Certains conjuguent ces valeurs avec leur construction du sacré ; d'autres prétendent au contraire les séparer dans une sorte de réinvention de la laïcité.

Dans un cas comme dans l'autre, ce choix appartient aux acteurs qui se mobilisent. Une chose est cependant certaine : si cette demande de liberté est satisfaite, on évoluera mécaniquement vers une reconstruction plus libérale de l'islam. Cela d'autant plus que les partenaires extérieurs au monde musulman tendront la main à ces sociétés nouvelles, les respecteront et cesseront de les humilier.
Si, au contraire, le printemps arabe se transforme en hiver, si l'autoritarisme prend sa revanche, si le passage de cette espérance vers le politique ne parvient pas à se faire, si le monde occidental en particulier ne répond pas à cette effervescence en respectant l'intégrité et l'altérité du monde arabe, alors, on peut raisonnablement parier que toutes ces déceptions constitueront une manne pour les mouvements islamistes les plus radicaux et les plus intolérants. Peut-être que le printemps arabe est en train de faire la décision entre un islam libéral et un islam radicalisé. Le choix appartient à tous, mais à l'Occident en particulier.

Nordine du Quebec : Que pensez vous du discours de Barack Obama ? A-t-il vraiment louper le train de l'histoire ?

Pedro : La crise actuelle entre Israël et la Palestine est-elle avant tout un fiasco américain et un échec de Barack Obama ?

Bertrand Badie : Peut-être les Etats-Unis, et tout particulièrement leur président, vont être les principales victimes de ce nouvel épisode du printemps arabe. Jamais la politique étrangère américaine n'est apparue aussi clairement à travers ses blocages et son impuissance. L'an dernier, Barack Obama n'a pas pu même obtenir d'Israël un gel provisoire de ses implantations en Cisjordanie. Aujourd'hui, le même Obama ne peut que passivement réagir au choix délibéré de l'Autorité palestinienne d'aller vers les Nations unies, alors qu'on peut facilement imaginer toutes les pressions, peut-être les intimidations, que Washington a pu exercer sur Ramallah.

Non seulement ainsi les Etats-Unis sont mis en échec par beaucoup plus petits qu'eux-mêmes, mais toute la politique de la superpuissance au Proche-Orient se trouve en situation de blocage et de contradiction. Le président des Etats-Unis est aujourd'hui K.O. debout, n'ayant d'autre choix que de mettre son veto à l'admission de la Palestine comme Etat membre des Nations unies, alors que toute son orientation stratégique et discursive portait uniformément, depuis deux ans, sur une telle reconnaissance. En fait, on découvre aujourd'hui à quel point la marge de manoeuvre de la superpuissance est des plus faibles sur le champ de bataille du Proche-Orient. Et on perçoit immédiatement, au-delà de ce premier constat, combien Barack Obama est seul, sans ressources à l'intérieur des Etats-Unis comme au sein du système international.

Nordine du Quebec : Quels pays pourraient dorénavant supplanter les Etats-Unis pour aboutir à la paix au Proche-Orient ?

Bertrand Badie : En termes de grand manager régional, aucun. L'évolution post-bipolaire a redonné aux acteurs locaux une prépondérance qui probablement ne pourra plus leur être retirée. L'ennui tient au fait que ces acteurs locaux ont été laminés par le printemps arabe : Egypte, Syrie notamment perdant l'essentiel de leurs ressources politiques et diplomatiques.

On est donc dans une situation inédite : ceux qui sont à l'extérieur du Moyen-Orient peuvent de moins en moins peser, tandis que ceux qui sont à l'intérieur se trouvent profondément affaiblis par les transformations que l'on connaît depuis décembre dernier. Du même coup, les candidats au leadership s'affichent désormais à la marge du Moyen-Orient, c'est-à-dire à l'immédiate périphérie extérieure du monde arabe. On pense évidemment à l'Iran et à la Turquie.

La première joue une carte radicale qui lui permet d'engranger les bénéfices en même temps du désordre, des frustrations et de la contestation. Sa capacité médiatrice s'en trouve évidemment anéantie. La seconde semble aujourd'hui être la seule candidate sérieuse à combler le vide : il suffit de suivre les itinéraires diplomatiques de Recep Tayyip Erdogan ou de son ministre des affaires étrangères Ahmet Davitoglu pour comprendre ce que la Turquie cherche à obtenir au sein de ce monde devenu si profondément instable. En critiquant de manière de plus en plus ferme Israël, elle gagne en popularité au sein des sociétés arabes. En s'affichant aux côtés des acteurs du printemps arabe, elle apparaît en même temps comme une force de changement dans la région et comme le seul défenseur actif des libertés et des institutions démocratiques qu'il reste à construire.

En restant en bons termes avec le reste du monde, elle s'affiche enfin comme seul médiateur possible. Le pari est difficile ; il lui vaut quelque aigreur du côté de Téhéran et de Tel-Aviv ; mais le choix est rationnel et conduira de toute manière à une redistribution du jeu de puissance dans la région. L'Europe reste globalement en marge, entre l'absence, le silence ou l'illusion de puissance.

Paul : Quelles conséquences le refroidissement israélo-turc peut-il avoir ?

Bertrand Badie : Pour la diplomatie turque, les lunes de miel, si nombreuses ces trois dernières années, tendent inévitablement à s'estomper. Dans un premier temps, Ankara s'était construit comme leader régional en se réconciliant avec tous ses voisins et en se réclamant d'une amitié universelle, dont bénéficiaient indistinctement Téhéran, Tel-Aviv, Damas ou Athènes. On est entré dans une seconde étape, où la puissance gagnée commence à susciter craintes et rivalités et où la situation conduit à faire des choix qui ne peuvent plus être consensuels. Gagner de l'autorité dans le monde arabe suppose un appui turc à la cause palestinienne qui ne peut que créer un antagonisme croissant avec un gouvernement israélien particulièrement fermé à tout compromis.

On peut donc parier que ces tensions vont aller croissant, conduisant déjà Israël à chercher d'autres amis, y compris à Athènes, ce qui est assez spectaculaire. On voit mal en revanche comment Ankara pourrait revenir à d'autres postures sans compromettre tous les efforts consentis, à prix somme toute assez élevé, en direction des capitales arabes. Dans ce jeu, Tel-Aviv a plus à perdre qu'Ankara : Erdogan le sait bien.

Andrew : La Syrie, l'Iran et le Liban du Hezbollah ne sortent-ils vainqueurs de ce nouveau revers pour les Palestiniens, considérant qu'un geste fort de l'Occident s'est une nouvelle fois révélé illusoire ?

Bertrand Badie : Le régime syrien n'existe pratiquement plus aujourd'hui, en tout cas dans sa capacité diplomatique. Il est bien en peine de tirer quelque avantage des processus qui se construisent aujourd'hui sur la scène régionale. L'Iran peut en revanche capitaliser au profit de sa diplomatie contestataire les bénéfices en même temps des blocages diplomatiques et des frustrations ou des humiliations qui inévitablement vont en dériver au sein de la population palestinienne.

Le Hezbollah, qui a su depuis un moment prendre ses distances avec Damas, est en mesure de faire écho à une telle récupération et de renforcer sa propre posture au sein d'un régime libanais doublement orphelin, d'une part de son parrainage syrien, et d'autre part d'un parrainage occidental qui semble aujourd'hui en sommeil.

Quentin Deforge : Quel impact peut-on attendre du mouvement social en Israël sur la politique intérieure de cet Etat et plus particulièrement sur le conflit ?

Romain : Pensez-vous qu'un changement de parti à la tête d'Israël (la gauche par exemple) aboutirait sur une position plus ouverte du pays ?

Bertrand Badie : Il est évident que l'importance acquise par le mouvement des indignés en Israël modifie profondément la donne propre à ce pays. Quatre cent mille personnes dans la rue, soit pas loin de 10 % de la population, voilà qui renvoie à un mouvement social dont l'ampleur reste inégalée si on se réfère à des sociétés ayant atteint le même niveau de développement socioéconomique. L'enjeu paraît évident : au-delà d'une remise en cause profonde de la légitimité même du politique installé, les demandes sociales ainsi exprimées ne peuvent être satisfaites qu'au prix de coupes claires dans le budget militaire.

Ainsi se révèle enfin l'insupportable pression que représente pour Israël un budget militaire qui dépasse, et de beaucoup, ses capacités économiques. Ce croisement entre une délégitimation du politique et une remise en cause profonde de l'orientation militaire du pays ne peut avoir que des effets très lourds sur la politique régionale de l'Etat hébreu. Si le gouvernement n'entend pas ces demandes, tout porte à penser que sa légitimité sera encore plus fortement atteinte. S'il y répond, c'est sa crédibilité militaire dans la région qui s'en trouvera affectée. On est clairement face à un cercle vicieux.

Baskal : La France peut-elle voter contre un État palestinien à l'ONU ?

Gégé : Le meilleur soutien aux peuples cherchant à se libérer n'est-il pas de se soulever ici, en France, contre notre régime ?

Bertrand Badie : Le vote français aux Nations unies peut prendre différentes formes : dans un refus de choisir, la diplomatie française peut, par exemple, voter contre au Conseil de sécurité alors qu'il s'agirait d'admettre un nouvel Etat membre, et de voter pour à l'Assemblée générale alors qu'il s'agirait d'accueillir un Etat observateur. C'est, semble-t-il, ce vers quoi on s'oriente, mais de manière en fait peu glorieuse car peu lisible, contradictoire et contraire à une ferme parole en faveur d'un Etat palestinien exprimée depuis près d'un quart de siècle par les différents gouvernements qui se sont succédé, jusques et y compris par la déclaration de Berlin souscrite par le Conseil européen en 1999. Il ne s'agit pas, au demeurant, d'un simple refus de choisir entre Israël et la Palestine.

On trouve dans ces équivoques la volonté en même temps de ménager Washington et de lui éviter d'émettre un veto, et celle d'apparaître comme le "sauveur raisonnable" dans une situation de blocage, pourtant en partie créée par le choix français. N'oublions pas en effet que si la délégation française vote en faveur de la Palestine au Conseil de sécurité, Mahmoud Abbas gagnera, la France étant en mesure d'entraîner dans son sillage deux à trois autres des membres actuels du Conseil.
Quant à la question de ces mouvements qui viennent des sociétés pour contester le politique, vous avez raison de constater qu'ils ne se limitent pas au seul monde arabe : ils se sont bel et bien emparés d'Israël, mais ont franchi aussi la Méditerranée, atteignant, à travers le mouvement des "indignés", la Grèce, l'Espagne, l'Italie, pour remonter jusqu'à la France. On entre aujourd'hui, en Europe, et de notre manière, nous aussi, dans une remise en cause du politique par la société.

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