Un silence pesant écrase le campus de l’université de Birzeit, en Cisjordanie occupée. Très peu de voitures stationnent dans les allées, entre les vastes bâtiments en pierre beige, à 10 kilomètres au nord de Ramallah, la capitale de l’Autorité palestinienne. Un seul étage de la bibliothèque universitaire reste ouvert, sur les trois niveaux, et aucun élève n’occupe les dizaines de salles de classe du campus, vides et fermées à clé. Jeudi 21 décembre, près du terrain de football, désert lui aussi, quelques étudiants de la filière sport jonglent avec un ballon autour d’une table de ping-pong.
Mustafa, en quatrième année, est revenu sur place quatre jours plus tôt seulement, après plus de deux mois passés chez ses parents à Jérusalem-Est, « à cause des centaines de checkpoints mis en place par l’armée israélienne » l’empêchant de se déplacer librement en Cisjordanie. Une conséquence « déplaisante » de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, que le jeune homme de 21 ans considère malgré tout comme un « symbole de résistance ». Depuis cette date, la très grande majorité des cours de la plus prestigieuse faculté de Palestine, qui accueille environ 15 000 étudiants chaque année, est donnée sur l’application Zoom. Même chose pour les conférences organisées par la faculté, comme celle sur la « guerre contre l’éducation en Palestine », animée par Arathi Sriprakash, professeure de sociologie à l’université britannique d’Oxford.
En réponse aux bombardements massifs et meurtriers d’Israël dans la bande de Gaza (qui ont déjà causé la mort de plus de 21 000 personnes, selon le ministère local de la santé), Birzeit a publié une lettre ouverte, à la mi-octobre, appelant les universités du monde entier à se mobiliser « contre le silence face au génocide » du peuple palestinien. Aujourd’hui, plus de 800 universitaires ont déjà signé la déclaration de la célèbre institution.
Violences des colons
Le conflit entre Israël et le Hamas a mis la première université de Palestine sous pression. Deux fois en moins de trois mois, l’armée israélienne a pénétré sur ce campus qui a accueilli certains des plus grands intellectuels contemporains, comme la philosophe américaine du genre Judith Butler et l’intellectuel français Etienne Balibar. Durant l’un de ses raids, un agent de sécurité aurait été agressé à l’entrée des bâtiments et des drapeaux confisqués après des fouilles de logements étudiants, affirme Rida, diplômé en littérature anglaise et employé par le service communication de l’institution : « Ils cherchaient des armes, ou tout ce qui pouvait décrédibiliser l’université. »
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