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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 18:24

Ce post répond à la question de Monsieur Peyrelevade sur l'interprétation des propositions d'organisation bancaire et monétaire de Maurice Allais

Chers amis blogueurs,

Tous ces débats sont passionnants. Mais je ne comprends pas tout. Pour m'y retrouver je vais essayer de distinguer la réalité objective de sa mesure et du calcul effectué par les banques ; centrale ou commerciale refinancée totalement ou partiellement par la banque centrale. La mesure de la réalité se fait par la monnaie qui visiblement modifie la monnaie qui à son tour modifie la réalité. Je vous propose quelques reformulations exprimant ce que je comprends.

La monnaie limitée par la confiance

La création ex nihilo de monnaie est-elle possible ? Si le nihilo renvoie à l'absence de matière physique, alors oui, banques centrales et banques commerciales fabriquent de la monnaie avec rien : elles inscrivent des crédits à leur actif et des dépôts de même montant à leur passif. L'heureux bénéficiaire du dépôt, État, entreprise, particulier s'en sert pour acheter ce qu'il veut.

Si banques centrale et commerciales créent de la monnaie sans limite matérielle, à quelle limite peuvent-elles se heurter ? La contrevaleur d'un crédit ne peut être dépensée qu'une seule fois. Pour que de nouvelles dépenses puissent être faites, il faut soit que l'emprunteur rembourse son crédit, soit qu'un déposant transfère son dépôt d'une autre banque. Laquelle autre banque ne peut transférer son dépôt que si une troisième banque lui accorde un crédit pour accorder la contrevaleur en dépôt à la première banque. Nous avons dans la confiance d'un déposant, agent de l'économie réelle ou autres banques une limite notionnelle à la création monétaire.

Y a-t-il une limite matérielle à la confiance d'un déposant ? Le déposant, agent de l'économie réelle ou autre banque, fait crédit d'un pouvoir d'achat monétaire à la banque ou il dépose. S'il croit qu'à l'échéance de son dépôt ou quand il l'aura décidé, il pourra acquérir de la valeur réelle en contrepartie. La banque dépositaire doit donc démontrer sa capacité à fournir la valeur réelle, la valeur non monétaire, à l'échéance choisie par ses déposants. Cette valeur réelle à terme est soit le crédit d'une autre banque, par exemple la banque centrale, soit le remboursement des crédits qu'elle a accordés.

La monnaie limitée par le risque

Le remboursement du crédit par le crédit signifie-t-il l'absence de limite physique à la création monétaire par le crédit ? Le remboursement d'un crédit par son débiteur implique qu'il vende quelque chose à l'échéance en contrepartie de quoi il reçoit la contrevaleur du crédit à rembourser. La limite physique des crédits accordés par une banque est donc la capacité de ses débiteurs à vendre à terme la valeur réelle non monétaire ; donc à acheter à terme la monnaie. La banque centrale qui prête aux banques est limitée par la valeur réelle à tous les termes que les débiteurs des banques produiront en remboursement de leurs emprunts.

Comment les banques anticipent-elles la production de la contrepartie réelle de leurs crédits ? En découvrant chacun de leurs débiteurs et la crédibilité de leurs propres anticipations de production de valeur réelle. La création monétaire par le crédit est un immense réseau de transformation des anticipations des agents économiques en prévisions de transactions futures. Les banques ont deux possibilités d'erreur : la localisation dans le temps des ventes à terme de leurs débiteurs ou des achats à terme de leurs déposant ; la surestimation du montant des ventes à terme de leurs débiteurs.

Comment les erreurs d'anticipation sont-elles traitées par le système bancaire ? Le doute du banquier sur le remboursement à terme d'un crédit ou sur le décalage défavorable de ses échéances de trésorerie doit être mesuré et traduit en perte dans la valeur nominale des comptes. Mais il est possible de se faire crédit à soi-même de sa certitude d'être remboursé ; si nécessaire d'accorder de nouveaux crédits non remboursables aux débiteurs défaillants pour repousser la réconciliation des comptes à la réalité. Tel est bien ce que la banque centrale cherche à débusquer en faisant contrôler le fonctionnement des banques.

Le multiplicateur de la confiance

Quel intérêt la banque centrale a-t-elle à démasquer les bilans bancaires insincères ? Matériellement, elle n'en a aucun si elle ne peut pas faire payer plus cher ses prêts aux banquiers les moins sérieux ou les moins compétents. Formellement, la banque centrale a pour mission de fournir toute la monnaie dont l'économie a besoin pour croître sans diminuer le pouvoir d'achat de la monnaie. Si la masse monétaire croît plus vite que la production de valeur réelle, c'est l'inflation ; si les crédits ne croissent pas au rythme des ventes à terme de valeur réelle, c'est la déflation.

Comment la banque centrale gère-t-elle la démultiplication de ses crédits par le système bancaire ? Elle a a priori deux leviers : le prix de sa liquidité et les conditions qu'elle met au bénéfice de ses prêts. Le multiplicateur du crédit est le rapport entre les crédits centraux et les crédits à l'économie. Plus le système bancaire inspire confiance aux épargnants et plus ces derniers se projettent dans le futur avec la perspective d'une rémunération suffisante, plus le multiplicateur du crédit est élevé et plus le poids de la banque centrale est quantitativement faible dans le financement de l'économie. Si la confiance des déposants détermine le multiplicateur du crédit, ni le prix de la liquidité ni la conditionnalité des refinancements centraux n'en sont la cause directe ; plutôt la capacité des banques à rester solvable dans le financement rationnel et prudent des anticipations de leurs débiteurs.

La liquidité limitée par le risque

Logiquement, le prix de la liquidité anticiperait le prix moyen du risque que les emprunteurs de l'économie prennent dans leurs anticipations. Un prix trop élevé les dissuade d'un levier trop grand de l'emprunt dans les investissements et les incitent à contraindre leurs anticipations par l'autofinancement disponible. Un prix trop bas de la liquidité stimule la part de l'emprunt dans les investissements et des anticipations de croissance irréalistes de la production économique. Ainsi peut-on supposer que la liquidité actuellement quasiment gratuite nourrit à brève échéance la prochaine bulle financière.

Dans la conditionnalité des refinancements centraux, il y a le contrôle d'éligibilité et les réserves obligatoires. La banque centrale choisit les critères à remplir pour accéder à son crédit ; moins il y a de banques éligibles, plus les adjudications de la banque centrale sont difficiles à placer. On supposera que la masse monétaire s'ajuste en conséquence sans effet direct sur le multiplicateur du crédit. Restent les réserves obligatoires calculées sur les crédits ou sur les dépôts. Elles impliquent d'emprunter plus à la banque centrale pour disposer de la même liquidité qu'en l'absence de réserve. Le coût de la liquidité centrale est renchéri mais sans effet direct sur le multiplicateur du crédit.

Le multiplicateur du crédit n'est pas mécaniquement piloté par la banque centrale à cause de l'interprétation que déposants et épargnants font de la qualité du contrôle central sur le risque de crédit du système bancaire. La crise en cours montre même que la confiance détruite de l'économie réelle dans la monnaie pousse la banque centrale à une politique de liquidité nominale déconnectée de la capacité du système bancaire à calculer et maîtriser réellement ses risques. Des risques qui sont des risques de mesure de la réalité du risque logé dans les anticipations financées en crédit de l'économie.

Le crédit séparé du risque

Ne faut-il pas conclure que la séparation à opérer dans la dynamique de création monétaire ne se trouve pas entre les dépôts et les crédits comme le suggère Maurice Allais mais entre les crédits et le risque de crédit ? Une séparation qui de toute anticipation obligerait à contractualiser séparément le prix en crédit sans risque et le prix du risque. L'intervention de l'État est nécessaire pour veiller à la séparation du risque et du crédit mais pas pour en calculer les prix au contact de chaque emprunteur et de chaque projet d'investissement. La valeur et la stabilité de la monnaie et de la croissance économique dépendent de l'intermédiation du système bancaire rationnelle et régulée entre chaque agent économique et la banque centrale. Pour qu'une unité monétaire au présent apporte avec certitude dans un futur libre la valeur réelle qu'elle représente par choix de la société, ne faut-il pas la considérer comme le lien entre une cause de valeur identifiée au présent et sa matérialisation future au moment de la dépense réelle qui permet le remboursement de son crédit sous-jacent ? La monnaie comme outil logique volontairement limité par la rareté prévisible du futur ? Notre débat avance-t-il ainsi ?

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commentaires

H
Sur le sujet, il y a le récent ouvrage « Création monétaire: Le tour de magie dévoilé » d’Izabella Hourd.<br /> <br /> https://www.fichier-pdf.fr/2017/08/11/creation-monetaire-cours/<br /> ou<br /> https://www.amazon.fr/Cr%C3%A9ation-mon%C3%A9taire-tour-magie-d%C3%A9voil%C3%A9/dp/1522042474
Répondre
P
Le tour de magie de la création monétaire consiste à nier la bonne foi inter-personnelle nécessaire délibérée à toute offre de valeur ajoutée objective contre son prix en monnaie. A partir de cette négation de la réalité objective, la société politique se résout à accorder à un banquier hors sol le monopole de la discrimination entre valeur et non-valeur à partir de quoi un crédit arbitraire est consenti à des débiteurs qui n'ont pas à rendre compte de la réalité juste et vraie des biens et services vendus pour récupérer la liquidité qui rembourse l'anticipation bancaire des prix.<br /> Merci de me signaler votre ouvrage. Avez-vous lu cette discussion analyse du 100% monnaie : http://pierresartondujonchay.over-blog.com/article-transformer-le-modele-monetaire-de-maurice-allais-68802919.html ?<br /> Et cette analyse du projet de monnaie complémentaire à Nantes : http://pierresartondujonchay.over-blog.com/article-la-nouvelle-monnaie-de-nantes-une-re-humanisation-du-prix-104569600.html ?

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